Une tasse de thé renversée sur le clavier de mon ordinateur. Un biberon que je secoue sans l’avoir fermé correctement. Une flaque de lait tellement étendue que je ne peux même pas la contourner pour attraper la serpillère. Un tube de dentifrice qui me fait pleurer à force d’être vide — encore.
Parfois, les objets nous exaspèrent. Et les gens, aussi. Les enfants qui veulent tout, tout de suite. Les ados qui oublient leur carte de bus. Les maris qui se réfugient vingt minutes aux toilettes. Les livreurs qui se trompent d’adresse, les vieilles dames qui se mêlent de nos affaires, les caissières qui ne comprennent pas que passer maintenant est pour nous une affaire de la plus haute importance.
Il y a des jours où le monde entier complote pour nous irriter.
On est excédée par les pâtes qui ne veulent pas cuire plus vite, horripilée par cette voiture qui refuse de démarrer, et on se sent poignardée par notre meilleure amie qui poste une innocente photo de ses pieds en éventail sur une plage de sable fin.
Ces jours-là, on laisse traîner les couteaux de cuisine à portée des enfants, on perd notre trousseau de clés, on arrive en retard à l’école, on crie au monde entier de se dépêcher, on s’engouffre dans la moindre faille et on déclenche des crises conjugales.
Alors on se sent nulle, maladroite, incapable, insuffisante, moche, bête et méchante.
On se débat, on se déchaîne, on se défend, on se démène pour ne pas être la sorcière que l’on est en train de devenir.
Et on oublie l’essentiel : aller dormir.
“Ne partez pas fatigués”, nous prévient la sécurité routière.“ Avant un long trajet, passez une bonne nuit de sommeil. Sachez qu’une dette de sommeil de cinq heures entraîne au volant le même effet que l’absorption de deux ou trois verres de vin.”
Cinq heures !? Mais moi, c’est d’au moins sept cent heures que je suis endettée, depuis l’arrivée du petit dernier ! Ça fait combien de verres de vin ?
Mon compte courant de sommeil est dans le rouge depuis des mois, et je n’ai pas l’ombre d’une assurance vie ni d’un livret A où puiser quelques ressources d’urgence !
Pour remettre votre compte à flot, il ne suffira pas d’une bonne nuit. Même si cela vous aidera déjà beaucoup, surtout pour changer de perspective sur les biberons renversés, les maris au WC et les ados déprimés.
Dans certains pays, la privation de sommeil est une véritable méthode de torture, et les mères le savent. Au mieux, le sommeil nous manque. Au pire, nous en souffrons au point de ne même plus savoir que c’est la fatigue qui nous met dans un tel état de mal-être. Et après un certain temps, nos réactions sont effectivement celles d’une personne qui a beaucoup trop bu.
Pour les parents, la fatigue est un état constant. On s’habitue doucement à cet épuisement qui devient notre deuxième peau. Être fatiguée, c’est tellement normal qu’on en oublie que c’est dangereux ! On ne perçoit pas bien la gravité de sa fatigue. On sous-estime son effet sur nos émotions, nos relations, notre couple, notre foyer, notre vie.
La fatigue nous ronge de l’intérieur.
Elle nous vole beaucoup de capacités. Et surtout, elle érode de plus en plus notre marge de confort, cette zone où l’on se sent bien, où l’on a accès à des réflexes aiguisés, à des réactions créatives, à une réflexion posée et à une logique bien nourrie.
Mais le pire est certainement notre tendance aveugle à ne pas reconnaître que c’est le simple manque de sommeil qui nous met dans cet état-là.
La fatigue chronique et massive qui nous touche doit être comme une gros voyant rouge qui signale que quelque chose doit changer. À force de trop vouloir sauver le monde entier, on oublie que pour être réellement bienveillante envers les autres, on doit d’abord l’être envers soi. Quitte à rogner sur certains principes.
Pas d’excuse :
- mettre les enfants devant un dessin animé pour pouvoir s’endormir quelques minutes sur le canapé, même si on a toujours dit que la télé c’est mal. Quand on est à bout de nerfs, on n’a rien de meilleur à donner que la télé !
- planifier deux jours un peu plus légers au moment où nos hormones se déchaîneront le mois prochain. Quand de toute façon on n’a plus de forces, pas besoin de se déprimer encore plus avec un programme intenable !
- prendre une baby-sitter pour s’octroyer le droit de ne rien faire pendant deux heures. Même si on a toujours dit qu’on ne laisserait pas ses enfants à une inconnue. Il y a d’excellentes baby-sitters et il y a urgence à ce que vous les trouviez !
Personne ne peut deviner vos besoins.
C’est à vous de poser des limites, d’apprendre à les reconnaître, à les respecter, à les exprimer… faites-le pour vous-même, et si vous n’en êtes pas capable, alors faites-le pour votre famille…
Quand maman va, tout va.
Quand maman ne va pas, il faut régler ça au plus vite !
Ce texte est extrait de mon dernier livre C’est décidé, je suis fabuleuse, petit guide de l’imperfection heureuse.
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