Un hiver par mois - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

Un hiver par mois

Irène Dautrey 22 mars 2022
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Instinctivement, je dirais que mes règles sont comme un trou noir dans lequel je m’enfonce chaque mois ; je souffre en effet de symptômes — surtout prémenstruels — assez forts.

Pendant ces quelques jours, les hormones mettent le bazar dans ma tête et je traverse une période difficile : idées noires, angoisses, fatigue nerveuse et physique, moral dans les chaussettes, sentiment que personne ne m’aime, instabilité émotionnelle, difficulté à supporter les sollicitations/cris/bêtises de mes enfants…

Bref. Je deviens un dragon apathique enchaînant les crises existentielles.

La moindre chose me semble insurmontable : me lever, m’habiller, ranger, travailler, faire dîner les enfants. 

C’est vraiment pénible à vivre, pour moi comme pour ceux qui m’entourent.

Peut-être avez-vous entendu parler des quatre saisons du cycle ?

Les règles correspondent à l’hiver : un temps de repos, de retrait, un moment privilégié pour ralentir.

Oui, ralentir ! Bien-sûr que j’aimerais passer trois jours dans mon lit avec une bouillotte et un chocolat chaud, sans enfants, sans travail, sans préoccupations, juste à prendre soin de moi et de mon moral. Mais ce n’est pas possible, n’est-ce pas ? La vie continue, avec ses nombreuses tâches domestiques, professionnelles et familiales. Ralentir ? Cela me semble difficile, voire impossible. Et pourtant je ne parviens pas à me sentir « à la hauteur » de mes objectifs habituels.

Wonder woman a un coup de mou, et la culpabilité s’invite. 

Alors que faire ? 

Peut-être que la clé n’est pas de ralentir, mais d’accueillir avec bienveillance que je suis au ralenti.

Ralentir, c’est un objectif de plus à atteindre. Être au ralenti, c’est un état de fait, qui ne me demande pas d’effort supplémentaire.

Je n’ai pas moins de choses à faire, mais je peux accepter avec indulgence que je les ferai autrement, plus lentement, voire pas du tout.

Tout se passe dans l’acceptation de ne pas être au meilleur de la forme, du moral, de la performance.

Et tâcher de traverser cette période de sous-régime sans jugement de valeur. Se concentrer sur l’être et non sur le faire.

Quelques jours par mois, je suis au ralenti, que je le veuille ou non. 

Ce mercredi, alors que mes règles commencent, accepter sans jugement que la maison sera en bazar, que mon lit ne sera pas fait, que je resterai en pyjama jusqu’à onze heures, que je laisserai les enfants mettre leur chambre en bazar plutôt que d’animer un atelier bricolage, qu’ils mangeront des nouilles ce midi et ce soir, que je ne corrigerai pas mes 120 copies et que je n’appellerai pas tel parent d’élève.

Juste pour aujourd’hui, j’accueille cette fatigue, ce moral en berne et cette difficulté à être active.

Je cesse de m’auto-flageller, de m’accuser d’être molle, traînarde, fainéante et incompétente.

Je ne lutte pas pour continuer d’être performante, à la maison ou au travail. Si je le peux, je reporte cette échéance, cette activité qui me demande beaucoup d’énergie, cette confrontation qui m’angoisse. Ce n’est pas le moment. Bientôt, je serai mieux armée. Et je réaliserai alors que le monde a continué de tourner.

Mes règles me « donnent le droit » de ne pas performer à longueur de temps,

dans une société de la productivité permanente.  Elles « m’autorisent » à ne pas être au meilleur de ma forme et de ma créativité. 

J’ai mes règles. Je redescends en pression et j’adopte une attitude bienveillante envers moi-même. Je consens à ne pas être au maximum de mes possibilités. Je fixe mon regard sur la période suivante de mon cycle, qui sera un vrai printemps riche en créativité et en énergie. Je garde à l’esprit que mes idées noires sont liées à mes hormones, qu’elles sont une déformation de la réalité et que bientôt elles se seront effacées.

Quelques jours par mois, j’apprends qu’être moins performante et moins productive n’enlève rien à ma valeur. Je fais l’expérience utile du dénuement et de la vulnérabilité ; une occasion d’apprendre cycle après cycle à trouver force et dignité dans ma fragilité,

et à m’aimer dans l’intégralité de ma féminité.



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Cet article a été écrit par :
Irène Dautrey

Mariée depuis 2013, je suis maman de trois garçons et d'une fille nés
entre 2014 et 2020. J’ai suivi avec passion un parcours littéraire et suis professeur d’histoire. Ayant commencé ma vie de maman à 21 ans, je me suis très tôt intéressée à la question du féminin et de la maternité, ce qui me conduit  à écouter et conseiller de nombreuses amies qui deviennent mamans à leur tour.

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