Il m’arrive de courir, tête baissée, apeurée, un peu comme si la vie pressait le pas devant moi. Je regarde pleine de doutes les dessins des enfants entassés, les photos pas collées, les crayons pas taillés. Ces matins-là, je frissonne, je trébuche, je déteste. Je déteste tout mon linge pas plié/pas rangé, déjà plié/pas rangé. Je râle sur mon chat qui s’allonge lentement sur mon pantalon noir que je viens de laver, sur la machine à café dont le réservoir d’eau est vide, sur le dernier de bout de pain dont je n’ai pas envie.
Peu importe le moment et l’endroit, parfois tout me goûte le « pas frais », le « pas gai », le « pas bien », le…. trop nul. Même les rayons de soleil me narguent au passage de mes vitres mal lavées faisant danser sans fins mille poussières oubliées… Et pourtant le soleil quand il brille, c’est vraiment so pretty, marvellous my darling !
Il m’arrive de courir, tête baissée, fatiguée, comme si j’avais perdu la mesure, le ton et la gaité. Pas de bonjour au mari, rien de sympa pour mes filles, des mots durs en rafales. Lassitude morose, ces matins-là je porte mes lunettes grises. J’oublie trop vite que c’est moi qui broie du noir. Je me fais mon petit film : « un pour tous et tous contre elle ». Je nourris à moi seule les plus grandes théories de conspiration, même le tetra-pack de lait s’y met, il glisse entre mes doigts avant que j’ai eu le temps de faire mon premier café.
Soupire, re-soupire, et si quelqu’un s’approche de moi : grognements. Tout le monde a compris « C’est pas le jour pour se frotter à maman, elle pique et d’ailleurs, j’ai bien vu, elle crache du feu, c’est un dragon. » Mon mari ose un timide « Personne ne s’est lié contre toi… », et termine en souriant « et non, les chats ne font pas caca dans leur bac pour te provoquer. » En tant normal ce serait même une remarque comique mais ce jour là c’est le désastre atomique. Bam, maman a sauté sur la mine. Crack boum, au lieu de rire, elle pleure. Au lieu de se laisser serrer dans les bras, elle s’enfuit.
Il m’arrive de gémir « je vais jamais y parvenir ». Et l’écho mon ami répond « parvenir à quoi donc ? ». Ce n’est jamais assez, ce n’est jamais fini… « Mais c’est la vie ça. » Je trébuche, je me ramasse et l’ami me répond : « Alors reste là un instant et puis lève les yeux au ciel. ». Oui mais si, et si et si…. « et si quoi ? »
Et si tu te laissais aimer, dans tes tracas, dans tes en retard, dans tes « pas lavés », « pas rangés », pas assez.
Et si tu te laissais aimer ?
Dans tes fausses notes, dans tes apnées, dans tes épis mal coiffés ? Et si tu prenais l’amour en cadeau ? Comme des petites fleurs sauvages au milieu des pavés, comme le flocon qui vole et se pose sur ton nez, comme la fin à l’eau de rose de ton roman préféré.
Mais comment ça fonctionne mon cher docteur Watson ?
Ah mais c’est à vous, le détective, c’est à vous de trouver. Cherchez bien les indices, ils sont parfois discrets :
- Quelques notes de musique qui vous poussent à danser
- Une petite ballade dehors qui vous change les idées
- S’allonger 10 minutes relancer le système
- Boire un café au lait
- Se cacher aux WC
- Tirer les lunettes grises et rire de son dragon
- Manger quelques cerises et trouver que c’est bon
- Et puis dire à son corps « tiens-toi droit, les épaules redressées, sent le sol te porter, et respire calmement, consciemment puis souri peu à peu. »
- Prendre le pouls de la vie et se laisser aimer.
Et si tu te laissais aimer. Et si tu plongeais à fond dans la vague, en voyant dans cette situation inédite une magnifique occasion d’apprendre, de progresser, de grandir : sache que les portes du Village sont ouvertes, et que toutes les infos sont par là !