Du temps pour soi : rares sont les femmes, parmi celles que je reçois, qui en ont assez. Et parmi celles qui en veulent plus, beaucoup ne savent pas vraiment quoi en faire, de ce temps « pour elle ». À quoi ressemble le « temps pour soi » des autres ? Qu’est-ce qu’un « temps pour soi » profitable ? Est-ce nécessaire de prendre du « temps pour soi » ?
Chères Fabuleuses, je vous propose de jouer le jeu de répondre tout de suite à cette question :
« Si vous aviez une heure devant vous pour vous, là, tout de suite, qu’en feriez-vous ? »
Je l’ai posée sur mes réseaux sociaux il y a quelques années et j’ai reçu un peu plus tard ce message de Louise :
« La première pensée qui m’est venue, c’est : “j’en profiterais pour ranger vite vite la maison.”
Et là j’ai compris que je ne pouvais pas continuer comme ça. »
En abordant, avec les femmes que j’accompagne, le rapport au temps, je leur demande ce qui leur donne concrètement la sensation d’avoir du « temps pour soi ». En analysant une soixantaine de réponses, voici un classement par thèmes :
- 47% des réponses évoquent un moment dédié à leur corps. Il est soit un temps de soin (se masser, se crémer, faire des exercices de respiration, boire un thé brûlant…), soit d’activité physique.
- 31% des réponses décrivent un moment passé seule, qu’il soit employé à réfléchir, à méditer ou à penser à rien. Ici les notions de liberté et de tranquillité priment (ni préoccupation, ni contrainte horaire, ni sollicitation).
- 21% des réponses désignent une action plaisante et intéressante telle que lecture, bricolage, activité musicale, écoute de podcast.
Ce temps pour soi est donc employé dans la grande majorité des cas à faire une pause.
Un moment où être plus que faire.
Une activité qui privilégie le fait d’être en soi. Comme réfugiée dans une chambre à soi qui ne serait, non pas une pièce pour soi dans la maison, mais une chambre à l’intérieur de soi.
Ce lieu, nous l’avons toutes : nous le visitons plus ou moins souvent, certaines en ont perdu la clé, d’autres l’ont aménagé joyeusement.
Celles des femmes que j’accompagne qui ont intégré ces « temps pour soi » à leur quotidien en font rapidement une pierre angulaire de leur état d’esprit. L’une me dit avoir parsemé son agenda de « zones bleues », réservées au temps pour elle. Une autre m’écrit que depuis qu’elle s’octroie du temps pour elle, elle répond beaucoup plus facilement aux messages de son corps et à son besoin de repos quand il se fait entendre. Une autre encore décrit combien sa créativité s’est enrichie après quelques mois où elle avait renoué avec ces temps pour elle.
Ce qu’elles vivent en s’offrant du « temps pour soi », n’est-ce pas une forme de retour à l’intime, à la rêverie, à ce laboratoire personnel de création, ce lieu où le désir peut se déployer ?
J’entends cette notion de désir, au sens de force vitale qui nous propulse.
Les femmes qui toquent à la porte de mon cabinet se désolent :
« Je suis débordée par toutes les petites ou grandes choses de ma vie que je m’efforce d’organiser au mieux » ;
« J’ai la sensation de vivre par petits bouts, sans trouver le liant du tout » ;
« Je ne sais plus ce dont j’ai envie, et pas même ce dont j’ai besoin, dans le fond ».
Ce dont elles souffrent, c’est de vivre guidées, non pas par leur désir, mais par celui des autres, ou ce qu’elles en imaginent : les attentes de leur conjoint, les injonctions sociales de ce que doit être une bonne mère, les héritages de leur éducation, etc.
Leur désir s’est transformé en quête de perfection
pour devenir une femme attentive à son conjoint, une mère bienveillante, une professionnelle brillante, une amie à l’écoute. Ces femmes-là prennent rarement ce « temps pour soi », et, comme Louise, elles réalisent qu’elles ne sauraient pas vraiment à quoi l’occuper si elles en avaient. Avec parfois une impression de vacuité, comme si prendre du temps pour elle ne pouvait être que vaguement récréatif, et pas constructif :
« Je n’ai pas le temps de rêver, avec tout ce qu’il y a à faire ! »
Et si ce temps pour soi, loin de se limiter à une simple récréation, avait des effets, en nous reliant au plus intime en nous, de re-création d’une part de nous-mêmes qui recèle ce que nous avons de plus vivant ?