Pose ta tête sur son épaule - Fabuleuses Au Foyer
Vie de famille

Pose ta tête sur son épaule

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« Somewhere over the rainbow », quelques notes qui s’envolent alors que Kathleen Kelly (Meg Ryan) et Joe Fox (Tom Hanks) s’embrassent tendrement dans le parc… et hop, le tout se fond dans le générique de fin.

Vous avez un message : un des films que j’aime tant voir et revoir. Une jolie histoire d’amour entre une jeune libraire au caractère bien trempé et le fils d’un magnat de l’industrie du livre dont la nouvelle filiale a conduit le magasin de Kathleen à la faillite. À la base, ils se détestent mais pourtant, le soir, sans le savoir, seuls devant leurs ordinateurs, ils se rencontrent, se parlent, se comprennent et tombent amoureux.

On ne saura jamais comment continue leur relation après le générique de fin, après ce baiser passionné dans le parc. C’est un peu un conte de fée, une version moderne et édulcorée de Roméo et Juliette. L’amour au-delà de ce qui les séparait à la base.

Mais entre nous, que s’est-il passé après ?

  • Est-ce qu’il a laissé traîner ses chaussettes partout ?
  • Est-ce qu’elle a commencé à le critiquer devant ses amis ?
  • Est-ce qu’il a douté de ses sentiments ?
  • Est-ce qu’elle a pensé qu’elle s’était trompée et qu’ils auraient plutôt dû continuer à se méfier l’un de l’autre ?
  • Est-ce qu’elle a pris des hanches, du ventre, des cuisses ?
  • Est-ce qu’il l’a écrasé avec son côté businessman froid et sans scrupules ?
  • Est-ce qu’elle lui en a voulu pour son magasin, est-ce qu’elle lui a servi des reproches à tous les repas ?

Bien des films nous évitent ces questions et leurs réponses impitoyables. On tire vite le rideau de fin avant que le quotidien des couples amourachés ne devienne trop…euh, comment dire, « réel ? ». De toute manière, on regarde ces comédies romantiques pour rêver, pour s’échapper, pour goûter en spectateur au piquant, au rafraîchissant, à l’épatant de la passion naissante. Une fois l’écran éteint, on se regarde dans le miroir, et l’on voit tout ce qu’on n’est plus et on remarque trop bien ce qu’il est encore resté (et qu’on avait cru pouvoir changer).

Soyons honnête, parfois, notre quotidien a un peu le goût d’une frite froide. Une frite froide, mes aïeux, ça ne va pas ! Alors il arrive que, amers, nous nous engagions dans un grand bras de fer, contre le temps, contre les attentes, contre les comparaisons et qu’on en oublie même pourquoi on s’était mis ensemble au début.

On commence le bras de fer avec celui qu’on aime.

Tout comme Kathleen et Joe, on s’aime et on se déteste. On aime et on déteste ce compagnon, on aime et on déteste ce qu’on est devenu, on aime et on déteste ce que sont devenus notre vie, notre couple, notre amour qui portait des ailes et semblait voler sans effort dans le vent et qui maintenant ressemble plutôt à un albatros qui atterrit (et ici, mon petit conseil pour les jours où tu as besoin de rire, l’albatros qui atterrit c’est un truc à voir et à revoir). 

On trébuche dans nos propres foyers, on se plante, on s’écrase, on a perdu notre idylle du début. Ben oui, parfois, souvent, pour certains, pour beaucoup, c’est comme ça. Parce qu’aimer et vivre ensemble ce n’est pas un cent mètre, c’est plutôt 2 Ironman et 2 marathons l’un à la suite de l’autre avec une paire de chaussures à talons et, dans la main gauche, un plateau garni de flûtes à champagne… oui, oui !

(Petite parenthèse pour toutes les Fabuleuses qui me lisent en pensant : « Elle exagère Rebecca, aujourd’hui »… Mais oui, bien entendu que j’exagère et bien entendu que certains gèrent bien le temps qui passe ; je m’adresse à nous, aux autres… à celles qui sont à bout de souffle et ont plus de questions que de réponses à disposition).

Ma chère Fabuleuse, et si pour un instant on (re)posait notre tête sur son épaule ? Si on lâchait le bras de fer pour retrouver notre place à ses côtés ? Peut-être qu’on entendrait notre cœur battre fort pour lui et son cœur battre fort pour nous. Comme le rythme lointain des tambours, comme le chant des oiseaux, comme le vent dans les feuilles. Tous ces bruits qu’on n’entend plus parce qu’on n’a plus le temps d’écouter, parce qu’on a les oreilles bouchées par le stress, parce que la pollution est partout, aussi, dans nos têtes et dans nos cœurs.

Pose ta tête sur son épaule et laisse un instant tout le poids des soucis, du carrousel de tes pensées, du murmure de reproches se poser avec ta tête sur son épaule.

Fais-lui confiance.

Fais confiance qu’il peut aussi les porter, qu’il peut en sentir la lourdeur sans couler. Laisse le te porter, un instant. Tu n’es pas seule, tu n’es peut-être pas si seule, au fond.

Pose ta tête un instant, vraiment, simplement, sur son épaule. Tu sais, on nous a tellement appris à viser l’indépendance, on en a fait une valeur ultime à atteindre, à chérir, qu’on en oublie qu’on n’est pas fait pour tout gérer seul, qu’on a besoin des autres, bien souvent, et que les autres ont besoin de nous. La vie de famille éclot dans l’interdépendance et les synergies entre ses membres.

Tu sais, quand on construit ensemble, on ne construit peut-être plus 100% à notre goût, ni 100% de la manière qu’on avait prévue, mais on construit plus riche, plus diversifié, on construit de façon unique et belle, en collaborant l’un avec l’autre, en s’aidant, en s’aimant, en se respectant et on s’adapte. On s’adapte comme un roseau qui plie mais ne casse pas sous la pression du vent.

Pose ta tête sur son épaule, respire au rythme de son souffle, de ses soupirs, de ses rires, de ses espoirs. Tu sens le tourbillon qui lui tourne autour, autour de lui aussi ? Être un homme de nos jours, c’est tellement complexe, nager dans des cultures en constante mouvance tout en gardant la tête hors de l’eau.

On attend de lui tout et son contraire.

Comme un jeu de foot dans lequel on ne te dit ni qui est ton équipe, ni où est le goal. Tout se redéfinit constamment. Et les « passes imparables » qu’on lui avait transmises hier sont les « fautes », les grosses gaffes, les no-go d’aujourd’hui.

  • Pas facile d’être fort dans tout ça, pas facile d’être faible dans tout ça… pas facile d’être vrai dans tout ça.
  • Pas facile d’être en sécurité quand on t’attend au tournant, pas facile de répondre aux besoins de l’autre quand on doit deviner.
  • Pas facile de lire dans les pensées quand l’autre nous reproche de ne pas comprendre les non-dits.

Alors pose ta tête un instant sur son épaule et rappelle-lui (rappelle-toi) que vous êtes dans le même camp et qu’ensemble vous pouvez trouver vos règles du jeu. Celles qui vous laisseront gagnants tous les deux. Pas toujours sur toute la ligne mais en tout cas main dans la main. Sortez du bras de fer auquel le thème de la charge mentale nous invite si souvent, du « oui, mais moi je », pour dialoguer, pour réapprendre/reprendre un mode un peu plus « pour nous, pour notre famille ».

Une valse à trois temps.

Il y a tant à gagner, et tant à perdre dans notre vie ensemble… mais que signifierait gagner tout si c’était pour le perdre lui ? Ton ami, ton amant, ton appui, ton plus beau fou rire.

Pose ta tête sur son épaule et respire profondément, regarde l’horizon qui se profile, comme un soleil couchant sur le reflet de l’eau qui brille. Tu sais, on peut choisir de voir le beau là où on est.

On peut choisir de relativiser certaines choses, les trouver sans importance. On peut décider de remiser certains thèmes dans une catégorie intitulée « en réalité, ça ne me dérange pas ». Et on gagne beaucoup quand on s’en fout de la chaussette qui traîne, on gagne beaucoup à ne pas prendre comme une insulte personnelle qu’il ait oublié pour la 30.000ème fois d’éteindre la lampe dans le garage.

On gagne tant à ouvrir les yeux et VOIR. 

Voir comme il soulève la petite dernière pour lui dire combien elle est belle. On gagne tant à l’écouter parler politique avec notre plus grande, on gagne tant à glisser notre main dans la sienne au milieu de la foule, on gagne tant à ne pas compter les points entre nous. On gagne tant à croire ses « tu es si belle ».

On gagne tant à oser être dénudée avec lui, à laisser tomber nos armures et à lui faire confiance, à nourrir la bienveillance entre nous, à poser nos têtes lourdes et fatiguées sur leurs épaules écorchées par la vie.

L’amour vieillit, l’amour bouge, l’amour s’enfuit parfois, l’amour s’essouffle aussi.

Et pour autant, si souvent, l’amour revient, l’amour revit…

…et quand notre Fabuleux nous prend dans ses bras, quand nous posons notre tête sur son épaule, l’amour respire, et nous avec lui.



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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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