Pendant longtemps, j’ai cru que la colère était quelque chose de mauvais. Voire, de « mal ».
Ça ne m’empêchait pas à une époque, de bouillonner, de la voir surgir et se répandre sans que je puisse faire grand-chose. Je faisais des rêves où, enfin, j’avais le droit de mettre des gnons aux mamans de l’école, de faire des bras d’honneur aux autorités compétentes et de hurler sur les gens. Toute cette agressivité ne trouvait pas de porte de sortie et c’était encore pire.
Et un jour… je me suis confiée à quelqu’un qui avait beaucoup plus de recul que moi.
— Je me sens tout le temps en colère, c’est mal.
— Ce n’est pas « mal » ! C’est la fatigue, tout simplement, non ?
Chère Fabuleuse, aujourd’hui la colère ressurgit, mais elle ne me fait plus honte.
Elle est là parce que je tire un peu sur la corde (mai-juin, toi-même tu sais). Alors, je pense à toi, qui ne sait pas quoi faire de ces bouffées d’agressivité, qui te sens sur les nerfs, prête à prendre à la gorge le premier qui te coupera la parole, qui rêve de pouvoir donner des coups de pied dans les tibias du prochain qui te demande « et on l’invite quand, Jason ? ». Est-ce que cette violence en toi te fait peur ? Est-ce que tu crois qu’il faut par tous les moyens la juguler ? Es-tu persuadée qu’elle dit quelque chose de toi ? Alors il est temps de la remettre à sa place, cette colère. Bim, au tapis.
La colère est une émotion. Rien de plus, rien de moins.
On n’est pas « colère » (même si on dit parfois « ah, je suis colère ! »). On peut en revanche en ressentir, et même beaucoup, mais c’est quelque chose qui ne fait pas « partie » de nous, comme un trait de caractère ou un talent. La colère n’est qu’un signal, que tu es libre d’écouter ou non. Spoiler : moins tu l’écoutes, plus elle crie fort.
Comme le disent les gens bien informés : « la colère dit que quelque chose en toi n’est pas respecté ». Il existe d’ailleurs un super outil, dont parlait Sandra Aubert dans l’un de ses articles : la roue des émotions. Le principe est que chaque émotion est l’expression d’un besoin caché. C’est très éclairant, et la colère, en tant qu’émotion, est le signe que l’un ou plusieurs de tes besoins ne sont pas respectés.
Lorsque je prends le temps, chez moi, d’identifier ce qui déclenche la colère, ça donne en général un pot-pourri sympa.
- Pas assez de sommeil
- Pas assez de routine (oui oui, quand il faut rompre le rythme à tout bout de champ, je ne suis pas bien)
- Pas assez de câlins
- Pas assez de plein air
- Pas assez d’espace
- Pas assez de trous dans mon emploi du temps pour respirer
- Pas assez rassasiée (j’ai FAIM)
- Pas assez avancé sur mon roman
- Pas assez de silence
- Trop d’intrusion sur mon territoire (oui, être accueillant n’est pas inné chez tout le monde)
- Pas assez de magnésium
Et toi, chère Fabuleuse, as-tu identifié ces besoins chez toi qui doivent passer en priorité ?
Sais-tu reconnaître les mélanges explosifs qui font naître la colère chez toi ? Et surtout, sais-tu comment crever la montgolfière qui, si tu ne la dégonfles pas à temps, risque de te faire monter très, très haut ?
Je suis persuadée de mon côté qu’il existe plusieurs remèdes à la colère :
- La reconnaître. Coucou, elle est revenue pour tirer le signal d’alarme, il est urgent d’écouter et de comprendre !
- Relativiser : ressentir de la colère ne fait pas de toi une mégère.
- La traiter comme une source d’énergie (je n’ai jamais aussi vite rangé le salon que lorsque j’avais besoin d’évacuer ma colère).
- Prévenir autour de toi : aux abris, ça risque de tomber sur n’importe qui, pour n’importe quoi, et ça n’a rien de personnel !
- Pratiquer un truc qui sait te détendre : t’asseoir au piano, faire un tour de ton jardin, faire un exercice de respiration ou de cohérence cardiaque.
- Faire la liste de tout ce qui est « trop » en ce moment et déléguer ce que tu peux à ton Fabuleux, rayer ce qui n’est pas indispensable, alléger, alléger, alléger.
- Prendre le temps d’identifier pour quelle bonne raison tu es dans cette situation. Parfois ça fait du bien de se souvenir des bénéfices qu’on tire de ce manque de silence (ton fils est tellement heureux de réunir ses amis pour son anniv), de ce manque de sommeil (dîner avec les copains, c’était tellement sympa), etc.
- Trouver un exutoire à ta colère qui ne soit pas un reniement de cette colère. Pour ma part, j’impose à mon Fabuleux le récit des tortures auxquelles j’aimerais soumettre certaines personnes que je ne citerai pas, je débite des gros mots par grappe de douze dans son oreille horrifiée, et je pratique la cardioboxe avec beaucoup de conviction dans mon salon. Il paraît qu’exprimer sa colère nourrit la colère. Je ne suis pas d’accord. Parfois on finit même par en rire.
- Changer quelque chose. Parce que tout ce que je te propose avant ne sera qu’un pansement sur une fracture ouverte si la situation générale perdure. Donc il faut que la situation générale se modifie en profondeur et ça peut te demander de :
- Dire non clairement.
- Te rétracter, revenir sur des engagements qui te donnent le sentiment de t’être passé toi-même la corde au cou (et refuser de te flageller pour ça).
- Changer les règles de la maison.
- Entamer un travail de fond avec un professionnel.
- Prendre une nounou 2 h par jour pour juste aller te balader ou faire du sport. Si ça se trouve, tu es éligible à des aides financières.
Bref, plus de la même chose donnant plus du même résultat, tu n’as pas tellement le choix : il faut accepter de changer certaines choses.
Chère Fabuleuse, je ne suis pas experte en émotions refoulées, alors si tu identifies d’autres pistes à partager avec les Fabuleuses qui nous lisent, n’hésite pas à nous donner tes idées en commentaire !
Quant à toi, chère Fabuleuse en colère : tu n’es pas seule et surtout tu n’es pas une mauvaise personne. Parfois, je me surprends à remercier ces bouffées de colère : elles sont le signal que le moteur chauffe, et mon moteur, j’y tiens !