Présentatrice star de M6, France 5 et TF1, Alessandra Sublet est aussi maman de deux enfants de 7 et 9 ans et auteur de deux livres : T’as le blues, baby ? et J’emmerde Cendrillon. Dans cette conversation avec Hélène Bonhomme, elle revendique l’imperfection parentale et comme d’hab’ avec Alessandra Sublet… ça donne le smile !
Dans T’as le blues, baby ?, vous racontez comment, en devenant mère, vous vous êtes sentie « un gigantesque boulet ». Pourquoi notre estime de soi prend-elle si cher quand nous mettons des enfants au monde ?
Il y a deux raisons : la première, c’est les hormones. À la naissance de ma fille, j’ai mis du temps à comprendre que je faisais un baby blues assez sévère. La deuxième raison, c’est qu’on n’est pas prévenue ! Comme je n’avais personne pour me dire que tout était normal, je me sentais nulle avec ma fille. J’avais effectivement l’impression d’être un énorme boulet pour ma famille, et ça, ça vous renvoie une image hyper négative. Ce serait beaucoup plus simple pour les mères s’il y avait plus de gens pour dire que tout n’est pas rose, que tout n’est pas simple, et que ça ne fait pas de nous des mères indignes.
Montrer qu’on a le droit d’être imparfaite, n’est-ce pas aussi un service rendu à nos enfants ?
Si bien sûr, et c’est mon leitmotiv depuis longtemps. C’est ma ligne de conduite quand je fais des interviews, et aussi en tant que femme et en tant que mère. Je suis convaincue que nous sommes tous une somme d’erreurs : tout ce que avez fait dans votre vie et qui n’allait pas, c’est précisément ce qui fait qu’à un moment donné, ça va ! C’est pas grave de se planter, au contraire. Je ne serais pas en train de répondre à vos questions si je n’avais pas connu une succession de plantages. Quand je fais des erreurs, je me souviens de cette expression “Y’a pas mort d’homme”. C’est bateau mais c’est vrai : rien n’est irréversible dans la vie, à part la mort !
Pourquoi est-ce qu’elle est tellement néfaste, cette recherche de perfection et comment est-ce qu’on peut s’en libérer dans notre relation avec nos enfants ?
Aucun article de loi ne dit qu’il faut être parfait, qu’un enfant ça s’éduque comme ça et pas autrement. C’est avant tout le regard des autres qui nous inflige cette recherche de perfection. On se croit dans une compèt’ à la bonne note, c’est le concours du meilleur parent. Quand j’ai expliqué la façon dont j’avais géré mon divorce avec mes enfants, la plupart des attaques que j’ai reçues venaient des femmes. Comment voulez-vous qu’on évolue et qu’on avance dans ces conditions ?
Heureusement, par des petites choses concrètes, on peut s’affranchir progressivement du regard des autres. Quand mes enfants sont nés, je galérais avec ma poussette, c’était l’enfer partout : dans la voiture, les escaliers… À un moment, je me suis dit “ça suffit, j’arrête de m’encombrer avec la poussette, le chauffe-biberon et toute la panoplie de la mère parfaite et je vais faire comme je le sens ». Quand vous avez compris que chez vous, c’était vos règles, pas celles des autres, et que vous voyez vos enfants s’épanouir normalement, où est le problème ? Il n’y a pas une mère au monde qui ne galère pas.
Que voulez-vous dire lorsque vous affirmez “nous sommes nos propres ennemis » ?
Nous avons le choix : celui d’écouter ce que disent les autres et de faire attention à notre image dans le regard des autres, ou de nous en affranchir. À travers les petits gestes du quotidien, comme aller faire ses courses en jogging, on apprend le lâcher-prise. C’est tellement important, parce qu’on ne peut pas se trouver soi-même à travers le regard des autres. On se trouve soi-même grâce à soi-même. Si je peux aider à décomplexer certaines femmes ou même certains hommes, j’en suis heureuse, parce que ça concerne aussi les hommes aujourd’hui. On les fustige quand même beaucoup. Évidemment que nos hommes peuvent s’occuper des enfants mais c’est aussi à nous de les laisser faire.
Dans vos deux livres, vous mettez en valeur la place du père de votre fille qui vous a beaucoup appris sur votre place de mère. Pourquoi cela vous tenait-il à cœur ?
Quand nous nous sommes séparés avec le père de ma fille, il est devenu clair qu’il pouvait faire aussi bien que moi. Bien sûr ça m’est arrivé de me dire : « Ça, je vais le faire parce qu’il ne le fera pas bien », mais la séparation m’a permis de me rendre compte qu’il faisait tout aussi bien que moi — à quelques détails près (rires). Nous disons que les hommes ne font rien mais en réalité, nous ne les laissons pas faire. Nous devons accepter qu’ils fassent différemment de nous. Les hommes ont leurs qualités et leurs défauts, comme nous. Bizarrement aujourd’hui, je m’inquiète plus pour mon fils que pour ma fille car lorsque je discute avec la jeune génération, je trouve les filles très castratrices envers les hommes. Je suis convaincue que c’est un modèle qui ne marche pas. Bien sûr, certaines femmes ont vécu des drames et je peux comprendre les mouvements qui sont nés de cette réalité, mais il faut faire la part des choses.
On entend beaucoup que la maternité ne doit nous faire renoncer à rien mais à vous lire, faire comme si la maternité changeait pas tout peut conduire au burn out.
C’est ce que j’ai vécu. Moi, j’ai fait un enfant comme si rien n’allait changer dans ma vie. Le retour de boomerang a été très violent, parce qu’évidemment, ça change tout, encore plus pour une femme que pour un homme. Devenir mère, c’est voir poindre la culpabilité. Or, la culpabilité, c’est un sentiment qui n’existe pas. La joie existe, la tristesse existe, ce sont des émotions concrètes. La culpabilité, c’est quelque chose qu’on a inventé ! Il faut lui dire non. Est-ce un drame si de temps en temps c’est une nounou qui donne un biberon ou qui passe la soirée avec vos enfants ? Il faut s’affranchir de règles qui ne nous ont jamais été imposées : quand on réfléchit bien, c’est nous qui les avons créées.
Est-ce que vous diriez que la maternité a été un frein pour vous ou au contraire une opportunité de mieux vous connaître ?
Je crois qu’on apprend à se connaître au travers de ses enfants, parce qu’on apprend à partager, à donner, à se montrer patiente, choses qui n’étaient pas forcément obligatoires « avant ». Un enfant vous pousse à être la meilleure version de vous-même. Mes enfants m’ont aidée à lâcher prise, à comprendre que je ne pouvais pas avoir le contrôle sur tout : ils vont grandir comme ils l’entendent, avec les valeurs que je leur aurai inculquées et ils apprendront de leurs erreurs. Quoi qu’il arrive, ils prendront une gifle de la société dans un domaine ou un autre, et si je les couve au lieu de leur montrer le chemin, elle sera encore plus violente.
Est-ce qu’il y a une transmission qui ne s’est pas faite au niveau de nos propres parents, pour qu’on se sente à ce point déstabilisées ?
Nos parents se prenaient un peu moins la tête sur certaines choses, j’en suis absolument convaincue. Par exemple, ma mère fumait ses clopes en conduisant, fenêtre fermée, et on n’avait pas de ceinture de sécurité à l’arrière. Ça ne veut pas dire qu’il faut reproduire toutes les conneries que faisaient nos parents, mais il faut essayer de déculpabiliser et de ne pas faire de n’importe quel détail une polémique. On a l’impression qu’il faut que tout soit au cordeau, c’est intenable !
Est-ce que vous êtes une bonne amie pour vous-même ?
Oui. Parce qu’à partir du moment où je fais des choix qui me rendent plus heureuse, même s’ils sont difficiles, mon corps et ma tête me disent merci. Dieu sait que j’ai fait des choix difficiles dans ma vie professionnelle comme dans ma vie personnelle. J’ai divorcé deux fois, la deuxième fois j’avais des enfants, j’ai fait des choix de vie qui étaient compliqués, pas forcément compris. Ma priorité, c’est que mes enfants soient heureux, le reste m’est complètement égal. Je me fiche de savoir ce que pensent les gens et j’essaie de l’enseigner à mes enfants au quotidien, au même titre que la politesse et le respect de l’autre.