Avez-vous des yeux pour voir la beauté de votre vie ordinaire ? Aujourd’hui je vous raconte un matin pourri qui se transforme en journée lumineuse, par le pouvoir de la gratitude.
L’autre matin, je me suis levée du mauvais pied, empêtrée dans un stress gluant, qui sentait à plein nez la to-do-list névrosée. Dans mon dialogue intérieur, toutes sortes de jérémiades pour blâmer le monde entier, coupable de mettre des bâtons dans les roues de mes petits neurones (qui ne tournaient déjà pas très rond ces temps-ci, pas plus d’ailleurs que ma machine à laver qui cette fois est véritablement en train de me laisser tomber — lâcheuse.)
Les yeux encore à moitié collés par une nuit trop courte (quand je stresse, j’arrive pas à dormir, et quand j’arrive pas à dormir, je regarde Fais pas ci fais pas ça — voilà), je me dirigeais à tâtons vers ma cuisine pour préparer du chocolat chaud. Depuis combien de temps les destinataires de ces deux tasses de Nesquik s’époumonaient à réclamer leur pitance ? Je ne saurais dire, puisque ce matin-là un porte-voix n’aurait pas suffit à me réveiller complètement.
Je me sentais seule et à côté de mes pompes.
Et puis, je l’ai vu.
Il était là, juste derrière la fenêtre qui donne sur l’évier. Tout roux, avec un ventre blanc. Un adorable petit écureuil qui récupérait sa ration de noisettes, à 6h48 du matin, dans mon jardin.
Il est resté longtemps. Je l’ai regardé religieusement, comme on regarde un coucher de soleil sur l’Atlantique. Et quand il a disparu dans les pins, j’ai couru récupérer ma boîte aux trésors. Vous savez, cette petite boite en carton dans laquelle vous gardez précieusement d’anciennes lettres d’amour et de précieux mots d’affection.
Et dans la boite, j’ai retrouvé, soulagée, une feuille à carreaux pliée en 4, remplie recto et verso par la douce écriture manuscrite de ma mère. Les larmes aux yeux, j’ai parcouru le papier aussi religieusement que j’avais observé le petit animal.
“La petite fille et les écureuils”
“Elle était venue passer ses vacances au milieu d’une forêt de pins, au bord de la mer belle et sauvage en cet endroit de France. Curieuse de tout, elle avait cette façon d’avoir toujours le nez en l’air des gens qui sont sûrs que chaque jour leur réserve une nouvelle surprise. Un matin — avait-elle levé son nez plus haut que d’habitude ? — elle vit courir, à la cime d’un pin immense, un écureuil. Il courait si vite, le frêle animal, qu’elle dut le chercher un moment des yeux, pour le voir réapparaître sur le pin d’à côté, agitant une haute branche dans le soleil du matin (…) ”
Ce texte, c’est ma maman qui l’avait écrit pour moi, lors de vacances dans les Landes, l’année de mes 7 ans. Ce matin-là, dans ma cuisine encore sombre, les yeux englués, je lui ai envoyé un message, juste pour lui dire que j’étais redevenue “la petite fille aux écureuils” l’espace d’un instant.
Et elle m’a répondu que ce qui compte, c’est “d’avoir des yeux pour voir les écureuils.”
Tous les jours,
même au milieu d’une maison, d’un cerveau ou d’un coeur en vrac, je voudrais avoir des yeux pour voir les écureuils. Je voudrais redevenir cette petite fille que j’étais, curieuse de tout, avec “cette façon d’avoir toujours le nez en l’air des gens qui sont sûrs que chaque jour leur réserve une nouvelle surprise.”
Quand je me sens angoissée, submergée, apeurée, je voudrais des yeux pour voir :
- le papillon jaune fluo qui danse derrière ma fenêtre,
- la mimique concentrée de mon fils qui colorie dans son cahier,
- la fumée odorante qui s’envole de mon thé chaud,
- le rayon de soleil qui s’engouffre tout pile sur le post-it collé à mon frigo,
- la barbe de trois jours de mon fabuleux,
- le goût de l’écriture que m’a transmis ma mère,
- le gentil sourire de la factrice,
- des gouttes de pluie sur une carte postale,
- un écureuil roux qui fait sa récolte de noisettes dans mon jardin.
“Il n’existe que deux façons de vivre votre vie. L’une comme si rien n’était un miracle. L’autre comme si tout était un miracle.” Albert Einstein
La gratitude, c’est quoi ? Ouvrir les yeux et réaliser que l’extraordinaire était déjà là, sous votre nez. Saurez-vous le reconnaître ?