Je risque un court article sur un thème que j’aurais préféré taire. Un thème qui ne me vaudra probablement aucun « likes sur Facebook » mais peu importe quand il s’agit de nommer l’innommable.
Les relations sexuelles ne devraient avoir lieu que lorsqu’il y a consentement des deux personnes. Quand l’une des deux ne veut pas, la forcer est un délit.
Tout le monde est bien d’accord mais dans le couple, est-ce différent ? Et le « devoir conjugal » dans tout cela ?
Il y a eu longtemps dans la tête des gens l’idée d’un consentement dû au mariage. Eh bien, même si le concept de « devoir conjugal » est encore bien ancré dans l’esprit de certains, la loi a tranché clairement : un mari, une épouse ne peut disposer du corps de l’autre sans son consentement. Ce n’est que depuis 1980 en France et 1989 en Belgique, que le viol au sein du couple est aussi un acte punissable (et il a fallu des années pour que ce principe légal évolue aussi dans la pratique, au point qu’à ce jour le viol au sein du couple est encore plus sévèrement puni que les autres).
« De toutes les violences conjugales, les violences sexuelles sont les plus taboues, les plus tolérées par la société et les moins judiciarisées, déplore le Dr Gilles Lazimi, coordinateur de la campagne. Sur le plan sexuel, notre société tolère une relation inégalitaire entre les hommes et les femmes. On a toujours dit à ces dernières qu’elles devaient assouvir le désir de leur compagnon. Or, le mariage ne donne aucun droit à disposer du corps de son partenaire ». (Source : psychologie.com)
Ce qui semble évident de nos jours, ne l’a longtemps pas été.
Et c’est seulement à la fin du 20ème siècle que la législation pris en compte la réalité des violences sexuelles qui peuvent avoir lieu au sein d’un couple. En 1989 j’avais 11 ans moi, et je trouve ça tragique !
J’aurais aimé vous éviter le sujet. Ne pas vous dire que ça existe, fermer les volets du cœur et de nos yeux si pudiques à la douleur. Mais la réalité nous rattrape toujours. Les violences conjugales, qu’elles soient sexuelles, physiques ou mentales existent, et elles touchent parfois les Fabs qui nous entourent, ou même peut-être qu’elle te touche toi aussi, toi qui me lis. Peut-être fais-tu partie de ces statistiques qui n’ont pas de visage pour nous. Peut-être que c’est ton ou ta partenaire qui t’accable de coups, de menaces, de chantages et toujours à nouveau d’excuses pour essayer de réparer les blessures. Ou encore peut-être que tu es comme moi et que tu ne savais pas quel drame se déroulait si près de chez toi. Parce que, parfois on ne voit pas, on ne réalise pas, on est comme aveuglé et on ne reconnaît pas.
C’était un soir de semaine, mon mari n’était pas là.
Assise au pied des lits roses de mes filles, je lisais un Agatha Christie alors qu’elles s’endormaient tranquillement. C’est le dernier roman de cette auteure que j’ai jamais lu. Je n’ai plus eu le courage après cette soirée.
Le silence de la chambre a été brisé d’un seul coup par un bruit sourd de chute… un corps qui s’affaisse lourdement. J’ai sursauté, j’ai tremblé, je ne percevais que les échos lointains d’une dispute violente. J’ai eu si peur, j’ai fermé la porte de la chambre à double tour, essayé d’appeler mon mari je crois. Est-ce que j’ai pensé à avertir la police ? Non en fait, non. Mais heureusement, la police est arrivée, prévenue par les autres voisins.
Le gars était rentré bourré probablement, ce n’était pas la première fois que leur soirée finissait comme ça. Je ne savais pas, je n’avais pas vu, ces drames sont si souvent cachés… Au milieu de la nuit, la porte de l’appartement d’à côté a encore claqué une fois. Et par la fenêtre, dans la ruelle à pavés, si sombre et seulement éclairée par deux ou trois lanternes, une femme s’éloignait, c’était ma voisine, tenant par la main une petite fille qui portait un ours en peluche démesurément grand.
Ce soir-là, l’écho des pas entre l’église et nos maisons sonnait comme un cri de liberté.
Je ne l’ai jamais revue,
elle est partie chez sa sœur, ce soir-là, elle a quitté tout ce qu’elle avait. J’ai pensé souvent à cette femme, à sa fille, à ce qui s’est passé ! Moi, j’ai eu peur, c’est certain ! Depuis je n’ai plus jamais lu d’Agatha Christie… et pourtant j’étais déjà « adulte », et pourtant j’étais en sécurité, enfermée à double tour dans la chambre de mes filles… combien plus grande a dû être la peur de cette enfant, de sa maman, et les cicatrices qu’elles porteront dans leur corps et dans leur cœur.
Je ne savais pas, je n’ai pas aidé, je n’oublierais pas et c’est pour ça que j’écris : RESPECT !
Respect pour cette maman qui est partie, un jour au beau milieu de la nuit…
Respect pour ces mamans qui ne savent pas encore partir et qui luttent et protègent leurs enfants,
RESPECT pour ces hommes qui osent sortir du silence et cherchent de l’aide parce qu’ils réalisent qu’ils sont violents,
RESPECT pour les associations qui offrent un soutien pratique, des lieux de refuge, …
RESPECT pour ces mamans qui osent briser le silence et parler de ce qu’il se passe derrière les façades polies des maisons accolées aux ruelles de la ville,
RESPECT pour le personnel médical qui recueille et soigne si souvent ces femmes blessées, ces hommes et ces femmes qui écoutent, encouragent, qui redirigent vers d’autres lieux, témoignent d’autres possibles, …
RESPECT pour les policiers qui doivent voir bien plus de peine, de douleur, de peur qu’une seule personne ne peut supporter et qui interviennent jours et nuits, …
et RESPECT pour les législateurs qui ont un jour permis que le viol conjugal soit aussi considéré comme un délit, pour les avocats qui se battent au nom des victimes !
Alors avec les Fabs qui me lisent, et dans cette petite chronique parlant de sexualité dans le couple, je répèterai haut et fort : STOP aux violences conjugales ! STOP !
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