Dois-je respecter mes limites ou les dépasser ? - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

Dois-je respecter mes limites ou les dépasser ?

femme entourée d'un trait de crayon
Maria Balmès 1 mai 2023
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« Je ne peux pas ! ».

Je ne sais plus sur quel ton j’ai dit cette phrase : en hurlant ? en pleurant ? en suppliant ? en désespérant ? Mais je peux vous donner quelques éléments de contexte : cela fait 36h que mon accouchement a été déclenché, la perfusion de morphine que l’on m’a (mal) posée en attendant la péridurale a diffusé dans mon muscle au lieu d’aller dans mes veines… et on me demande de trouver la force de m’asseoir pour remédier à ce problème.

Ce dont je me souviens très bien, c’est du ton très sec de l’infirmière qui m’a répondu : « Si, vous pouvez ». Elle était sans doute surmenée car il y avait gros un manque d’effectif ce soir-là. Elle était aussi visiblement adepte de la subtile « philosophie-du-coup-de-pied-au-cul » car elle m’a sorti d’autres petites phrases de ce genre-là, sur le même ton, en suite de couches. Mais cette première phrase, dite sur un ton dur à un moment de grande vulnérabilité, est celle qui m’a le plus profondément marquée. Je me suis interrogée.

Le problème des limites maternelles

La maternité, est-elle une expérience magnifique où l’on dépasse ses limites ? N’est-ce pas une bonne chose, d’ailleurs, de se rendre compte que l’on dispose de plus de ressources que ce que l’on croyait ? Certaines femmes ressortent de leur accouchement avec une grande force intérieure : elles ont réussi quelque chose dont elles ne se croyaient pas capables. Les livres de développement personnel regorgent de réflexions sur les « croyances limitantes ». Mon « je ne peux pas ! » n’était-il pas une croyance limitante ? Et cette infirmière ne m’a-t-elle pas aidée en m’amenant à la dépasser ?

Autant vous dire que je ne l’ai pas du tout vécu comme ça. Pour ma part, avec le recul, je dirais que j’ai entendu cette phrase de l’infirmière comme une négation de mes limites. J’ai enregistré cette phrase comme : « Maintenant que tu deviens maman, on s’en fiche de tes limites ». Tout aurait peut-être très différent si l’infirmière m’avait dit : « C’est normal, vous êtes épuisée, je vais vous aider ». Mais peut-être que je serais tout de même tombée dans l’épuisement maternel sacrificiel. En réalité, vu mon histoire, cette phrase a été semée dans un terreau tout prêt à l’accueillir (le fameux terreau spécial « plantes-perfectionnistes-donc-anxieuses », tu connais ?!). Et j’ai eu tellement d’autres occasions dans la suite de l’aventure de la maternité de faire des choses que je ne pensais pas pouvoir faire. J’ai bercé, allaité, changé des couches, même quand j’avais mal à ma cicatrice de césarienne, même en pleine canicule, même quand j’avais 39° de fièvre. 

Toi aussi, j’en suis sûre, tu as fait pour ton bébé des choses qui t’auraient paru inimaginables avant. Je crois que cette question des limites maternelles est universelle. Et c’est pourquoi je voudrais te livrer mes conclusions car ce sujet m’a beaucoup travaillée. Comment reconnaître ses limites, pour éviter de tomber dans le burn-out ? Et, en même temps, comment ne pas s’enfermer dans des croyances limitantes qui empêchent de se dépasser ?

« Est-ce que je vais y arriver ? »

Si tu es un peu anxieuse comme moi, tu dois passer beaucoup de temps à t’inquiéter de l’avenir et à te demander si tu vas réussir à faire tout ce qu’il y a de concret sur ta liste de choses à faire, et cerise sur le gâteau, à être une bonne mère pour ton enfant. 

Alors, est-ce que je vais y arriver ? Lors de mes insomnies, j’ai tendance à répondre « non » à cette question. Du coup, je dors encore moins bien. Donc effectivement, je n’y arrive pas le lendemain. C’est auto-réalisateur. Mais si j’essaie de me persuader que la réponse est toujours « oui », ce que j’ai réussi à faire pendant les 4 premiers mois de mon enfant, avant de craquer complètement… et bah, je cours droit vers l’épuisement. J’ai beaucoup alterné entre l’option « angoisse » et l’option « pas de limite ». Ma conclusion est la suivante : j’arrête de me demander si je suis capable ou non de faire quelque chose. Ça n’est vraiment pas une bonne question à se poser. Il y en a d’autres bien plus intéressantes.

« Qu’est-ce que je ne veux pas ? »

Mon fabuleux mari a trouvé cette comparaison qui m’a marquée et que je te livre donc : « Est-ce que tu peux mettre ta main sur une plaque de cuisson brûlante ? Oui ! Mais ça ne veut pas dire que c’est une bonne idée ! Et quand tu l’auras fait, ne va pas me répondre que c’est la preuve que tu en étais capable ! ». Alors, certes, parfois on n’a pas le choix, ou on le fait par accident. Mais on a le droit de ne pas en avoir du tout envie !

« Je peux mais je ne veux pas » : cela a été une première étape dans mon cheminement.

Je pourrais mettre la main sur la plaque, je pourrais continuer à me sacrifier, mais je n’en ai pas envie ! Je veux revivre !

Ceci étant, cette formulation me titillait. Quand je disais « je ne veux pas », j’avais parfois l’impression de faire un caprice. Cette formulation sous-entend qu’il n’y a pas vraiment de limites mais juste des décisions individuelles. Or, rappelons ici une évidence : en ce bas monde, tout est limité. Je suis limitée, la femme qui a accouché sans péridurale et avec le sourire a aussi des limites par ailleurs, idem pour celle qui a 8 enfants sages comme des images. Et toi aussi, chère Fabuleuse, tu as des limites ! Je te propose donc une autre question, pour voir les choses sous un autre angle :

« Est-ce que mon équilibre est respecté ? » 

Les humains ne sont pas des objets. Les limites humaines ne sont pas des limites physiques. On ne peut pas les comparer à des murs infranchissables. Quand j’allais très mal, j’aurais rêvé d’avoir les deux jambes dans le plâtre : ça, au moins, ça aurait été une limite physique, clairement visible par tout le monde, et incontestable : « elle ne peut pas marcher, aidons-là à s’asseoir » (au lieu de lui dire « si, vous pouvez ! »). Mais c’est rarement aussi clair chez les êtres humains car la force de la volonté (ou du mode robot) est absolument impressionnante. 

Ma volonté peut me pousser à franchir des murs immenses, même si je m’arrache les ongles en montant et que je m’ouvre l’arcade sourcilière en tombant de l’autre côté (désolée pour l’image mais je suis sûre que certaines d’entre vous sont plus ou moins en train de vivre ça). Je peux ensuite me mettre en mode robot pour passer le mur suivant sans rien ressentir. Et continuer ainsi un certain temps ce saut de haies improbable. 

Mais je peux aussi franchir le même mur en m’étant préparée :

j’ai échauffé mes muscles, prévu une échelle pour monter, un matelas pour la chute à l’arrivée. Et si, en bonus, j’ai une foule en délire qui m’acclame à la fin de ce saut de haies, alors je peux vivre cette épreuve comme une magnifique victoire. La métaphore sportive est en réalité très instructive. Pour se dépasser, les grands sportifs développent intentionnellement leurs ressources intérieures et veillent à avoir des moments de récupération qualitatifs.

Cela m’amène à une autre métaphore, qui me guide de plus en plus au quotidien : celle de la balance affective.

Pour savoir si je vais ou non franchir un mur, il faut que je me demande si ma balance est équilibrée. D’un côté, il y a toutes les difficultés que je vais devoir affronter mais aussi celles que j’ai déjà traversées (certains fardeaux peuvent être très, très anciens mais ils comptent quand même). De l’autre côté, il y a le positif : les ressources que j’ai déjà, celles que je peux développer, l’aide que je peux demander, les moments qualitatifs pour prendre soin de moi et compenser la difficulté. 

Tu peux avancer avec une balance déséquilibrée. C’est possible. Mais ce n’est pas souhaitable et surtout ce n’est pas ça, la vie. Les êtres vivants ne sont pas des objets qui se heurtent à des murs physiques, ce sont des êtres capables d’homéostasie. Homéosta-quoi ?? Je suis prof de philo, donc parfois j’aime bien les mots barbares, je suis désolée ! Je t’offre un petit cours gratuit de 3 phrases sur la philosophie du vivant : les êtres vivants, contrairement aux objets, se définissent par leur capacité et leur tendance à maintenir leur équilibre interne malgré les chocs externes. Ils ont pour cela des capacités étonnantes, notamment d’autoréparation. C’est ce qu’on appelle l’homéostasie. Fin du cours ! Voilà ! Tu pourras ainsi te la péter au prochain dîner en ville : « Je ne suis pas maquillée et je vais repartir à 23h au plus tard parce que je veille à mon homéostasie. »

Bon, et maintenant, je fais quoi ?

Si tu te demandes comment rééquilibrer ta balance/veiller à ton homéostasie, sache que cela peut, et doit, commencer par de tout petits pas, qui peuvent pourtant te faire un bien fou, parce qu’ils signalent à ton esprit et à ton corps que tu te considères enfin comme une vraie personne humaine. Tu peux commencer par t’inscrire au mail du matin et puis aller t’acheter un pain au chocolat au retour de la crèche par exemple ! 

La balance peut aussi s’équilibrer avec un sentiment d’accomplissement du type « C’était dur (cet accouchement, cette nuit pourrie, ces pleurs du soir…). Mais ça en valait vraiment la peine. Parce que j’éprouve tellement de gratitude pour mon enfant ! ». Si tu traverses une période très dure, tu ne me crois peut-être pas, mais je te promets, parce que je suis passée par là, qu’on peut finir par ressentir ce sentiment d’accomplissement. Ta situation n’est pas désespérée ! Ceci étant, je ne sais pas si beaucoup de mères réelles équilibrent uniquement leur balance comme cela. De mon côté, le poids des pains au chocolat au retour de la crèche reste très important pour le plus grand bonheur de mon boulanger !

En avançant petit à petit sur ce chemin de rééquilibrage, tu vas te sentir revivre.

Et, tu vas voir, c’est incroyable (et bien mérité) ! Tu vas arrêter de dire un « Je ne peux pas » sans nuance, pour dire plutôt « Je suis fatiguée et c’est bien normal », « J’ai beaucoup forcé ces derniers temps, je vais rééquilibrer », « J’aurais besoin de… pour me sentir bien », « Est-ce que tu peux m’aider ? », « Je n’ai pas envie ». Tu vas aussi petit à petit franchir des limites à la façon des sportifs (et non comme un robot qui risque de tomber en panne à chaque instant). Tu vas donc déconstruire de façon saine certaines de tes croyances limitantes. 

Mais tu seras peut-être aussi, comme moi, confrontée à deux ou trois résistances intérieures

FAQ du service de rééquilibrage des balances intérieures

Voici la plus fréquente chez moi : « Ah ! Mais ça m’énerve ! Ma balance est encore déséquilibrée ! Elle ne devrait pas, pourtant ! Les autres, eux, réussissent à être à l’équilibre dans cette situation ! Est-ce qu’il y a quelque chose qui cloche chez moi ? Est-ce que j’ai été livrée avec une balance défectueuse qui penche toujours du côté négatif ? ». Avec l’expérience, j’ai compris que j’ai tendance à oublier très vite toutes les choses difficiles que je viens de traverser et qui nécessitent pourtant un temps de récupération avant de pouvoir être retirées du côté négatif de la balance. Je constate aussi que le déséquilibre peut venir de poids très anciens, qu’il ne suffit pas de nier pour faire disparaître : aller voir un bon psy dans ces cas-là est très utile.

J’ai aussi une autre résistance plus profonde : « Mais, zut ! Cette histoire de balance, ça veut dire que le monde est imparfait et que je ne suis pas toute puissante et donc que je dois faire avec l’imperfection ! ». Alors, ça aussi, ça mérite d’être creusé avec un psy. Mais depuis quelque temps, je me rends compte que c’est beaucoup moins fatigant d’accepter l’imperfection du monde et de soi-même que de construire tout un tas de stratégies mentales très coûteuses pour essayer d’y échapper. La vérité c’est qu’on vit dans un monde imparfait. Et la vérité, c’est reposant.

Une fois que je sors du déni, mon esprit arrive à inventer un dernier sujet d’angoisse : « Mais c’est la catastrooooophe ! Ma balance est déséquilibrée !!!! Elle va peut-être casser !!!! ». Voici la réponse du service après-vente : « Une balance déséquilibrée, ça n’est absolument pas grave. Elles ont été conçues pour ça. Vous imaginez bien qu’en ce moment dans le monde, la plupart des balances penchent d’un côté ou de l’autre et qu’elles fonctionnent très bien ». Comme on l’a vu, il en faut beaucoup chez un être humain avant d’atteindre une limite physique comparable à la casse d’une balance. Cela arrive, bien sûr, par exemple, dans le stade extrême du burn-out. Dans ce cas, il faut se tourner vers des réparateurs professionnels, c’est-à-dire, dans ce cas, vers les institutions médicales. Mais, si tu as conscience d’être un être vivant qui a besoin d’équilibre, tu peux le rechercher à court, moyen ou long terme. Désormais, j’ai décidé de rééquilibrer ma balance (et même de la faire pencher du côté positif de temps en temps !) non pas par peur de la casse, mais simplement pour me sentir vivante. 

Chère Fabuleuse, tu as une magnifique et précieuse balance intérieure.

Tu as le droit d’en prendre soin. Je voudrais tellement t’aider à le faire ! J’espère au moins que cet article l’aura fait pencher du bon côté pendant quelques instants. N’hésite pas à demander de l’aide, à t’inscrire au mail du matin… et à t’acheter un pain au chocolat !

Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Maria B.



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Cet article a été écrit par :
Maria Balmès

Maman d’une petite fille, elle a vécu l'épreuve de la dépression post-partum. Ses textes cherchent à apporter beaucoup de douceur et d'espoir aux mamans dans la tourmente. Elle s'appuie sur son expérience thérapeutique (des psys, elle en a vu), sur des concepts philosophiques (c'est son métier) et sur les judicieuses remarques de son mari (qui ne perd jamais le nord dans les tempêtes).

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