Un de mes plus grands plaisirs en vacances, lorsque je suis loin des lumières de la ville, c’est de prendre le temps de regarder les étoiles à la nuit tombée. Je m’allonge à même le sol et je laisse mon regard vagabonder d’une étoile à une autre. Je me laisse envahir par cette beauté silencieuse de la nuit. Le ciel n’est plus ce papier peint que j’ai pris l’habitude de voir accroché au-dessus de ma tête. Il devient cet espace où mon regard peut s’enfoncer sans jamais en trouver le fond.
En laissant mon regard errer si loin, mon esprit vagabonde. Si j’aime tant regarder les étoiles, c’est que leur contemplation m’offre un temps où je ne suis plus rivée au stress de l’organisation de la vie de famille ou en train d’être rongée par ma grande indécision… En regardant les étoiles, je goûte la beauté et l’inouï de l’instant présent, au lieu d’être engluée dans des préoccupations liées au quotidien. Je sors apaisée de ce spectacle grandiose et je prends aussi de la hauteur sur ma propre vie.
En regardant si loin, c’est comme si je voyais ma vie elle-même de plus loin.
C’est qu’en regardant les étoiles, je délaisse l’action pour entrer dans la contemplation.
C’est un moment pendant lequel je me laisse totalement absorber par la beauté de ce que je vois, de telle manière que j’en sors ensuite transformée — j’en obtiens un autre regard sur ma vie, du recul sur mes stress quotidiens. Le philosophe Aristote disait que « plus on possède la faculté de contempler, plus on est heureux » (Ethique à Nicomaque). Car la contemplation me fait entrer dans la beauté de l’existence, sans but précis.
Je ne regarde pas les étoiles en vue d’une quelconque efficacité, mais je me laisse envahir par la beauté qui s’offre devant moi et me transforme.
Malheureusement, dans ma vie quotidienne, je ne peux pas voir les étoiles.
Les seules lumières que je peux contempler depuis mon balcon sont celles de la ville et le ciel qui se découpe derrière les tours d’immeuble est d’un noir impénétrable. Alors je me suis dit en revenant à ma vie citadine, à la fin des vacances, qu’il me fallait trouver un moyen de « regarder les étoiles ». Non pas en les projetant sur écran géant dans mon salon.
Mais en inventant une manière de recréer ce temps de recul et de méditation vagabonde, avec les moyens que j’ai à ma disposition.
Comme le disait le bon empereur romain Marc-Aurèle (qui était aussi, à ses heures perdues, philosophe stoïcien), on n’a pas besoin de courir en permanence à la recherche des lieux les plus incroyables ou insolites pour se retrouver soi-même.
Le lieu le plus incroyable de retraite, nous dit-il, c’est en nous-mêmes qu’il se trouve.
Et « il t’est permis, à l’heure que tu veux, de te retirer en toi-même. Nulle part l’homme n’a de retraite plus tranquille, moins troublée par les affaires, que celle qu’il trouve dans son âme. […] Donne-toi donc sans cesse cette retraite, et, là, redeviens toi-même ». Marc-Aurèle.
Voilà l’enjeu de la vie quotidienne : parvenir à trouver en soi le lieu où je « redeviens moi-même » et où je mets sur « pause » la course folle qu’est ma vie.
Il me faut trouver un moyen de « regarder les étoiles » dans mon quotidien, pour prendre de la hauteur sur ma vie, pour goûter ce qui a été, réajuster ce qui doit l’être et retrouver mon élan. Concrètement, un café ou une tisane du soir, une musique écoutée pour elle-même sur mon canapé, ou la contemplation du feu qui se consume dans la cheminée peuvent fournir le moment de « retraite » dont j’ai besoin.
Ce n’est pas un luxe inutile : c’est dans ces moments de « retraite en moi-même » que je goûte pour une fois l’instant présent et que je prends du recul sur ma vie.