« Comment réussir à prendre de la distance avec le quotidien quand on est enfermé chez soi avec 3 enfants et sans aide ? Comment faire pour détacher son esprit de ce qui ne va pas pour aller vers du nouveau, du positif et savoir l’exprimer ? Mes pensées qui tournent en boucle me rendent triste et apathique. »
Ce sont les mots d’Apolline, qui se sent engluée dans ses pensées négatives tout autant que dans un quotidien franchement désenchanté.
Elle dit se sentir pressée que cette pandémie soit finie.
Que cette crise se termine, que ça revienne à la normale.
Quand est-ce que ce covid va s’arrêter ?
Chères Fabuleuses, vous aussi, comme les femmes que j’accompagne en ce moment, ces phrases vous tournent dans la tête toute la journée ?
Alors je vous invite à changer de regard.
Car la posture qui consiste à faire le dos rond en attendant que ça passe est très utile pour maintenir chacune dans une attitude passive, mais beaucoup moins pour celle qui cherche un moyen de « s’en sortir ».
Et si ça ne se finissait jamais ?
Je veux dire par là, si cette crise n’était pas un abcès sur une route censée être plane, mais si elle faisait partie de la route avec ses bosses, ses ornières, ses pentes ?
Il me semble qu’en voyant les choses ainsi, cela change mon état d’esprit, et peut-être mes décisions. Le mot crise que nous utilisons vient du mot grec krinein, qui veut dire juger, décider, dans le but de faire du tri. J’aime regarder chaque crise, petite ou grande, sous cet angle du changement, d’une page qui se tourne. Et même quand cette crise apporte avec elle gravité, tristesse ou inquiétude, elle est le début de quelque chose d’autre que nous regardons peu, habitués que nous sommes à rester centrés sur la crise elle-même.
Certes, la crise mobilise notre énergie.
Les enseignants en classes de collège le savent bien, tant ils constatent au quotidien combien les apprentissages peuvent être perturbés par la tempête hormonale qui s’abat sur leurs élèves au moment de la crise d’adolescence.
Pourquoi ne pas vivre cette crise en se disant : je ne sais pas ce qui vient, je comprends que les choses sont ainsi pour le moment, et j’ai confiance que j’ai beaucoup à découvrir, que cette crise peut me permettre de voir, de comprendre ou de vivre des choses qui vont m’enrichir.
Ce seul état d’esprit suffit à vivre bien plus légèrement les contraintes associées à la crise sanitaire.
Pourquoi ?
Car alors je ne lutte plus contre l’événement, mais j’en accompagne le mouvement. Car je sors d’un mode où je suis la victime d’un système, pour me placer dans une posture de gratitude pour ce que j’ai ou pour ce qui, parmi ce grand désordre, fonctionne néanmoins. Parce qu’en toute situation, même dramatique, il y a une possibilité de ressentir de la joie, dans l’instant, même fugace.
Apolline me disait : « Je suis confinée, mes enfants sont malades, je télétravaille avec eux, mon mari aussi et nous sommes enfermés depuis 7 jours. Comment réussir à prendre de la distance ? ».
Je lui demande ce que provoque en elle l’idée d’accueillir ce sentiment de trop plein.
Elle réagit : « Tu veux dire, accepter que c’est comme ça ? Si c’est ça, alors j’aimerais quand même faire quelque chose à propos de ce qui me manque le plus : prendre l’air et voir des copines ».
L’idée d’accueillir la situation au lieu de la subir a fait venir en elle le désir de nourrir deux de ses besoins. S’habiller chaudement, préparer un café brûlant, ouvrir une fenêtre en grand, et regarder les gens passer dans la rue, ou faire quelques respirations ? Inviter son mari à se joindre à elle de temps en temps ? C’est un tout petit pas, oui, mais qui peut lui permettre de mettre un peu d’air – et d’amusement – dans cette semaine d’isolement.
Certaines vont focaliser sur le froid, l’inconfort de cette crise, les peurs que cette traversée réveille, pour ne plus voir que cela. D’autres, sans nier la pénibilité de cette traversée, vont avancer en toute ouverture, prête à faire des découvertes, conscientes de leur état et chérissant leur vie.
Celles-là ne sont pas mieux loties que d’autres, elles ne souffrent pas moins :
elles ont choisi un état d’esprit de lâcher prise et de confiance. Confiance, non pas en le fait que la vie d’avant revienne, mais confiance en la vie comme elle est, confiance que cette crise apportera son lot de fruits.
Le problème devient encore plus un problème quand on le regarde comme un gros problème.
Avec les femmes que j’accompagne, nous faisons le tour du problème qu’elles nomment, nous le regardons sous différents angles, nous lui parlons, nous le tirons, le tordons, le poussons, allons voir autour, plus loin, et bien souvent, à la fin de l’accompagnement, il est toujours là, mais elles ne le voient plus comme un problème. Car elles ont compris que le problème masque la marge de manœuvre dont elles disposent pour leur vie.
Alors si vous vous sentez découragée, et désireuse de sortir de vos pensées négatives, je vous pose une question :
« Et si cette crise était nécessaire dans ma vie, si elle arrivait à point nommé pour me permettre de grandir ? »
Il ne s’agit pas tant de trouver une réponse précise à cette question, mais d’observer ce que le simple fait de vous la poser change à votre façon de vivre ce quotidien.