Le rapport au temps change à chaque âge de la vie. Quand on est enfant, un an, c’est une éternité. Chacun a l’impression d’avoir passé vingt ans à l’école. Puis, une fois étudiant, le temps se met à passer plus vite. Jeune actif, en couple, un peu plus vite.
Et puis à un moment ça s’emballe :
Ce moment, c’est celui où l’on devient parent. Quand on élève plusieurs enfants, qu’un ou deux des parents travaille, et qu’on veut être bon sur tous les fronts. Soigner sa vie amoureuse, s’occuper de ses enfants jour et —parfois — nuit, s’engager dans la vie collective ou professionnelle fait gonfler nos emplois du temps. « J’en ai marre de la course permanente » est une plainte que j’entends chaque jour dans mon cabinet de consultations à distance.
- C’est Cécile, qui travaille dans un cabinet de consultants qui la pressurise, rentre très tard, s’occupe de ses deux enfants en bas âge et réalise, au moment de s’écrouler tout habillée sur son lit qu’elle n’a même pas pris le temps d’aller faire pipi aujourd’hui.
- C’est Christelle, qui prend conscience, à la faveur d’une période de vacances, qu’elle vit au quotidien avec une boule au ventre. Malgré son talent et son goût pour les relations, elle avoue passer ses appels au lance-pierre : « On m’a déjà fait des remarques sur le manque de rondeur quand j’appelle pour demander un truc – en effet je ne demande pas comment ça va, parce que je n’ai pas le temps, j’ai plein de choses à faire ».
- C’est Eva, artiste et enseignante très demandée, à la tête d’une famille de 5 enfants, qui me dit : « Je cherche à ralentir mais je n’y arrive pas ».
Aux femmes que j’accompagne, je propose un voyage pas à pas dans leur rapport au temps. Avec moi, elles apprennent à mettre des priorités, à repérer leur rythme biologique, à renouer avec la pratique pré-ère du smartphone de faire une seule chose à la fois, à fragmenter toutes les phases d’un travail, à remettre des plages de réflexion et de ressource dans leur emploi du temps, à mieux habiter leur corps… et l’instant.
Elles réalisent bien souvent combien le rapport au temps est proche du rapport à elles-mêmes.
Combien, à vivre dans la précipitation, c’est elles-mêmes qu’elles ne respectent pas. Je pense à cette jeune femme à la chevelure splendide, qui me disait :
« Le soir pour gagner du temps, je me brosse les cheveux d’une main et les dents de l’autre, en même temps ».
Mais ce dont je veux vous parler aujourd’hui, c’est de cette mesure d’urgence que je suis amenée à prendre parfois, car elle semble la seule façon d’initier un changement de rapport au temps. Quelle est cette mesure ?
Taper du poing sur la table.
Certaines des femmes que j’accompagne, en s’efforçant de suivre un rythme effréné, s’approchent du burn-out. Je leur dis parfois brutalement, espérant une réaction radicale.
Mathilde est assaillie de stress de toutes parts. Elle élève quatre enfants dont deux ont besoin d’attention particulière, elle travaille dans une entreprise qui ne lui plaît pas, mais où la masse de travail s’est amplifiée suite à un changement récent de direction, et lors de l’accompagnement qu’elle s’est offert avec moi, elle vient de déterrer un secret de famille qui mobilise une grande part de son énergie, le tout sur fond de confinement.
Alors que nous identifions ensemble que la lecture lui fait un bien fou, elle me dit :
« Je ne peux pas plonger dans une histoire qui me passionne maintenant car j’ai beaucoup de choses à faire, au boulot comme à la maison, et je dois rester efficace, je lirai ce livre en 2021 ».
Quand toutes les occasions de se ressourcer sont rejetées, quand les signes physiques de fatigue intense se multiplient (amaigrissement, insomnies, etc.), quand l’humeur dans laquelle vous vous trouvez le plus souvent est l’irritation, il est temps de dire STOP.
Comment ? En vous arrêtant.
Vraiment. Physiquement.
Mathilde a eu besoin que je lui demande d’aller voir son médecin traitant pour lui exposer sa situation, elle a eu besoin d’entendre la réaction du médecin – arrêt de travail immédiat – pour voir que tous les signaux étaient au rouge sur son tableau de bord. Il a fallu qu’elle donne un grand coup d’arrêt à son rythme frénétique et qui la minait sans qu’elle en prenne la mesure.
Je ne suis pas en train de vous recommander à chacune de vous mettre en arrêt de travail. Ce que je veux vous dire, c’est que quand vous vous sentez dans un rythme qui s’emballe, et dont vous souffrez, la seule solution me semble de vous autoriser à dire un véritable « stop ».
En vous posant et en vous demandant :
- Quelle plage de temps « pour ne rien faire » puis-je m’octroyer la semaine prochaine ?
- Que puis-je faire tout de suite qui m’apporte de l’énergie ?
- Quand prendre rendez-vous avec mon conjoint pour lui faire part de mon débordement et imaginer des solutions ensemble ?
- Qu’est-ce qui m’empêche de tout stopper et d’aller prendre un bain, là, tout de suite ?
Réorganiser son emploi du temps en y insérant des moments ressourçants est à mes yeux une nécessité, surtout à notre époque où l’accès à tant d’informations tout le temps sur-sollicite nos organismes.
Mais avant de trouver la stratégie adéquate pour modifier son organisation, il est souvent nécessaire d’arrêter le moteur un moment.
Pour se ficher la paix.
Et pour voir enfin ce que disent les signaux du tableau de bord.