Je suis à la bourre. Gravement à la bourre.
Je vous fais le topo : je quitte mari, enfants, chien et poules pour 48 heures. Oui, je sais, c’est le rêve. Sauf que je dois absolument quitter la maison dans les cinq minutes qui viennent, sinon je vais faire poireauter les quatre personnes venues de l’autre bout de la France qui m’attendent à la gare.
Il ne me reste qu’une dernière chose à faire (après avoir saoulé mon Fabuleux avec une énième recommandation alors qu’il va gérer comme un chef) : retirer siège auto et rehausseur pour faire de la place sur la banquette arrière…
et, accessoirement, éviter de devoir faire demi-tour dans vingt kilomètres parce que mon Fabuleux m’aura appelé :
« T’es partie avec les sièges ! Je fais comment pour partir en balade avec les garçons ?? »
(Ne pas oublier que même s’il va gérer comme un chef, il m’en veut un peu de quitter le navire, même si c’est tout à fait inconscient)
Bref, revenons à ma banquette arrière. Je perds trois litres de sueur à simplement défaire les ceintures transférer les sièges dans la voiture de mon Fabuleux…
…Et là, je réalise avec horreur et stupéfaction que ma voiture est une poubelle.
Moi qui pensais que le coup d’aspirateur pourrait encore attendre un peu, je me suis fourré le doigt dans l’œil. Voilà la situation :
– Des spéculoos en miettes dans CHAQUE rainure de la banquette
– Des bouchons de compote à boire coincés entre le dossier et l’assise
– Plusieurs kilos de sable par terre
– Dans ce sable, des miettes de je-ne-sais-quoi qui se sont agglomérées en pate après avoir été humidifiées par un liquide inconnu (du jus de fruits, certainement)
– Des crottes de nez collées sur le dossier du conducteur
– Du chocolat mou essuyé sur le même dossier (mais quelle idée de leur avoir filé des BN ??)
Je passe en mode ninja.
Ni une, ni deux, je me saisis des tapis de sol pour les taper avec rage sur le trottoir avant de courir chercher une balayette (pas le temps pour l’aspirateur). Me voilà sur le trottoir, transpirante et échevelée, à concentrer toute mon énergie pour tenter d’enlever le gros des miettes. Je frotte, je frotte, sous le regard ahuri de ma voisine.
Je ne me fais aucune illusion, impossible de rendre cette voiture nickel en moins d’une heure (minimum) de ménage intensif. C’est alors que me revient l’image de cette voiture il y a tout juste deux ans. Ma première voiture neuve. Qui sentait bon l’usine et le plastique propre. Dont la banquette et le sol immaculé m’avaient procuré un intense sentiment de plaisir ainsi qu’une forme de regret anticipé :
Je savais que cette propreté éclatante serait de courte durée.
Mon Fabuleux, lui, n’avait pas encore complètement accepté cet état de fait (impossible d’avoir une voiture potable quand on a des enfants), car il m’avait lancé :
« Tu feras gaffe avec les enfants, hein ? Ça serait bien que la voiture reste propre ! »
Il avait été jusqu’à émettre l’idée – saugrenue – d’interdire à notre progéniture de manger dans cette nouvelle voiture. J’avais alors gardé le silence (même si mon sourire en disait long), comprenant que cette tentative reflétait son propre échec. Car ce principe – « on ne mange pas en voiture » – il y tenait coûte que coûte…
Mais ça, c’était avant.
Avant ce voyage mémorable auquel nous avions survécu en gavant notre aîné, encore petit, de biscuits secs (allez, soyons honnêtes : d’un paquet entier de biscuits secs) et en mettant Henri Dès à fond. Au passage, je voudrais bien un jour qu’un chercheur se penche sur les raisons scientifiques aboutissant au fait qu’un enfant se calme instantanément à l’écoute d’une chanson d’Henri Dès, alors que ses parents, au même moment, tombent, eux, dans une profonde dépression mâtinée d’agacement.
En fixant les sièges de ma voiture redevenus à peu près potables (on voit qu’ils sont noirs), je me dis que vraiment, cette maxime est profondément juste :
Avant, j’avais des principes, maintenant, j’ai des enfants.
Et toi, quels principes as-tu enterrés ?