Éco-anxiété : de quoi parle-t-on ?
Ce « sentiment d’un danger imminent indéterminé s’accompagnant d’un état de malaise, d’agitation, de désarroi voire d’anéantissement », c’est l’anxiété. Lorsque ce sentiment d’inquiétude s’applique au dérèglement climatique et à l’angoisse d’un futur au climat dégradé, ça s’appelle de l’éco-anxiété. D’après un sondage IFOP réalisé en juillet et août 2022, 67% des Français déclarent ressentir de la peur face à l’avenir. Et, devine qui sont les catégories de populations les plus touchées ? Allez, je te le donne en mille : les femmes, les jeunes, les mères de famille. Avec une cerise sur le gâteau : nous, les mères, sommes particulièrement enclines à nous sentir responsables de ce qui arrive…
Culpabilité, bonjour, ça faisait longtemps !
Cet été, j’étais en train de ramener ma fille de 5 ans de sa leçon de natation. De chaque côté de la route, à perte de vue, le paysage n’est que désolation : blé, maïs, tournesol, tout était brûlé par le soleil et asséché jusqu’à la racine par le manque d’eau. Un coup d’œil dans le rétroviseur : ma fille affamée après une séance intensive de « grenouille » dévore un morceau de pain. Je ne peux m’empêcher de penser que s’il avait fallu compter sur du blé produit localement pour la nourrir, elle n’aurait rien à se mettre sous la dent. Et voilà mon esprit abreuvé de gros titres médiatiques qui s’égare en dystopie : et si c’était ça, son avenir ? Les images traumatisantes du dessin animé Fantasia me reviennent en tête. Tu sais, celles de la disparition des dinosaures, avec ces familles de dinos trop mignons en quête d’une nourriture inexistante, qui fouillent le sol en vain avant de s’écrouler…
Ça te parle, chère Fabuleuse ?
Peut-être as-tu toi aussi expérimenté ces moments d’inconfort extrême, cet été. En tentant de te réjouir du magnifique château de sable construit par tes enfants alors que, de l’autre côté de la plage, juste derrière la dune du Pilat, s’élevait une colonne de fumée noire haute comme un immeuble ? Ou bien lorsque tu souriais jaune sur une photo de groupe, en maillot par 40 degrés sur une plage de Bretagne où, de mémoire de Fabuleuse, le mercure n’était jamais monté au-dessus de 27 degrés ? #BretagneTheNewMiami… Mouais.
Chère fabuleuse éco-anxieuse, j’ai deux bonnes nouvelles pour toi.
La première, c’est que ressentir de l’éco-anxiété est une réaction parfaitement saine dans le contexte actuel. Oui, il y a un problème, oui, c’est normal de s’inquiéter parce que : oui, le sujet est sérieux et oui, il faut faire quelque chose. Le statut quo n’est pas possible, nous devons agir, et agir vite. Voilà, c’est dit. OK, tout ça c’est très bien, vas-tu me répondre, mais moi j’ai le sentiment que je n’y peux pas grand-chose, à cette planète qui part en cacahuète, que je suis un peu le dindon de la farce et que je ne vais pas tarder à passer au four ! Si c’est ce que tu ressens, alors je partage avec toi ma deuxième bonne nouvelle : il est possible de sortir du sentiment d’impuissance lié à l’éco-anxiété. Pour cela, je te propose trois étapes simples.
Sortir de l’éco-anxiété - Étape 1 : acquérir de la clarté
Le mot qui me paraît important dans la définition de l’anxiété donnée par l’OMS, c’est le mot « indéterminé ». On a peur d’un danger « indéterminé », et comme notre cerveau a horreur du vide, il remplit cet « indéterminé » par des fantasmes et des projections de fin du monde dignes des pires films de science-fiction (hello les dinosaures !). Si c’est ton cas, chère Fabuleuse, je t’invite à te renseigner, à te former, pour comprendre concrètement ce qui se passe et quelles conséquences cela va avoir. Les possibilités sont nombreuses ! Tu peux par exemple participer à une Fresque du Climat pour comprendre les mécaniques qui sont à l’œuvre dans le dérèglement climatique. Tu peux lire des livres, des articles, écouter des podcasts. Ou bien tu peux te renseigner auprès de ta mairie sur les projections liées à la montée des eaux ou aux sécheresses dans les prochaines années sur ton lieu d’habitation… Cesser de fantasmer pour appréhender concrètement les défis auxquels nous devons faire face, ça peut paraître minime, mais ça change tout : l’effrayant monstre du placard devient un problème concret à résoudre. Et ça, résoudre des problèmes, même complexes, nous les Sapiens on est très doués pour ça, surtout quand on travaille tous ensemble. Alors vas-y, lance-toi : une Fabuleuse avertie en vaut deux !
Sortir de l’éco-anxiété - Étape 2 : imaginer tout ce qui va se passer de positif dans les trente années à venir grâce au défi que nous pose le dérèglement climatique.
Là tu es en train de te dire que je commence à dérailler ! Mais pas du tout, je suis très sérieuse. L’une des choses qui me fait le plus de bien, c’est de discuter avec mes filles de toutes les choses qui auront changé positivement lorsqu’elles auront mon âge. Quand l’une d’entre elles manque de s’étouffer à cause d’un pot d’échappement, on imagine une ville faite pour les piétons. C’est très réaliste : on va devoir sortir des voitures thermiques et diminuer drastiquement le nombre de voitures, c’est un fait. Donc quand mes filles auront mon âge, il sera beaucoup plus agréable de se promener à pieds, à vélo ou en trottinette dans une ville. Cool, non ? Bien sûr on ne sait pas exactement comment on va en arriver là, mais n’y pensons pas pour l’instant.
Focalisons notre attention sur le sommet à atteindre au lieu de rester les yeux rivés sur les gros cailloux qui rendent le chemin difficile.
« La sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue quand on les poursuit », disait Oscar Wilde. Alors tant qu’à faire, rêvons grand ! Rêvons de ce monde où puisque nous achèterons et possèderons moins d’objets, nous aurons des logements moins encombrés et passerons moins de temps à ranger ! Rêvons de ce monde où plus aucune publicité n’aura l’autorisation de nous faire croire que nous ne sommes pas à la hauteur sous prétexte que nous n’avons pas les derniers vêtements à la mode, le dernier smartphone ou la plus belle voiture, parce que nos valeurs auront changé et que tout cela n’aura plus d’importance. Rêvons de ce monde où certains cancers, diabètes, les maladies cardio vasculaires, l’obésité auront diminué parce que nous mangerons mieux et bougerons plus. Tu as l’impression que je vais trop loin ? Pourtant je n’exagère pas, je pourrais même allonger la liste. Car ce qu’on ne dit pas assez, c’est que les solutions que nous devons mettre en place pour lutter contre le dérèglement climatique vont nous apporter tout un tas de co-bénéfices qui apporteront des changements positifs dans nos vies : plus de sens, moins d’inégalités, plus de coopération, moins de compétition, moins de stress, un rythme de vie plus lent, plus en lien avec la nature… Ça fait envie, non ? Mais évidemment, rien de tout cela n’arrivera si nous ne nous retroussons pas les manches. Ce qui me mène à ma troisième étape.
Sortir de l’éco-anxiété - Étape 3 : trouver quel est ton rôle à toi dans la transition de nos sociétés.
Tu as sans doute déjà lu ou entendu des tas de conseils sur ce que tu pourrais faire concrètement pour contribuer à ton échelle à la lutte contre le dérèglement climatique. Manger moins de viande, consommer local et de saison, baisser le thermostat, isoler ton logement, installer une pompe à chaleur, arrêter l’avion, privilégier le train et le vélo, acheter d’occasion… La liste est longue, et elle n’est pas applicable de la même manière pour tout le monde. (Si tu n’as aucune idée de ce dont je parle, tu peux commencer par calculer ton bilan carbone personnel sur le site de l’ADEME, et pour aller plus loin sur la façon de réduire efficacement ton empreinte carbone, tu peux par exemple participer à un atelier 2 tonnes, tu verras, c’est fun et très instructif !).
Bien sûr réduire son empreinte carbone personnelle est indispensable.
Nous devons tous le faire. Mais ce sera loin d’être suffisant. On parle d’un changement de société, là, tu te souviens ? Alors je t’invite à prendre le temps de réfléchir, à la lumière de tout ce que tu auras découvert aux étapes 1 et 2, et à identifier quel est ton rôle à TOI dans cette grande transition. Qu’est-ce que tu sais faire, toi, qui sera utile pour faire advenir une société bas carbone dans laquelle il ferait bon vivre ?
Pense avec TES contraintes, TES compétences, TES envies, pas celles de quelqu’un d’autre.
Ne pense pas à court terme : rien d’important ne peut être accompli en 6 mois, mais pense plutôt à moyen terme, entre deux et quatre ans. Les chantiers sont nombreux. Je t’en donne quelques-uns pour t’aider à amorcer ta réflexion : alimentation durable, biodiversité, déchets et économie circulaire, énergie, habitat et villes de demain, innovations sociales et citoyennes, mobilités durables… Moi qui suis romancière, j’ai décidé que mon rôle était de contribuer à créer de nouveaux récits : aider les gens à imaginer et penser un avenir souhaitable afin qu’ils trouvent en eux l’énergie et l’envie d’y contribuer activement. Et ça, je peux te dire que ça me donne le goût de me lever le matin, même quand il fait 40 degrés et que les champs sont grillés à perte de vue.
Et toi, chère fabuleuse, quel sera ton rôle dans la transition de notre société ?
De quoi seras-tu fière, dans 30 ans, lorsque les enfants qui seront nés dans cette société de demain te demanderont, des étoiles dans les yeux « Et toi, tu as fait quoi pour que tout change » ?
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Bénédicte. Bénédicte Parry est romancière et animatrice de la Fresque du Climat. Elle a aussi créé « La barque », un programme d’accompagnement pour aider les personnes éco anxieuses à sortir du sentiment d’impuissance. Avec son mari Alexandre, ils essaient de contribuer, chacun à leur manière, à créer un futur qui donne à leurs trois filles l’envie de grandir.
de Fabuleuses mamans
Nos lectrices nous envoient parfois des textes formidables que nous avons plaisir à publier ici.