Audrey est une mère de famille sur le point de se noyer dans la charge mentale. Un jour qu’elle s’arrête au supermarché pour acheter à la hâte des citrons, elle sent une étrange présence qui l’observe de près. Elle est alors embarquée malgré elle dans un roadtrip impétueux.
Agathe Portail écrit des polars publiés chez Calmann Levy. Elle est également maman de quatre enfants rapprochés et lectrice assidue des mails du matin. Des citrons et des piles est sa première fiction pour les Fabuleuses au Foyer.
Épisode 4 : Papiers, s’il vous plaît
Assise dans le sable humide, Audrey sentait une douce léthargie se saisir d’elle tandis que la mer s’éloignait lentement. Qu’il était reposant de se débarrasser de cette encombrante culpabilité qui faussait tout. Elle était là parce qu’elle avait eu un besoin d’air immédiat, un besoin dont la puissance avait tout balayé.
Elle ne s’était pas rendue compte qu’elle avait puisé à ce point dans ses réserves
ni qu’elle vivait sous une chape d’amertume qui ne laissait plus rien filtrer de bon ni de joyeux. Pour quitter le couvercle qui lui pesait, elle avait cru qu’il lui fallait déserter sa vie, ne rien garder puisque tout grinçait, frottait, la faisait se sentir à l’étroit. Finalement, partir dans ces conditions de total abandon et donc de grande vulnérabilité lui montrait ce qui dans sa vie lui manquait profondément.
C’était la chape qu’elle voulait abandonner, pas ce qui se trouvait autour.
L’humidité du sable traversait son pantalon. Tandis que le bleu du ciel se teintait d’indigo, elle trouva enfin une ébauche de solution. Puisqu’elle se sentait incapable de rapporter la voiture à Pontoise, elle allait tout simplement la laisser à la police qui saurait contacter les propriétaires. Pour rentrer elle-même, elle trouverait bien un taxi, un train, un bus…
Une fois assise au volant de la voiture, elle s’exerça aux différents scénarii.
Le policier lui faisait signer sa déposition avec des yeux ronds. Ou bien le policier ne croyait pas à sa bonne foi et lui passait les menottes. Autre possibilité, elle s’apercevait que la voiture était recherchée depuis des mois et on lui attribuait un vol avec violences qu’elle n’avait jamais commis.
Plutôt que de s’exposer à des démêlés avec la justice, elle pouvait aussi choisir d’abandonner la voiture sur le parking de la gare et rentrer en train, mais elle n’avait pas le cœur à laisser le ou la propriétaire dans l’angoisse. Au moment où elle se gara devant le commissariat, rue de Londres, elle avait renoncé à anticiper quoi que ce soit.
Le policier qui l’attendait derrière sa vitre de séparation lui sembla du type flegmatique ce qui lui convenait tout à fait. Avec ses yeux transparents et sa mâchoire carrée, il paraissait inaccessible à toute fantaisie comme à toute émotion.
– Carte d’identité je vous prie ?
– Voilà.
– Immatriculation du véhicule ?
– C’est ici, dit-elle en déposant le certificat de cession sur le comptoir.
– Et vous voulez, si j’ai bien compris, qu’on contacte le propriétaire qui devrait se trouver autour de Pontoise ?
– C’est ça.
Avec un hochement de tête, le type quitta le comptoir et rejoignit un bureau d’où s’échappait un martèlement continu de clavier d’ordinateur.
Audrey songea une seconde à s’échapper,
après tout la voiture était rendue, mais se ravisa en réalisant que sa carte d’identité était entre les mains de l’imperturbable policier. Elle se rongea l’ongle du pouce jusqu’à l’os en attendant le retour du type. Qu’allait-on lui demander de signer ? De payer ? De…
– Ma petite dame, on n’a pas le temps de jouer aux canulars ici. Alors vous reprenez vos affaires et vous rentrez chez vous.
– Comment, je…
– Et sans discuter sinon je serais obligé d’être beaucoup moins gentil. Il me semble que vous avez passé l’âge de faire des blagues aux flics.
Devant sa mine interloquée, le gardien de la paix finit par livrer une explication :
– C’est peut être à vous qu’on a fait une blague alors, je ne sais pas. Mais cette voiture est à votre nom. Une demande de carte grise est en cours. Bonne soirée.
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