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Comment mes voyages m’ont appris la gratitude

Myriam Oliviéro 30 janvier 2022
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Je ne pense pas avoir jamais été matérialiste, dans le sens attachée à des biens matériels. Quand j’étais enfant, on ne manquait de rien, mais on n’avait pas non plus les gadgets ou les fringues dernier cri, l’été à Tenerife et l’hiver à Courchevel. Ça a dû avoir un impact.

J’ai plusieurs anecdotes fantastiques

de pots d’échappement tenant miraculeusement avec de la ficelle — qui rime avec Marcel, le prénom de mon père — et de camping “sauvage” sur la côte bretonne — quoiqu’on ne voyait rien de sauvage à camper proprement dans la nature.

Certains de mes souvenirs sont idylliques :

j’ai adoré dévaler les pentes enneigées avec un sac en plastique et entendre la pluie tomber sur la toile de tente les soirs d’orage en été. Bref, on avait l’essentiel et, pour le reste, de l’imagination et un goût assez développé pour la simplicité. Aujourd’hui, on appellerait ça du minimalisme.

En réalité, nous n’étions ni pauvres ni riches, mais ce qui est certain, c’est que je n’imaginais pas à quel point nous étions privilégiés en comparaison de millions d’autres enfants sur Terre. 

Sans tomber dans les images des années 80, vues et revues à la télé, de ces enfants souffrant de malnutrition sur fond de refrain larmoyant chanté par des célébrités bien à l’abri dans leur studio d’enregistrement parisien, on a le droit de se poser la question qu’a chantée Maxime Le Forestier :

“Est-ce que les gens naissent égaux en droits à l’endroit où ils naissent ?”

La réponse est non, bien sûr, et voilà mon propos :

Nous ne réalisons pas toujours nos privilèges, à moins d’en être privés.

Serions-nous ingrats par nature, me demandai-je dans un élan existentiel ? C’est possible, mais nul besoin de se jeter la pierre. Il s’agit plutôt d’ouvrir les yeux sur tous les cadeaux de la vie, petits et grands, et d’apprendre à être reconnaissants. Juste parce que cela ne va pas de soi pour tout le monde et aussi parce que cela peut nous aider à relativiser certaines choses que nous considérons comme des manques, des malheurs ou de la malchance.

Quelle est ton expérience à ce sujet, chère Fabuleuse ?

Je t’invite simplement à poser un regard différent sur ce qui t’entoure, sur ce que tu as, et même sur ce que tu n’as pas. Être content de ce qu’on n’a pas ? Et pourquoi pas ? Peut-être que la gratitude est une valeur bien établie chez toi, ou peut-être que tu as besoin de redécouvrir le côté plein du verre. Quoiqu’il en soit, loin de moi l’idée de me poser en donneuse de leçons. On a toutes à apprendre, et j’aime à penser que ce que nous apprenons de plus beau, c’est à la rencontre des autres. Cela peut être chez soi, ou à côté de chez soi, ou bien encore dans d’autres contextes, d’autres cultures.

Dans ma famille, on remercie Dieu pour chaque journée et pour chaque repas que nous partageons, mais j’ose avouer que cela ne nous rend pas pour autant toujours lucides sur les privilèges dont nous jouissons. En ce qui me concerne, je dirais que mes voyages à l’étranger m’ont beaucoup apporté à ce sujet. En particulier mes séjours dans des pays où la notion de matérialisme perd le sens que nous lui donnons, nous autres Occidentaux.

J’ai vécu pendant deux ans en Guinée, à Conakry,

et je peux dire que j’ai découvert que je pouvais ressentir beaucoup de gratitude en voyant l’eau du robinet couler, ou en démarrant ma voiture. Parce que ça n’allait pas de soi et on le savait. Dans le quartier où j’habitais, l’électricité ne fonctionnait qu’un jour sur deux. De ce fait, je m’organisais pour conserver la nourriture et je n’avais pas la télévision tous les soirs. Rien de bien terrible jusque là. C’était un peu plus difficile quand il faisait autour de 30 degrés jour et nuit et que ni le ventilateur ni le climatiseur ne fonctionnaient. Quels moments réjouissants quand le groupe électrogène de la concession démarrait — ce qui était déjà un privilège — ou quand le courant revenait dans le quartier ! 

Un autre des grands souvenirs que je garde est quand, après des mois et des mois de chaleur et de sécheresse, la pluie commençait à tomber, d’abord un peu, puis de plus en plus fort. Quel spectacle quand le vent commençait à soulever la latérite rouge, donnant bientôt au ciel des teintes orangées, et annonçant l’ouverture des écluses célestes !

J’ai appris à aimer la pluie, je dirais même plus, à la savourer et à danser de bonheur !

Moi qui, comme toute Française moyenne, râlait fort souvent lors des journées grises et humides, j’ai commencé à remercier le Ciel pour la baraka (bénédiction en arabe) qu’il envoyait. 

Rien de tel que de s’ouvrir au reste du monde pour changer de point de vue sur les choses.

C’est pour cela que je trouve tellement important de sortir de chez soi, littéralement et métaphoriquement, pour réaliser d’une part que ce qui semblait nous manquer n’a pas autant d’importance que ça, d’autre part que nous pouvons passer à côté de tellement de baraka parce qu’elles nous paraissent tout juste banales.

Aujourd’hui, quinze ans après mon retour en France, j’essaie de continuer à être reconnaissante pour chaque chose que la vie me donne. Ce n’est pas toujours facile et j’ai parfois besoin de fournir un effort pour y parvenir. Voici une des choses qui m’a le plus frappée quand je suis rentrée : toutes ces images qui vous suivent partout pour vous montrer les belles choses que vous pourriez posséder et les physiques de rêve que vous devriez avoir, les panneaux publicitaires et les réseaux sociaux qui vous jettent à la figure ce que vous n’avez pas et ce que vous n’êtes pas, quand même votre place dans la société semble se définir par la montre que vous portez au poignet…

Comme si posséder le dernier smartphone ou offrir à son enfant tout ce qu’il voit passer à la télé, allaient apporter le bonheur et effacer tous les problèmes.

Rien de ce qu’on possède de matériel ne restera.

Le service que nous rendent nos biens a de la valeur, certes ! Et il n’y a pas de mal à apprécier la technologie de pointe, les fringues à la mode et des vacances confortables. Mais ce qui laissera une trace dans ta vie, chère Fabuleuse, c’est bel et bien la gratitude que tu auras ressentie et exprimée. Ne laisse pas à des choses le bénéfice de ta joie, mais autorise-toi à toucher du doigt et à récolter comme des petites pierres précieuses les moments, même fugaces, où tu auras vécu un bienfait, reçu un cadeau, évité un ravin, surmonté un obstacle.

L’essentiel est là, dans ton cœur, et c’est ton plus grand trésor.

“Ce ne sont pas les gens heureux qui sont reconnaissants, ce sont les gens reconnaissants qui sont heureux.”



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derniers jours Quand maman va tout va

Cet article a été écrit par :
Myriam Oliviéro

Infirmière de formation et diplômée en médecine tropicale, Myriam s’est orientée vers l’action médico-sociale auprès des publics démunis. Après un séjour de 2 ans en Afrique de l’Ouest, elle s’est investie en France dans différentes associations.

Mariée à un Fabuleux infirmier et pianiste avec qui elle a 2 garçons, elle a rejoint cette année l’équipe des Fabuleuses en tant qu’assistante de rédaction.

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