Ah, Noël ! Son sapin, ses bougies, ses paquets enrubannés, ses dindes et ses coups fourrés, ses retrouvailles familiales chaleureuses… Et ses poignards plantés entre les deux omoplates, parfois.
Dans notre imaginaire enfantin, Noël est magnifique, rempli de paillettes, de rires et de complicité. Mais dans la réalité, Noël est parfois loin d’être un moment de paix et de détente. C’est aussi l’occasion de retrouvailles parfois amères ou tendues. Il peut être habité par le manque de ceux qui sont absents pour toujours, par le regret d’être loin de ceux que l’on aime, ou proche de ceux avec qui les relations ne sont pas au beau fixe.
Noël, c’est parfois l’occasion de redevenir le petit enfant de ses parents. On retrouve aussi sa place, dans la fratrie : l’aînée sage, la rebelle, la chouchoute, la rêveuse… Les étiquettes reviennent doucement se poser sur nos têtes comme des petits flocons. Et entre le sapin et la bûche, bien au chaud dans son pull moche, on rétrécit et on a de nouveau 6 ans. Et qui dit petit enfant dit que l’on n’est pas forcément très sûr de soi pour s’affirmer et parler vraiment de ses souhaits.
Quand on est parents d’enfants adultes et que l’on retrouve toute sa couvée additionnée des conjoints, conjointes et petits-enfants, la tentation peut être grande de retrouver sa place de matriarche ou de patriarche qui mène la marche. Avec ce que cela comporte d’autorité, voire d’autoritarisme.
Alors pour ce Noël, je te propose, chère Fabuleuse, de t’affirmer.
Pas en envoyant la bûche dans la figure de ta peste de belle-sœur (devant laquelle tu te trouves toujours nulle, incompétente, inintéressante et mal fagotée), ni en mettant trop de poivre dans le foie gras de l’oncle lourdingue, celui qui te demande à chaque Noël « C’est pour quand le petit 3ème, hein ? » avec un gros clin d’œil à ton mari. Pas non plus en leur hurlant tous dessus qu’ils ne sont que des cons et que tu les as toujours détestés (Ce qui, néanmoins, serait vraiment un Noël mémorable).
Mais en essayant, avec douceur et fermeté, de dire ce que tu penses, comme tu le fais avec tes enfants : en partant de ce que toi, tu ressens.
Affirmer ton besoin
Sans doute que cette année tu n’as pas tellement envie de t’engloutir des kilomètres, en plus des 5 entrées, des 13 desserts et des montagnes indécentes de cadeaux. Alors, tu peux sans doute envisager d’annoncer avec douceur :
« Nous souhaitons passer au moins une journée, juste nous deux et les enfants, pour fêter Noël dans l’intimité. C’est important pour nous car durant l’année nous courons beaucoup, et nous ressentons le besoin de nous retrouver au calme en famille. Par contre, on viendra déjeuner le 25 avec vous. »
Qu’est-ce qui est important pour toi, au terme de cette année ?
- Passer du temps de qualité en couple ?
- Te reposer ?
- Profiter de tes enfants ?
- Au contraire, si tu es une maman solo, tu as sans doute besoin de t’échapper quelques heures, et le cadeau dont tu as besoin, c’est justement de pouvoir confier tes enfants à tes parents ?
- Lire tous ces romans qui prennent la poussière sur ta commode ?
Trouverais-tu illégitime que ta soeur, tes parents, tes proches, te fassent part d’un besoin analogue ? Ce que tu accepterais de tes proches, accorde-le toi.
Poser des limites
Peut-être que Noël est, chez toi, un marathon-relais parce que tout le monde veut sa part du gâteau (le gâteau étant, dans ce cas, les petits-enfants). Peut-être que comme chez moi, tu vis en famille recomposée avec des grands-parents divorcés aussi. Alors, il te faudra sans doute poser des limites :
« Il ne nous est pas possible de passer le réveillon du 24 chez Papa, la journée du 25 chez Maman et le 26 chez Mamie. Cela nous fait trop de route, trop de fatigue. Cette année, nous décidons de…. »
Car oui, ça se saurait, si comme le père Noël, tu pouvais faire le tour du monde en 24h !
Et si c’est trop dur ?
Peut-être que pour toi, c’est trop difficile et trop confrontant de parler de tes besoins, que tu n’oseras pas. Ou peut-être que c’est un point de crispation entre toi et ton conjoint, surtout si le sujet concerne l’une de vos familles. Et peut-être que tu iras fêter Noël en serrant les dents et les fesses à la fois. Peut-être que ton beau-père sera odieux comme tous les ans. Peut-être que vous n’oserez pas le rembarrer, peut-être que c’est trop dur émotionnellement de vivre un affrontement pour l’instant, peut-être que cela ne fera qu’envenimer la situation, peut-être que ce n’est pas du tout le moment, et ce n’est pas grave. Sois douce avec toi-même.
Ecris ! Sans mettre à la poste ?
Dans ce cas, il te reste une possibilité : écris une lettre. Une lettre dans laquelle tu vas “balancer” tout ce que tu penses, sans filtre. Une lettre dans laquelle tu videras le gros sac qui pèse sur ton cœur, y compris les insultes que tu gardes coincées entre tes molaires. Dans cette lettre, tu pourras dire tout ce qui t’as blessée, année après année. Tout ce que tu as refoulé. Tu pourras même y dire ce que tu souhaites :
- Je ne voudrais plus te voir pour telle ou telle raison…
- Je n’ai plus envie de passer de fête avec toi.
- Cela me fait du mal.
- Je me sens infantilisée avec toi, je ne peux pas être moi-même.
Parle toute seule !
Je vais te raconter un petit secret dont je me vante peu en général : quand j’en ai gros sur le cœur, je parle toute seule dans ma voiture. Je m’en fous, maintenant tout le monde a le bluetooth et gesticule dans sa voiture la bouche ouverte, donc je fais croire que moi aussi je l’ai et je parle toute seule. Je répète mes arguments, je construis mon raisonnement, j’essaye des inflexions de voix, je mets des mots sur mon malaise. Parfois, quand j’ai besoin d’aller plus loin, j’écris. Je m’autorise toutes les fantaisies, jusqu’aux tournures de phrase les plus théâtrales. Je me lâche totalement (en gardant un oeil sur la route, quand même).
Et après, je me sens mieux. Je ne vais pas forcément plus loin dans la vraie vie. Je n’éprouve pas toujours le besoin de redire en vrai tous ces mots à la personne à laquelle je les destine. Mais cela me donne ensuite une assurance face à elle, un calme que je n’aurais pas sans ce petit exercice. Et une fois, cela m’a même servi à oser m’engueuler, pour de vrai. À dire haut et fort ce que je pensais. Ces mots que mon tableau de bord avait entendus tant de fois, je les ai adressés à la personne concernée.
Et j’ai été très fière de moi. Un peu secouée, mais très fière et presque euphorique.
Alors pour Noël, chère Fabuleuse, offre-toi le droit d’être vraie, de t’affirmer par tous ces petits moyens qui sont à portée de tes mains.