« Être mère, un cauchemar dont je ne me réveillerai jamais. »
Depuis la parution des travaux de la sociologue Orna Donath, les langues se délient, notamment Outre-Rhin : peut-on aimer ses enfants, mais regretter d’être mère ? Lasse de s’entendre prédire qu’elle « regretterait un jour » de ne pas vouloir d’enfant, la chercheuse israélienne a recueilli les témoignages de 23 mères qui aiment leurs enfants, mais auraient préféré ne pas les avoir.
Un pavé dans la mare du mythe de la mère parfaite : selon l’universitaire Barbara Vinken, les travaux d’Orna Donath remettent « radicalement en cause la joie d’avoir des enfants dans une société qui attend tout des mères, et où les mères exigent tout d’elles-mêmes ».
Une maternité trop exigeante ?
« Donner la vie a été une erreur. »
D’où vient le regret d’être mère ? Liberté perdue, disparition du style de vie antérieure, impression de ne plus exister, de ne plus s’appartenir à soi-même ? Certainement. Mais le regret d’être mère a une cause plus profonde : une maternité si exigeante qu’elle en est devenue dissuasive.
Plus qu’une aspiration à la liberté que certains qualifient de caprice, le regret d’être mère, c’est l’aigreur de découvrir, après coup, que l’on n’était pas faite pour avoir des enfants… Ou plutôt le contrecoup de l’intenable pression exercée sur les femmes qui deviennent mères, d’autant plus lorsque la conception de la maternité est celle d’un sacrifice total de soi.
Décomplexer les mères
Il y a urgence : il faut décomplexer les mères.
« Dire que l’on regrette d’être mère est choquant, mais reflète le mal-être des mamans à cause de la pression qu’elles subissent au quotidien », m’écrit Noémie. « En tant que maman, on a sans cesse l’impression d’être jugée… Allaitement, travail, éducation : quels que soient nos choix, ils ne sont jamais au niveau de ce que la famille et la société attendent de nous. »
Une vie vécue sous la pression d’une maternité censée être parfaite, et à propos de laquelle on ne nous a pas prévenues :
« Je ne suis pas certaine d’être totalement libérée du sentiment de culpabilité d’avoir donné la vie en y étant si peu préparée », explique Maryam.
« Je ne regrette pas d’être mère, je regrette que mes enfants m’aient pour mère, incapable d’être douce, aimante et constructive », confie Aline.
Au fond, ces femmes ne regrettent pas d’avoir des enfants, mais elles regrettent de ne pas parvenir à coller au modèle parfait qu’on leur a vendu dans les magazines. Elles ne regrettent pas leur liberté passée : elles culpabilisent de ne pas parvenir à aimer cette vie réelle qui est loin d’être parfaite.
Il est grand temps pour les mères « suffisamment bonnes » de décréter qu’après tout, elles sont bien assez fabuleuses. Et d’éradiquer enfin le venin du perfectionnisme maternel.