Mon cerveau rame comme un vieil ordinateur : « Un pull ? Une montre ? Des livres ? Un sac à dos ? Une boîte à outils ? »
Que vais-je offrir à mon mari pour Noël ?
Je m’étais jurée, l’an dernier, de ne plus jamais rencontrer de panne d’inspiration. Mieux, j’avais pris la décision d’inscrire mes idées au fil des mois pour ne pas me retrouver coincée la veille de Noël.
C’est ainsi que dans l’été, je griffonnais quelques mots dans un vieux carnet. La liste n’était guère élaborée. Néanmoins, une idée se démarquait. Inscrite en majuscules, elle exprimait son importance : « MAILLOT DE BAIN ».
Je l’avais notée dans un grand moment de désespoir en regardant l’homme que j’aime flâner sur la plage. Son maillot est affreux. Proche de la jupe culotte vert-kaki, on pourrait envisager une opération « camouflage dans la vase ». Je n’ai jamais compris l’intérêt de porter ce caleçon, hormis celui de ne pas se balader à poil. Intérêt de taille me direz-vous. Mais à ce compte, je pourrais lui en tricoter un : l’aspect mode n’a aucune importance à ses yeux.
Et puis, je le ferais avec amour.
Le projet me traverse l’esprit. Oui, mais : la dernière fois que j’ai tricoté une écharpe,ce fut un désastre. En la passant en machine pour lui donner un aspect douillet, elle en est ressortie rétrécie. À peine de quoi faire un cache-nez.
Si l’accident se répétait pour le maillot, je m’en voudrais à vie. Je préfère encore son actuel, vert-kaki et moche, plutôt que de le voir avec une sorte de bob au niveau de l’entre-jambe. Et puis l’idée du maillot en plein hiver me semble farfelue, quand bien même l’été prochain je serai probablement prise de remords de ne pas avoir osé ce présent estival.
Que puis-je donc offrir à cet homme qui a la patience de me supporter matin et soir depuis 20 ans ? Une médaille ? Je voudrais que mon cadeau soit l’expression de cette reconnaissance que je lui voue. Mais le cadeau, d’une certaine façon, limite ce que nous avons dans le cœur.
Je ne peux pas offrir n’importe quoi : mon mari a trop de prix à mes yeux.
Bien souvent, les cadeaux entre conjoints sont de véritables « casse-tête ». Offerts avant tout pour honorer la personne, lui signifier notre attachement et vivre la joie de faire plaisir, ils peuvent cependant se parer d’enjeux diplomatiques. Cela dépendra de la scène conjugale, bien évidemment.
Le cadeau s’inscrit dans une relation et transmet un message implicite qui va au-delà de la valeur explicite de ce qui est offert.
Il révèle le dessein (inavoué ?) de celui qui le donne.
Selon les cas de figures, il :
- célèbre gratuitement ;
- rabiboche pour une demande de pardon ;
- remercie joyeusement et sincèrement ;
- éponge une dette tout en se gonflant de culpabilité ;
- se moque du monde dans une mouvement fade et critique ;
- écrase par sa valeur démesurée ;
- achète la paix du ménage ;
- se veut narcissique en offrant une chose que l’on souhaiterait pour soi-même ou pour glisser l’autre dans un « moule » bien défini.
Inscrit dans un double mouvement, le cadeau invite également à recevoir, et cela est parfois tout aussi complexe. Rester ouvert à l’intention proposée est une façon de s’interroger sur la personne qui offre, sa motivation, sa délicatesse, son envie de nous partager peut-être un univers qui l’anime, par affection pour nous. Le cadeau nous invite à devenir curieux de l’autre. Au risque de la déception : qui ne s’est jamais senti frustrée, triste, en ouvrant un paquet tant attendu ?
Reprenons l’histoire du maillot. Je me sens partagée :
- Offrir un nouveau maillot est une façon de pallier la honte que j’éprouve quand je vois mon homme porter le sien. « Ce n’est pas possible, je ne peux pas être la femme d’un homme sans goût ! » est la petite phrase qui tourne dans ma tête. L’idée du maillot est donc à mon service.
- Mais je dois reconnaître que c’est également par délicatesse, comme si j’invitais celui que j’aime à prendre soin de lui, de son allure, « parce qu’il le vaut bien ». Mon mari n’apprécie pas le shopping, c’est une chose. Plus encore, il a tendance à se servir en dernier. À ne pas trouver utiles ces petits plus qui embellissent la personne ou le quotidien, notamment quand il s’agit de lui.
L’homme avec qui je vis est discret et serviable.
Ces deux valeurs le caractérisent profondément. Mais de la discrétion à l’oubli de soi, il n’y a qu’un pas. Et j’y suis attentive. C’est l’un des messages que je voudrais lui transmettre en lui faisant un cadeau :
« Je ne t’oublie pas, je prends soin de toi. »
Pourtant, malgré ce cap, j’ai peur de tomber à côté et de ne pas le réjouir. D’une certaine façon, cela m’ empêche d’entreprendre quoi que ce soit. Je voudrais tant lui faire plaisir, jubiler de voir son regard pétiller en déballant son cadeau !
C’est indéniable : Noël nous replonge en enfance, avec ce petit plus, entre conjoints, qu’il vient révéler un aspect de notre intimité :
« Suis-je assez proche pour deviner ce dont il rêve ? »
Je me sens proche, mais je ne suis pas dans sa tête.
J’envie un instant les couples qui s’échangent une liste de Noël : quelle bonne idée pour être sûre de ne pas décevoir l’autre et ne pas être déçue. Mais pour mon homme, cela ne marche pas, il apprécie les surprises. Peut-être devrais-je gagner en simplicité : à vouloir chercher le cadeau parfait, on en perd la spontanéité du geste et l’intention première. L’idée est de lui faire plaisir, gratuitement, de lui rappeler que je l’aime, pas de l’impressionner !
Je cherche encore, il me reste quelques jours avant d’entendre le carillon de Noël. Comme à chaque fois, je finirais par trouver une idée qui lui conviendra.
Et toi chère Fabuleuse,
Choisir un cadeau pour celui que tu aimes : bagatelle ou gros tracas ?