Petit matin. Tu te réveilles. Contre toi : une boule chaude. Un bras potelé et doux. Des cheveux qui sentent encore le parfum du shampooing. Une tendresse duveteuse à tes côtés. Ça bouge un peu.
Scratch, scratch : le bruit de la matière synthétique de la couche humide qui grince.
La nuit te revient. Des cris, une oreille qui fait mal.
« Je n’arrive pas à dormir Maman… »
« Viens dans mon lit, tout va bien. »
Réussite imparable de l’enfant insomniaque, légère culpabilité maternelle de ne pas savoir résister à son appel nocturne. Invitation sous la couette partagée.
Demain dès l’aube, tu réfléchiras à ce qu’il faut ou ne pas faire. À l’éducation.
Pour l’instant, tu es trop fatiguée.
Tu voudrais juste dormir et prendre aussi dans tes bras ce petit naufragé de la nuit.
« Regarde Maman, c’est le jour, on peut se lever, enfin ! »
Place au café bien noir après une nuit légèrement blanche. Ta tartine aux lèvres, tu penses à ces amis qui ont dû acheter un lit plus large pour accueillir leur progéniture. Trois enfants se glissent sous leur couette, désormais. Tu penses aux esquimaux qui dorment tous ensemble pour se tenir au chaud. Tu penses bien sûr à ton mari qui, princesse au petit pois inversée, ne demande que ça : dormir sous le poids des gens qu’ils aiment.
Toi, tu aimes t’étendre, agiter des bras, rêver à l’aise.
Ce n’est pas tant une chambre à toi dont tu rêverais, mais d’un lit à toi.
Et puis, alors que tes idées noires se diluent dans ton marc matinal, tes nuits de célibataires te reviennent. Folles parfois, drôles et chaotiques d’autres fois, mais souvent solitaires et vides.
Et, chère Fabuleuse, tu te dis alors que tu préfères encore une réalité enfantine, encombrante, harassante et poisseuse que des rêves creux.
« De toutes les fatigues – celles qui sont liées au travail et au sport-, celle de l’éducation sont certainement parmi les plus rudes ; car les enfants en bas âge vous contraignent à une vigilance permanente, leur présence réduit le courant du sommeil à un simple filet d’eau transparente à travers lequel on perçoit toujours le monde extérieur. »
Dans un de ses derniers édito, le rédacteur en chef de Philosophie Magazine Alexandre Lacroix évoque avec tant de justesse cette fameuse fatigue continue liée à nos chers enfants.
Pour mieux affirmer que nous nous trompons en nous en plaignant. Nous sommes comme des drogués qui se lamentent des effets secondaires de leur élixir. Ce que nous n’osons nous avouer, c’est que nos enfants sont devenus pour nous une « drogue dure » dont nous ne pourrions plus nous passer. Et ce rêve éveillé partagé en famille a bien de plus réalité qu’un sommeil isolé et bien replet.
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Claire.