« Vas-y, je gère »
Il est 8h14, tu es déjà hyper concentrée pour enchaîner le dépôt à l’école et la réunion du lundi matin et c’est le drame : Choubichette vomit son petit déjeuner sur ses chaussures. Tout ton planning minuté à la seconde s’écroule comme un château de cartes. Tu te vois échevelée devant la porte close de l’école, tes trois enfants sous le bras, tu te vois pestant dans les bouchons à insulter les poids lourds en portugais, tu te vois toquer à la porte vitrée de la réunion en marmonnant des excuses piteuses… Mais ton Fabuleux surgit, il te prend par le coude et te met à la porte, parce qu’il a bien conscience de l’importance de ta réunion, et puis, c’est vrai, c’est rare qu’il emmène les enfants à l’école. Il te dit cette phrase magique, alors que Choubichette s’essuie la bouche dans son pull tout neuf : « Vas-y, je gère ».
« C’est trop bon, Maman ! »
Tu as tout tenté sans succès jusqu’à ce jour pour leur faire manger leur p… n de ration quotidienne de fruits et surtout de légumes. Les soupes avec pâtes alphabet, les gâteaux au chocolat à la courgette (il paraît que c’est très bon), les flans à la ratatouille, les gratins de butternut, les bâtonnets de carottes-concombres, les galettes de pois chiche, les brochettes de tomates cerises-gruyère… Épuisée de développer toute cette créativité pour ne récolter que des grimaces, tu lâches enfin l’affaire : brocolis vapeur. Et là, tu ne l’as pas vu venir, les assiettes se vident en deux minutes puis ta petite dernière lève sur toi des yeux émerveillés : « C’est trop bon, maman, les petits arbres ».
« Je ne sais pas comment tu fais, tu m’épates ! »
Cette copine que tu croises en coup de vent tous les matins à la porte de l’école, elle t’a toujours un peu agacée. Jamais pressée, toujours coiffée, le rouge à lèvres assorti à ses chaussettes, bref, beaucoup trop parfaite pour être vraiment sympa. Toi, tu as renoncé à tout ça : tu déboules en râlant un peu parce que c’est la troisième fois cette semaine que ta fille remet ses infâmes collants grisâtres filés de haut en bas, et que tu ne t’en aperçois qu’une fois devant le portail. La maîtresse te rappelle que tu es la dernière à ne pas avoir encore fourni l’attestation d’aisance aquatique pour la sortie du vendredi et tu lui réponds que ça t’était complètement sorti de l’esprit. Ta copine te regarde, le sourire en coin, et tu t’apprêtes à te justifier et pour l’attestation, et pour les collants, mais elle te coupe la chique en te disant : « J’adore, tu ne fais jamais de drame pour ces petits détails qui moi, me font complètement vriller. Tu as un tel recul ! Je ne sais pas comment tu fais, tu m’épates ! ».
« Vous faites une belle équipe, avec ton Fabuleux »
Ce n’était pas bien parti, pourtant, entre ton Fabuleux et ta mère. Le jour des présentations, il s’est penché pour l’embrasser, elle lui a tendu la main, il avait gardé ses baskets fluo, elle a fait la grimace, et quand elle a commencé à râler contre ces feignants de grévistes, il a annoncé qu’il ne ratait pas une seule manif. Au fil des années, cependant, ces deux-là se sont apprivoisés. Quand ton Fabuleux a pris tout son congé pat’, ta mère a ouvert des yeux comme des soucoupes. Quand ton aîné a commencé à fumer de l’herbe et que ton Fabuleux lui a fait lire L’herbe bleue avant de l’accompagner toute une journée dans un foyer de désintoxication pour une journée de bénévolat, elle a hoché gravement la tête. Et maintenant, alors que tu annonces que vous attendez un petit dernier (très) surprise et que ton Fabuleux aménage lui-même une nouvelle chambre sous les combles pour pousser les murs, ta mère te dit avec une admiration sincère : « Vous faites une belle équipe, avec ton Fabuleux ».
« Qu’ils sont polis, ces enfants ! »
Parfois tu te dis que l’éducation à la politesse s’apparente au lavage de cerveau. 2 456 fois par jour, tu leur rappelles de dire bonjour, de regarder en face l’adulte qui s’adresse à eux, de remercier, de demander en usant des formules adéquates (« Je veux du pain » n’en fait pas partie. « File-moi ta voiture » non plus, mais à ce stade c’est trop tard, le mal est fait). Pourtant, par la grâce de la Grande Ingratitude de la vie, tes enfants sont incroyablement polis dès que tu as le dos tourné. C’est donc assez régulièrement que tu entends de gentilles petites dames ou des caissiers bien lunés dire à la cantonade « qu’ils sont polis, ces enfants » lorsque tu retrouves ta progéniture à la caisse du supermarché.
« Vous avez bonne mine »
Cela fait trois mois que Jean-Kévin et Marie-Cracra vous mettent la misère : il ne fait pas ses nuits, elle est dans la phase cauchemars. Vous vous levez donc toutes les nuits sans exception depuis plus de 90 jours. Hier, tu as dit zut et tu as posé une RTT pour aller te ruiner chez Jardicool, tu as fleuri ton balcon comme jamais et le soleil n’a pas oublié de te caresser le bout du nez. Résultat, à l’heure d’aller chercher les enfants à l’école, la maîtresse qui surveillait les enfants dans la cour t’a dit, avec une pointe de jalousie « Vous avez bonne mine ». Héhé, si elle savait…
« Tu m’as manqué »
Cette phrase fait un effet bœuf prononcée par n’importe qui (sauf ton contrôleur fiscal, mais si lui te tutoie, c’est qu’il y a des choses obscures dans ta vie que nous ne voulons pas connaître). Retour de congrès, retour de couches, retour de sieste, que ce soit ta collègue, ton Fabuleux, ton enfant qui te l’offre, cette phrase te fait sentir précieuse instantanément. Ne jamais bouder son plaisir quand on l’entend, c’est une règle d’or.
« J’invite tes enfants samedi prochain. Oui, les trois ! »
Ta copine a bien des défauts : elle te fout la honte en riant trop fort en terrasse, elle est systématiquement en retard quand vous organisez quelque chose, elle laisse ses enfants regarder Harry Potter dès quatre ans et demi, elle oublie le prénom de ton Fabuleux, elle ne repasse jamais rien, elle fait même des fautes d’orthographe sur Whatsapp. Mais elle a un cœur immense et quand elle décide de t’offrir un moment de respiration, elle ne fait pas les choses à moitié. À ton tour, ça te donne envie de te montrer généreuse et de lui prendre ses deux grands et son chien, de temps en temps, voire même d’arrêter de critiquer son correcteur automatique qui lui fait écrire des trucs sans queue ni fête. Tête.
« Tu as bien fait de me faire continuer même quand je voulais arrêter »
Ô, phrase bénie que nous rêvons toutes d’entendre après trois ans de bataille rangée. Cet enfant a du talent, mais quel paresseux. Sous prétexte qu’il faut faire quelques gammes et travailler ses enchaînements, il voudrait jeter l’éponge. Mais tu tiens bon, mercredi après mercredi, tout en te demandant si tu fais bien de t’entêter comme ça. Et le jour où tu ne l’attends plus, ton enfant sort d’une seule traite la Nocturne op.9 No.2 de Chopin et te dit, les mains sur le clavier : « Tu as bien fait de me faire continuer le piano, même quand je voulais arrêter ».
« Maintenant que je sais ce que c’est, d’être mère, je me rends compte que tu as vraiment été une super maman pour nous ! »
Le temps a passé, tu as élevé comme tu as pu tes enfants, tu as découvert que les voir partir n’était pas si facile (alors que tu étais persuadée que ça allait être la fête du slip de ne plus avoir à en laver par paquets de 50, des slips). Tu les as vus de loin construire leur nid, leur vie, faire des choix, tomber sur des os, se tromper et remonter en selle, aborder la parentalité avec beaucoup de certitude (« Moi, je ne ferai pas comme toi, je… »). Et voilà que ton petit-fils a quatre ans et que ta fille vient se reposer chez toi. Et voilà qu’elle te dit (avec une petite mine contrite) cette phrase qui te console de tous ces moments difficiles, voire ingrats : « Maintenant que je sais ce que c’est, d’être mère, je me rends compte que tu as vraiment été une super maman pour nous ! »
