Claire S2C : « L’épreuve de l’infertilité m’a appris à profiter de ce que j’avais déjà » - Fabuleuses Au Foyer
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Claire S2C : « L’épreuve de l’infertilité m’a appris à profiter de ce que j’avais déjà »

Anna Latron 23 juin 2020
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Dans son tout nouveau roman graphique, Claire S2C nous offre une plongée remplie d’humour et d’émotion dans le parcours d’un couple en situation d’infertilité. Rencontre avec une trentenaire pétillante et sans langue de bois.

Claire, peux-tu te présenter rapidement aux Fabuleuses ?

J’ai 37 ans, je vis en région parisienne et suis illustratrice-graphiste depuis 7 ans. Je suis mariée avec “le blond” (son nom dans la BD) depuis 2012 et maman d’une petite Bertille née en 2017

Je suis abonnée aux mails et je suis assez fan de la communauté des Fabuleuses ! J’aime cet esprit positif qui nous entraîne à poser un regard rempli de gratitude sur notre quotidien.

Dans ton tout nouveau roman graphique, tu retraces le parcours de ton couple face à l’infertilité. Pourquoi as-tu voulu partager cela ?

En 2015, j’ai fait une petite BD sur mon blog alors qu’on était en plein parcours pour devenir parents et que l’on galérait. À ce moment-là, j’étais en colère car les médecins que j’avais rencontrés n’étaient pas bienveillants. Je passais par des examens éprouvants et j’avais l’impression d’être seule. Ma façon d’exorciser, a été de dessiner.

À l’origine, je ne voulais pas la publier, je craignais d’être impudique, de “gêner” les gens. Mon mari, lui, m’a encouragée à publier cette BD. Alors que pour moi, c’est dessiner qui a libéré ma peine, pour mon mari, ce sont les réactions nombreuses qui lui ont fait beaucoup de bien. Je m’attendais à des réactions de mon entourage, bien sûr… mais jamais je n’aurais pu imaginer un tel succès par rapport aux followers que j’avais à cette époque : j’ai reçu tellement de messages, de mails, que de la bienveillance !

Je me suis donc dit immédiatement : il faut vraiment que je pense à une suite car, en 2015, le sujet de l’infertilité et de la NaProTechnologie* n’était que peu traité. Mais après la naissance de Bertille, j’ai eu envie d’oublier ce parcours, de profiter à fond d’être passée “de l’autre côté” de la barrière de la maternité. Je voulais vivre ma vie de maman. Pourtant, je continuais de croiser des couples en espérance d’enfants et j’étais toujours touchée : j’avais envie de partager avec eux.

Finalement, je me suis dit que le sujet me tenait trop à coeur, j’ai donc laissé mûrir le projet et j’avais très envie de faire de la BD : je me suis donc lancée !

Très vite, tu évoques l’endométriose. Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette pathologie qui est souvent une cause d’infertilité ?

Aujourd’hui, l’endométriose est un sujet moins tabou mais il y a quelques années, c’était encore assez méconnu. On nous disait que c’était normal d’avoir mal en nous bourrant de médicaments très puissants. À 30 ans, je n’en avais pas entendu parler : je souffrais en silence. C’est ma mère qui, la première, m’a parlé de l’endométriose.

Au fil du cycle, l’utérus se tapisse d’endomètre et si l’ovule n’est pas fécondé, l’endomètre s’en va : ce sont les règles. Le problème avec l’endométriose, c’est que les cellules qui composent l’endomètre s’échappent aussi par les trompes et s’accrochent partout : elles peuvent ainsi se « greffer » sur d’autres organes génitaux, comme les ovaires ou le vagin, mais également au niveau des organes digestifs, urinaires voire, dans de rares cas, jusqu’aux poumons et même au cerveau (!).

Ce processus provoque des douleurs atroces mais cela dépend vraiment des femmes : cela peut être inflammatoire ou pas. Le souci, c’est que cette pathologie peut en provoquer beaucoup d’autres. Et le “mystère” de cette maladie chronique, c’est qu’elle n’est pas forcément une cause d’infertilité. En fait, il n’y a pas de certitudes. On peut se faire opérer mais le taux de réussite n’est pas de 100% : il peut toujours rester des bouts d’endomètre quelque part dans le corps.

Après avoir tenté une approche “traditionnelle” pour booster la fertilité, vous vous êtes tournés vers la NaProTechnologie. Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette méthode encore mal connue en France ?

Le parcours traditionnel – qui débouche en général sur la PMA -, ce sont les batteries d’examens classiques, les rendez-vous avec des spécialistes, les ordonnances d’hormones, etc. Malheureusement, je suis très sensible aux hormones donc le plus léger traitement ne me réussit pas du tout. J’ai su très vite que ça allait être un problème, que mon corps ne supporterait pas ces traitements.

Et puis il se trouve que dans la même journée, 3 amies m’ont parlé de cette méthode “nouvelle” qui venait des Etats-Unis : quelle coïncidence ! Je ne comprenais pas trop et j’étais sceptique.

Dans cette méthode, tu es suivie par une instructrice et par un médecin formés à cette méthode. La NaProTechnologie est basé sur l’observation de la glaire cervicale et sur des tableaux à remplir quotidiennement pour lister tous les symptômes ressentis et observés, sur trois cycles menstruels. On est suivi de près, on s’observe, pour explorer tout ce qui “cloche” : SPM (syndrome prémenstruel, ndlr), progestérone, etc.

Au bout de ces trois cycles d’observation, un médecin formé à cette méthode recommande des examens et ensuite on te prescrit des traitements en fonction des symptômes observés. C’est comme la médecine traditionnelle mais c’est totalement adapté à ton cas personnel.

En ce qui me concerne, on s’est rendu compte que le sucre avait pu impacter ma fertilité. J’ai apprécié la bienveillance par rapport à mes maux : mon corps a été pris en compte et respecté. J’ai aussi aimé le fait qu’on investit le conjoint dans la démarche : je n’ai pas eu l’impression de “faire un bébé toute seule”. Attention, la NaProTechnologie ne peut pas régler tous les soucis de fertilité, ça ne fonctionne pas avec tout le monde, mais ça a de bons résultats sur les fausses couches à répétition, par exemple.

On sent, tout au long de l’ouvrage, beaucoup d’humour, mais aussi toujours beaucoup d’espoir : est-ce que c’est un antidote qui vous a porté, toi et ton conjoint ?

Je pense que oui ! On est comme ça avec mon mari : c’est ainsi que fonctionne notre couple ! Pour moi, ce qui était important à travers cet ouvrage, c’était de ne pas être larmoyante. Je voulais partager ma souffrance sans être victimisée, sans “peser” sur les autres. Je tenais à parler de choses difficiles de façon légère.

On a le sentiment que cette épreuve ne vous a pas éloignés, toi et ton conjoint, mais plutôt le contraire…

Il y a eu des hauts et des bas, mais on était sur la même longueur d’ondes : chacun de nous voulait un enfant autant que l’autre. On était prêts à aller au combat tous les deux, on vivait l’épreuve de la même façon, en ayant les mêmes envies au même moment. Cette méthode nous a aidés car elle intégrait le couple, même si j’ai fait pas mal d’examens toute seule.

Quelles sont les phrases ou les attitudes qui vous ont le plus soutenus, toi et ton mari, pendant ce long parcours ?

Quand quelqu’un a “la” petite phrase sympa au bon moment, par exemple quand une amie a eu la délicatesse de m’annoncer sa grossesse en tête à tête. Ce qui fait du bien, c’est juste de sentir que l’autre comprend ce que tu vis. Savoir que les gens ont conscience que tu souffres, c’est essentiel.

Autre exemple : un texto reçu par une amie le jour de la fête des mères dans lequel elle me disait qu’elle pensait à moi. C’est tout bête mais c’est hyper touchant ! Des gens m’ont aussi dit qu’ils priaient pour moi : ça m’a touchée car je me sentais moins seule. 

Tu exprimes à de nombreuses reprises ta gratitude envers tous ceux qui vous ont soutenus. Est-ce important, pour toi ?

Oui, pour moi la gratitude, c’est reconnaître la chance d’avoir des amis qui sont là quand on est dans l’épreuve…un peu comme le jour du mariage où tant de gens sont réunis pour toi et ton mari !

De façon plus générale, je me force à voir toutes les belles choses dans les moments de galère : c’est ce que j’appelle “les rayons de soleil de la vie”.

Voici mon “mantra” :

« La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie. »

Sénèque

Même quand ça ne va pas, je m’entraîne à voir les belles choses, à me concentrer sur ce qui va bien, sur ce qui se passe bien. Dans cette épreuve, c’est l’amitié qui nous a énormément portés !

A contrario, tu évoques aussi les maladresses, les phrases blessantes. Quelles sont les phrases ou les attitudes qui vous ont fait le plus mal ?

Ce qui nous a fait du mal, ce sont les phrases et les attitudes de certains proches qui savent et qui ne prennent pas en compte la situation. En voici quelques unes :

  • « Ça ne serait pas parce que tu es trop grosse que tu as du mal à tomber enceinte ? »
  • « Vous voulez le mode d’emploi ? »
  • « Ma femme est enceinte…. au secours, je n’aurais plus de grasse matinée ! »
  • « Tu ne risques pas d’attraper un cancer avec toutes les hormones que tu prends ? »
  • « Il y a d’autres fécondités qu’être parents »

Ces remarques sont très intrusives, mais parfois aussi vulgaires. Les gens disent ça sur le ton de la blague, mais c’est pas drôle.

Ce que je pense, c’est que se plaindre de tes 6 enfants auprès d’une femme qui en attend depuis des années, ça n’est pas franchement adapté ! Tu peux te plaindre, mais pas auprès de n’importe qui !

Mais mieux vaut mieux être maladroit que indifférent. Le contraire de l’amour, c’est l’indifférence. Heureusement, nous n’avons pas trop souffert de l’indifférence parce qu’on a fait le choix d’en parler tout de suite et souvent.

La dernière partie de ton roman s’adresse directement aux parents en espérance d’enfant. Pourquoi ?

J’avais peur de blesser des gens qui sont encore dans la souffrance, qui n’en peuvent plus d’attendre encore et encore un enfant. Pendant notre long parcours, j’ai pu souffrir de ce type de témoignage, je le prenais assez mal : « Regarde, j’ai eu un enfant, donc c’est possible pour toi ! ».

En parlant directement à ces couples, je rappelle que j’ai voulu faire ce roman graphique pour eux, pas pour raconter ma vie ni pour être plainte. Surtout, je ne voulais pas que mon témoignage ajoute de la peine à celle d’un couple qui attend de devenir parents.

Je veux donner de l’espoir, leur offrir un moment où il ne se sentent pas seuls. Je ne veux surtout pas donner l’impression de dire : « Ne t’inquiète pas, tu l’auras, ton bébé »…. car je ne sais pas comment leur histoire finira.

Est-ce que l’aventure de la maternité se révèle plus “facile” quand on a vécu un vrai parcours du combattant pour devenir mère ? T’autorises-tu à trouver ça difficile, parfois, d’être mère ?

Au début, Bertille a eu un vilain RGO (reflux gastro-oesophagien, ndlr) et HURLAIT toute la journée (et je pèse mes mots). J’ai beaucoup beaucoup pleuré….et j’avoue m’être interdit de me plaindre en me disant (bêtement) : « Tu as tellement cassé les pieds de tout le monde pour l’avoir ce bébé…donc tais toi ! »…et puis je pensais encore très fort à tous les copains de galère qui rêvaient d’être dans ma situation.

Aujourd’hui, j’applique ce que je dis dans ma BD : je me plains quand c’est dur, mais j’essaie de choisir les copines qui ont déjà des enfants et qui me comprendront et compatiront, ou bien ma maman.

Mais j’avoue que le gros “plus” c’est que d’avoir vécu ce parcours me fait profiter à 1000% de la chance d’avoir ma fille dans les bras. Très souvent, quand on fait un gros câlin, je me dis que j’ai une chance incroyable et j’en profite vraiment.

Qu’aimerais-tu dire à une Fabuleuse qui attend depuis longtemps l’arrivée d’un enfant ?

Je suis de tout coeur avec toi car je sais que c’est l’horreur. Je ne peux pas te dire que ça va aller, mais je suis sûre que tu as plein de gens autour de toi pour te soutenir et j’espère de tout coeur que ce que tu espères arrivera.

Je suis aussi de tout coeur avec les femmes qui sont en situation d’infertilité secondaire : c’est tabou, parce que ça peut être également très dur de traverser ça. 

Je veux dire aussi à ces Fabuleuses que ce genre de galère, ça apprend à profiter de ce que tu as déjà.

* NaProTechnologie est une marque déposée provenant de la contraction des termes anglais Natural Procreative Technology, désignant un parcours médical visant à restaurer la fertilité.

L’avis de la rédaction

Le roman graphique de Claire S2C nous offre une plongée remplie d’humour et d’émotion dans le parcours d’un couple en situation d’infertilité. Le lecteur partage le quotidien de l’auteur et de son mari et découvre les différentes étapes d’un chemin difficile et douloureux. Ce livre aborde également les sujets de l’endométriose et permet une première approche sur la naprotechnologie, nouvelle méthode américaine favorisant la restauration de la fertilité des couples. À lire que l’on soit dans l’un ou l’autre “camp” : celui qui traverse l’épreuve de  l’infertilité et celui qui a des enfants mais dont un couple de son entourage est concerné.



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journal Hélène

Cet article a été écrit par :
Anna Latron

Journaliste de formation, Anna Latron collabore à plusieurs magazines, sites et radios avant de devenir rédactrice en chef du site Fabuleuses au foyer et collaboratrice d’Hélène Bonhomme au sein du programme de formation continue Le Village. Mariée à son Fabuleux depuis 14 ans, elle est la maman de deux garçons dont l'aîné est atteint d’un trouble du spectre de l’autisme.

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