Je ne sais pas toi, mais moi je ne peux pas dire que mon enfance a été tout à fait « normale ».
Qu’est-ce qu’une enfance normale, après tout ?
De toute façon, il y a toujours pire. Tu le connais, toi aussi, le fameux il y a pire… ? Cette expression derrière laquelle se cache une réalité plutôt agitée, mais bon, il y a pire…
Comme souvent, dans une enfance agitée, ou appelez-la comme vous voulez (bancale, boiteuse, déséquilibrée), bref, souvent, dans ce genre d’enfance il y a l’ami déni qui vous accompagne. Il devient même votre meilleur ami. Lorsque l’on est enfant et même adolescent, l’ami Deni(s) se révèle être le sauveur idéal pour ne pas sombrer.
Selon le niveau de traumatisme, flouter la réalité s’avère bien pratique pour continuer à avancer.
J’avançais donc, floutant mon quotidien, avec mon ami Denis qui m’aidait beaucoup. Le problème avec Denis c’est qu’il a tendance à vouloir s’engager pour la vie.
Une fois adulte, rompre cette amitié si solide paraissait impossible et d’abord, je n’en voyais pas l’intérêt ! On s’entendait bien, c’était fluide entre nous. On esquivait les sujets controversés. Mais on rigolait bien.
Jusqu’au jour où des symptômes post-traumatiques ont surgi et ont mis en péril notre amitié d’enfance.
Tout semblait aller bien et pourtant. J’étais maman de deux beaux enfants. Mariée. Nous venions d’emménager dans une jolie petite maison à nouveau proche de ma famille.
Tout était réuni pour que je puisse enfin me poser et commencer à réellement profiter de ma vie.
Mais c’est bien à ce moment-là qu’une vieille connaissance, Trauma, a décidé de revenir prendre de mes nouvelles.
Bon, en vrai je n’allais déjà pas très bien et depuis longtemps, mais je m’y étais habituée.
Puis le « pas très bien » est devenu un mal-être profond et insurmontable. Une vraie bonne dépression. Celle qui vous met KO, qui vous transforme en zombie et vous empêche même d’aller prendre une douche ou de vous nourrir.
Vous connaissez cette descente ? Celle qui vous mène direct dans les abîmes. Cette sensation que plus rien ne pourra vous faire à nouveau sourire ?
Alors là, arrive le moment aigu de la victimisation chronique.
J’en veux à la terre entière et particulièrement à mes parents. En tant que maman, je ne comprends pas comment ils ont pu agir comme ils l’ont fait avec moi et ma petite sœur.
Et puis il y a ce jour spécial. Ma mère qui, d’un revers de mots, me lance :
« T’en as pas marre, de jouer à la victime ! Regarde-toi un peu en face ! »
Cette phrase a été très violente, surtout venant de celle que je tenais en grande partie responsable de mon état. Mais elle a aussi été mon déclic.
Ce jour-là, j’ai compris que je détenais du pouvoir sur ma vie et que je devais faire un choix.
1— En finir
2— Passer ma vie sous médicaments
3— Guérir
J’ai choisi, non sans mal, l’option 3. À partir de cet instant, le brouillard qui floutait le chemin se dissipait chaque jour un peu plus.
Chère Fabuleuse, toi qui me lis et qui en es à te demander quelle option tu vas choisir pour toi-même, je ne te le cacherai pas :
choisir l’option 3 n’a pas tout résolu d’un seul coup. Cela ne s’est pas fait en deux jours ni en deux mois, mais chaque petit pas était un pas de plus pour donner raison au choix que j’avais fait.
À partir de ce moment, une fois que ma décision de guérir avait été prise, et même si je ne savais pas du tout comment m’y prendre, j’ai peu à peu trouvé les bonnes clés pour ouvrir les bonnes portes.
Je me suis confiée aux bonnes personnes. La mère d’un ami (c’était pas Denis) m’a conseillé un bon bouquin. Le bon bouquin m’a bouleversée et a complètement changé le cours de ma vie. Réveiller le tigre, guérir le traumatisme de Peter A. Levine.
J’y ai découvert, grâce à la Somatic Experiencing, l’architecture et le schéma que suivaient les traumatismes dans le corps. Comment ils s’y installaient et comment ils y évoluaient.
Comprendre le fonctionnement à l’origine de ma souffrance a été le plus grand bol d’air de ma vie.
Ce fameux bouquin m’a guidé vers le bon psy. Le 11ème (depuis mon enfance), mais cette fois-ci, le bon. Celui qui m’a accompagnée (et m’accompagne toujours) sur le chemin de guérison que j’ai moi-même décidé d’entamer.
Aujourd’hui, je continue sur ce chemin. Tout n’est pas réglé, et ne le sera peut être jamais, mais le plus gros de mon bagage, je l’ai laissé quelque part. Je l’ai remercié de m’avoir accompagnée lorsque j’étais une enfant, et je lui ai expliqué qu’il était devenu trop encombrant pour la suite de mon voyage.
Denis faisait bien entendu partie du bagage. Sacré Denis. Mon ami, mon sauveur, car s’il n’avait pas été à mes côtés tout ce temps, je n’aurais peut-être pas survécu. Le voile qu’il a tenu à bout de bras devant mes yeux pendant toutes ces années m’a permis de flouter une partie de la réalité pour pouvoir avancer malgré tout.
Au fil du temps, ce voile est devenu un obstacle qui entravait mes pas.
J’ai été obligée de m’en séparer pour voir enfin, clairement, le chemin devant moi. J’étais devenue adulte et j’avais les ressources nécessaires pour aller à la rencontre de tout ce qui se cachait derrière le voile. Enfin !
Je l’ai donc laissé, lui aussi, avec le reste du bagage.
Mais je crois qu’il était heureux pour moi. Un vrai ami. Il a été là quand j’ai eu besoin de lui et a accepté de s’éloigner au moment où il le fallait.
Il repasse me saluer quelquefois, mais ne reste jamais très longtemps (je pense qu’il a compris que j’avais compris).
Aujourd’hui, je rencontre toujours des obstacles, mais ils ne m’anéantissent plus, je m’offre même le luxe de prendre le temps de les comprendre.
Parce que l’on a toute la vie pour dénouer les nœuds du passé et que nous sommes là où nous devons être.
Je dédie cet article à tous les courageux et toutes les Fabuleuses qui ont souffert ou qui souffrent aujourd’hui.
Il y a de la lumière au bout du tunnel, je vous en fais la promesse.
Je crois que chaque épreuve qui se présente à vous est là uniquement parce que vous avez la force de la surmonter.
Il suffit d’un seul petit pas… pour commencer, tranquillement, à dissiper le brouillard qui s’est installé depuis si longtemps sur ton chemin.
Ce texte nous a été transmis par Helen, une fabuleuse maman que tu peux retrouver sur son site : https://lempreintedesmots.com/