Il m’arrive encore d’être tellement perdue dans mes ruminations que je suis incapable de prendre la moindre hauteur. Parfois, le moindre petit grain de sable se transforme en montagne intérieure.
C’est là que mon talent pour l’introspection devient mon pire ennemi.
Oui, parfois, ma sensibilité doublée de mon envie que les choses soient “comme elles devraient être” génèrent en moi un profond sentiment de frustration et d’insatisfaction, comme si j’étais définitivement incapable d’incarner mes inspirations.
Et cela devient assez invivable.
D’abord pour moi : je tourne en boucle, convoque plusieurs réunions dans ma tête jusqu’à oublier tout contact avec la journée qui se déroule.
« Quoi, il est déjà l’heure d’aller chercher les enfants ?? »
Ensuite pour mes enfants. Happée dans mes pensées qui tournent en rond et s’auto- alimentent, j’en oublie de les prendre dans mes bras, de leur demander s’ils ont passé une bonne journée et les envoie au plus vite jouer dans le jardin afin de retrouver au plus vite le cocon connu de mes pensées obsessionnelles.
On dirait presque une droguée qui ne veut qu’une seule chose : sa dose de pensées bien noires et gluantes.
Dans ce cas de figure, je peux être physiquement avec eux, mais totalement absente de ce que nous vivons ensemble.
Et enfin — last but not least — c’est invivable pour mon mari. Le pauvre ne voit que la partie émergée de l’iceberg : je fais plus ou moins la tronche, réagis au quart de tour quand il me demande ce que l’on mange ce soir…et je ne manque pas de soupirer dès que je le vois plonger sur l’écran de sa tablette, dans une tentative finalement assez compréhensible de se protéger des foudres de son épouse.
Dans ce cas de cercle vicieux auto-alimenté par moi-même, je sais ce que je dois faire pour limiter la casse — en plus d’arrêter d’entretenir mes pensées négatives, de revenir à l’instant présent en désactivant les applications chronophages de mon téléphone : envoyer un “Whats App d’urgence” à cette amie de coeur et planifier un moment de papote au plus vite.
Un simple coup de fil pour :
- Stopper le film que j’ai pris grand soin de réaliser dans le studio de mes pensées ;
- Annuler le tournage pour revenir de façon plus pragmatique à ma VRAIE vie (pas celle que j’imagine dans le studio cité plus haut) ;
- Dégonfler le ballon des reproches et des remarques assassines (dont je suis une spécialiste reconnue dans mon foyer, si, si !)
En bref, il me faut convoquer cette oreille attentive, celle d’une personne qui me connaît presque aussi bien que moi et dont les années d’amitié ont pu éprouver la bienveillance à de nombreuses reprises…pour “redescendre” de mon mauvais trip.
Et reprendre peu à peu le cours de ma vie, c’est-à-dire :
- récupérer mes enfants à l’école, leur faire un gros câlin si le besoin s’en fait sentir, sécher quelques larmes en cas de dispute dans la cour, écouter la litanie de leurs petites anicroches entre frères et les regarder avec joie continuer leurs jeux compréhensibles par eux seuls…
- laisser mon mari vivre sa vie, tout autant qu’il me laisse libre de vivre la mienne. En résumé : lui lâcher la grappe. Parce quand je suis bien “perchée”, il se demande ce qu’il va encore se prendre dans la tronche une fois la porte de la maison refermée.
- coucher sur le papier mes pensées les plus noires, sans leur donner forcément crédit, ne pas redouter cette part sombre qui est la mienne et qui, je le sais, fait aussi ma singularité, mais sans lui donner toute la place.
Au bout d’une heure, et après avoir commencé par déverser mon camion-benne, j’ai de nouveau les idées claires et me sens un peu moins perchée. Bref, il semblerait que je sois redescendue de mon mauvais trip.
Et tu sais quoi ?
Cette chère amie a fait à peu près la même chose avec moi : après un vidage de sac mutuel, après avoir écouté les scénarios catastrophe élaborés dans nos studios respectifs, nous avons ri sur nos faiblesses avant de nous fixer un objectif très concret à réaliser afin de briser ce cercle vicieux et de ne pas nous laisser glisser trop vertigineusement sur le toboggan bien connu et bien huilé de la plainte, du reproche et de l’apitoiement.
Un coup de fil, et ça repart !
Et toi, chère Fabuleuse, avec qui aurais-tu bien besoin de papoter en ce moment pour t’aider à y voir plus clair ?