Le mois de décembre n’est pas une période très rigolote pour moi.
– Les jours raccourcissent et pèsent sur mon moral, qui dépend en grande partie de la pluie et du beau temps.
– Il fait froid et j’ai constamment les mains glacées, ce qui est une vraie difficulté pour moi (attacher les minuscules boutons de nacre de la chemise de ma fille avec les doigts gourds… un vrai bonheur !).
– Je commence à être sérieusement fatiguée par l’année scolaire en cours et me lever devient un arrachement abominable.
– Mes élèves comme mes enfants sont de plus en plus énervés et mon seuil de tolérance est au plus bas.
– Les conseils de classe et les réunions parents-profs s’enchaînent, me retenant tard au lycée.
– Mon rhume chronique, qui dure chaque année de novembre à mars, commence sérieusement à me taper sur les nerfs. Ras-le-bol d’avoir la goutte au nez et de me trimballer avec mon rouleau de papier toilette, étant constamment à court de mouchoirs.
– Préparer les enfants pour partir à l’école relève de l’exploit sportif. Ils hurlent dès le lever : notre maison étant difficile à chauffer, la température ne dépasse pas les seize degrés au sortir du lit ; autant dire que retirer son pyjama puis s’habiller procure la même sensation que de plonger dans un lac de montagne. Après un petit-déjeuner épique, il faut les harnacher tous les quatre de leurs bonnets/écharpes/moufles, dont il manque systématiquement l’un ou l’autre. Puis les traîner dans la rue noire jusqu’à la voiture dans laquelle il faudra les fourrer avant d’allumer le contact, puis gratter le pare-brise jusqu’à avoir les mains rougies par le gel.
Mais si le mois de décembre est difficile pour moi, ce n’est pas seulement parce que je me sens foncièrement inadaptée à la saison hivernale.
C’est surtout que je le traverse quasiment seule (accompagnée de quatre marmots). Mon Fabuleux dirige un magasin de grande distribution culturelle… autant dire que décembre constitue pour lui le mois le plus dense de l’année. Au lieu de travailler ses petites cinquante heures semaine, il frôle les soixante-dix. Au lieu d’aller en magasin chaque samedi, il y est présent le week-end. Entier. Et je passe mes dimanches seule (accompagnée de quatre marmots).
Décembre est donc habituellement un long tunnel que je parcours en apnée, voyant les week-ends arriver avec inquiétude (mais comment vais-je survivre??).
Décembre au fond du trou. Dois-je m’y résigner ?
Et bien cette année, j’ai décidé que non. Cette fois-ci, je vais ponctuer mon mois de décembre en solo d’une multitude de petites joies de saison. Plutôt que de subir, je vais vivre l’Avent, intensément, avec mes moyens, en accueillant la situation qui est la mienne. Je vais cesser de résister à cette réalité qui n’est pas celle dont je rêverais (à savoir des vacances de Pâques ensoleillées et en famille) et vivre pleinement les petits moments qui s’offrent à moi.
Je vais me constituer un kit de survie pour traverser décembre avec sérénité,
comme on ferait une cure de vitamine C pour traverser l’hiver en bonne santé.
– Premièrement, créer dans la maison une atmosphère feutrée, enveloppante, rassurante. Acheter un sapin qui embaume l’atmosphère du salon, et me remplir les narines de cette senteur à la fois douce et piquante. Décorer la maison, avec les enfants, d’une multitude de guirlandes lumineuses.
– Ritualiser l’Avent, avec le calendrier que l’on ouvre chaque soir et les bougies que l’on allume dans la couronne, une de plus chaque semaine, et qui ont le pouvoir inimaginable (merveilleuses bougies de Noël !) de calmer instantanément les enfants.
– Me fixer des pauses cocooning, enroulée sur le canapé dans le plaid moumoute, avec un thé de Noël ou un chocolat chaud à la cannelle, sans oublier les Christmas songs en fond sonore (et les enfants enfermés dans leur chambre avec leurs playmobils, juste pour dix minutes).
– Relire l’Eveil de Mademoiselle Prim de Natalia Sanmartin Fenollera, l’un de mes romans préférés, qui a pour décor un village emmitouflé sous la neige et se déroule dans une atmosphère délicieusement surannée.
– Les soirs de solitude, quand mon Fabuleux rentre tard, visionner un bon film de Noël américain, kitsch à souhait, et dont le synopsis n’a d’autre ambition que de distribuer des paillettes.
– Le dimanche, plutôt que de me forcer à embarquer toute la marmaille dans la voiture pour une sortie en forêt, aller simplement se promener, à pied, quand la nuit tombe, pour regarder la ville illuminée et me délecter des yeux émerveillés de mes enfants. Lancer, quand papa rentre, un bon feu de cheminée, et se réunir en famille pour en écouter les crépitements et en admirer les flammes.
– Cuisiner mes petits plats remonte-moral : tartiflettes, raclettes ou tout autre recette à base de pommes de terre et de fromage.
– Et enfin, me coucher à 21h30, pour le plaisir de retrouver ma couette douillette, me lover contre ma bouillotte vivante (mon mari), et pouvoir me lever le lendemain sans trop de souffrances.
De la douceur. Du temps au ralenti.
Slow down, dirait Laurent Voulzy. Ne pas forcer, ne pas essayer d’en faire trop. Prendre pitié de moi-même, accepter ma fatigue et mon besoin de calme.
Slow down. C’est décembre. La nature ralentit. Ralentis aussi. Prends soin de toi avant tout. Et traverse l’hiver en soignant ta vie intérieure comme la vie à l’intérieur de ta maison.