« T’as qu’à te le noter ! »
Ouuuh la petite phrase clivante que voilà… Alors, dis-moi : tu la prononces ou tu la subis ?
Sans être experte en linguistique, il me semble qu’à l’origine, la to-do list appartenait à l’univers des start-ups et donc à la sphère professionnelle. Elle a peu à peu pris la conf’ et s’est mise à contaminer la sphère personnelle.
Face à l’irruption de la to-do list dans à peu près tous les domaines de notre vie, chacun réagit différemment.
Pour certaines d’entre nous, la to-do list est une manière de libérer de l’espace et elles ne sauraient se passer de ce bloc à tirets qui leur permet de se défaire de l’angoisse d’oublier quelque chose d’important. Je les comprends, j’ai été l’une d’elles.
Je peux même vous parler de ce petit shoot d’endorphines au moment où l’un des points peut être rayé proprement.
En termes de jubilation, le seul équivalent auquel je pense, c’est le son de la notification SMS de mon Nokia 3310 en 2006, alors que j’étais sur les charbons ardents en attendant la réponse d’un crush à mon message intello-cynique. Rayer un « truc à faire », c’est comme éternuer, c’est-à-dire expérimenter une explosion délicieuse et libératrice.
Voilà pour les accros à la to-do list.
Cependant, au fil du temps, avec le jonglage entre vie de famille et vie pro, la to-do list en est arrivée à me sortir par les yeux et j’ai progressivement glissé dans le camp adverse. Celui des allergiques. Aujourd’hui, quand mon père me dit tout fier qu’il tient ses Todos sur Excel et qu’il a dans son téléphone une « to-do list de to-do list » pour ne pas oublier d’administrer ses listes thématiques, je suis prise de démangeaisons incontrôlées. Oh comme je comprends ces époux excédés qui répondent au « Pourquoi tu ne te le notes pas ? » de leur femme : « T’inquiète, tout est là-dedans », petit geste de l’index contre la tempe à l’appui.
Au début, j’ai créé des to-do list différentes entre celle de la maison et celle du bureau.
Puis j’ai vu que cela créait des conflits d’agenda et j’ai fusionné les deux. Après, j’ai perdu mon téléphone dans lequel tout était noté et je suis repassée au papier. Puis j’ai oublié mon carnet au bureau pendant tout un week-end et ma liste de choses à faire à la maison a souffert deux longs jours de stand-by, que j’ai payés très cher : j’ai oublié d’aller chercher mon Drive, laissé mon option SNCF expirer, zappé de rapporter le rétroprojecteur à la Maison des associations qui avait un séminaire à 9h30 le samedi matin… Du coup j’ai fondu un plomb et je me suis dit :
« Ras le bol, les to-do lists c’est de l’esclavage, quand on utilise cet outil du diable, on glisse dans une anticipation débile qui nous fait prendre des engagements non pas pour le jour même mais pour les 50 prochains jours. J’ai créé un monstre qui me brutalise. To-do list, toi et moi, c’est fini. »
Voilà, aujourd’hui, c’est mon mari qui me dit : « Tu devrais te le noter » et moi qui réponds, hargneuse : « #[≅⁄∃€!♣ NON ! Si c’est important ET urgent, je le fais maintenant. Sinon, c’est pas prioritaire et je le ferai quand je le ferai. Arrête cette violence psychologique tout de suite, Fabuleux, sinon je te Destop© le slip ».
Et puis, un jour, je suis tombée sur une fille incroyable, qui m’a dit :
– Oh, moi, dans ma to-do list, je me fais un millefeuille avec les trucs sympa à faire, parce que sinon je ne fais que des trucs relous et je me dessèche.
– Hein ? Mais l’éthymologie de “to do”, c’est : « N.F. issu du gréco-sumérien : TOD : éventration + O : douleur insupportable », ça ne peut décemment pas s’appliquer à quelque chose de ressourçant ?
– Si si, je t’assure. Regarde :
- Mettre du citron et de la mélisse à macérer dans de l’eau fraîche pour ce soir
- Réinscriptions à faire sur École Directe
- 18h30 : déposer les enfants au bureau du Fabuleux et filer chez le coiffeur
- J’ai envie de montrer « Les enfants du Capitaine Grant » et « Maman j’ai raté l’avion » aux enfants
- Demander les justifs fiscaux à la crèche et à France Alzheimer
- Noter sur le frigo « Chéri tu es beau avec tes nouvelles lunettes »
- Remonter les résultats d’audience de mai pour la réu de jeudi
- À raconter à mon Fabuleux : C’est l’histoire d’un mec bourré qui va à la Foire. Il fait carton plein au tir à la carabine et on lui donne une tortue. Le lendemain, il revient, re carton plein, et on lui donne un nounours géant. Alors là, le mec bourré dit d’un air déçu au forain : Oh, je pourrais pas avoir un sandwich comme hier ? »
- Racheter du PQ
Mais cette femme est folle. Follement merveilleuse.
Sa to-do list me fait envie.
Je n’aurais jamais pensé dire un truc comme ça dans ma vie toute entière. Et cette femme me dit :
– T’as le choix. Tu peux écrire « to-do » et vomir. Ou tu peux écrire « Tout Doux » et pétiller. Et comme vomir et pétiller en même temps c’est trop compliqué, tu dois choisir. La balle est dans ton camp.
Si tu veux te réconcilier avec les listes et retrouver la pétillance que tu as perdue quelque part en route, il existe un outil merveilleux :
Go Go pour la précommander, on se l’arrache déjà et elle va bientôt devenir « La BD la plus lue dans les toilettes ».