Quand maman marche sur le fil,
qu’elle ferme les yeux pour ne plus voir le vide,
qu’elle voudrait oublier le linge à droite et la fatigue à gauche,
ne pas voir le gouffre qui l’appelle et lui rappelle qu’elle pourrait à tout moment tomber.
Quand maman marche sur le fil,
qu’elle se sent plus funambule amateure que fabuleuse invétérée,
que l’équilibre est si fragile et que le vent la fait trembler,
qu’il menace de la pousser,
qu’elle risque à tout moment la chute inévitable dans le « jamais assez ».
Quand maman marche sur le fil
et que d’une main tendue, pied en l’air pour contrebalancer, elle essaye d’attraper le truc magique qui pourrait enfin l’aider : les belles paroles des coachs de vie, le nouvel aspirateur qui travaille tout seul, la robe dont elle a tant rêvé, le verre d’alcool tant mérité.
Quand maman marche sur le fil
et que tout son corps lâche sous le poids des paquets qu’elle transpose sans arrêt,
que ses doigts sont blancs, le sang coupé par le plastique des sacs de courses qu’elle porte tous en même temps pour s’épargner le temps d’un prochain aller-retour.
Que ses mollets sont perclus de crampes à force de se tenir sur la pointe des pieds, que tout en elle gémit et implore de ne plus continuer.
Quand maman marche sur le fil
et qu’elle veut abandonner avant même le début de la journée,
qu’elle se cache sous la couette le soir et soupire d’une fatigue qui lui donne envie de pleurer,
Mais qu’elle s’extirpe du lit quand même et encore, tout en ayant l’impression que tout son être dort encore. Endolori.
Quand maman marche sur le fil,
elle a besoin de nos voix qui lui disent : « On est là, on te voit, on scandera ton nom jusqu’à ce que tu arrives de l’autre côté, et si tu tombes, tombe dans nos bras, on sera là pour t’aider ».
Quand maman marche sur le fil,
elle a besoin d’entendre ces mots : « Repose-toi, si tu as couru autant, alors fais comme le proverbe indien le suggère et arrête-toi sous un arbre pour laisser à ton âme le temps de te rattraper. Rejoins-toi, respire, lâche prise, c’est bon, tu peux tomber un temps, tout ne va pas s’effondrer. »
Quand maman marche sur le fil,
elle a parfois juste besoin de savoir qu’elle aussi peut craquer, qu’elle peut faillir, qu’elle peut lâcher, qu’elle peut un instant ne plus tout porter, qu’elle peut se donner du répit…
Quand maman marche sur le fil
et que le gouffre sous ses pieds menace de l’engloutir, elle a besoin de visages familiers, de mains tendues, elles aussi écorchées par la lourdeur du quotidien, de ces autres Fabuleuses qui l’invitent à danser, un peu, beaucoup, au rythme de son enfant intérieur.
Quand maman marche sur le fil,
j’aimerais tant qu’au milieu de la foule ce soit ma voix qu’elle entende. Au milieu de la foule qui retient son souffle en attendant de la voir trébucher, qui lui crie même parfois qu’elle ne va pas y arriver, qui lui reproche tous ses petits ratés, je voudrais tant que ce soit nos voix qu’elle entende résonner le plus fort :
« Oui, tu es fabuleuse, tu vas y arriver, tu peux y arriver, lève les yeux un instant, prends ton envol, tu gères vachement bien, n’oublie pas, ne t’oublie pas.
Et si tu n’en peux plus, si tes jambes et tes bras menacent de lâcher, si tu as l’impression d’avoir perdu ton âme en chemin alors arrête un instant et laisse-toi tomber, on sera là pour te rattraper, tu seras là pour te rattraper.Tu n’es pas seule et tu n’es pas funambule perdue au bord du gouffre, tu es fabuleuse et nous admirons tes efforts et ta volonté, tes blessures et tes plus belles réussites et chacun des pas que tu poses… Gracieuse maman imparfaite, ne délaisse pas le rythme de ton cœur ! Nous on te trouve fabuleuse quand tu marches sur le fil et quand parfois tu n’as plus les forces pour marcher sur ce fil. You rock ! »