La solitude : un sujet peu traité qui pourtant est délicat pour plusieurs d’entre nous. On peut parfois avoir la sensation que notre conjoint est notre seul ami — et qu’il est loin d’être l’ami idéal ! Développer des amitiés hors du couple : pourquoi est-ce primordial à notre époque ? Éléments de réponse avec Yolande Ziegler-Schwab, pyschopraticienne et coach de vie.
Hélène Bonhomme : d’où vient notre difficulté à développer des amitiés en dehors du couple ?
Yolande Ziegler-Schwab : Plutôt que de répondre directement à cette question, prenons un peu de recul et considérons les récents changements de société qui ont influencé nos vies de couple dans les dernières décennies. Depuis l’Antiquité jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, le mariage ou la vie de couple étaient arrangés, essentiellement pour des raisons de lignage ou d’héritage, c’est-à-dire pour des raisons économiques. En Occident, ce sont Rousseau et les romantiques qui ont fait entrer les sentiments dans le nid conjugal. Les années 1950 ont consacré le mariage d’amour : à l’échelle de l’humanité, il n’est donc pas si vieux que ça !
En quoi cette transition du mariage arrangé vers le mariage d’amour change la donne dans notre conception du couple et de l’amitié ?
Ces 70 dernières années, nous sommes entrés dans une période de liberté et d’individualisme sans précédent, avec des transformations sociales et culturelles majeures : émancipation des femmes, marché de la pilule, émergence des mouvements homosexuels… Pour la génération de nos grands-parents, de nombreux éléments ont pu entraver la liberté et en particulier celle des femmes : la famille élargie, la communauté, la religion… pourtant, ces éléments offraient en retour une notion qui se fait rare aujourd’hui : le sentiment d’appartenance.
Ce dont nous manquons aujourd’hui, c’est de ce sentiment d’appartenance ?
Oui, ce sentiment d’appartenance nous manque, d’autant plus que nous sommes assaillis par le stress de la vie moderne qui nous rend anxieux. Le problème, c’est que nous avons reporté cette anxiété diffuse sur nos relations amoureuses. Nous attendons désormais de notre partenaire qu’il soit le remède universel contre toutes les difficultés de la vie moderne. Avant, le mariage devait assurer la sécurité économique… Aujourd’hui, le mariage doit avant tout assurer la sécurité émotionnelle. Et ce n’est pas le même contrat ! Ce sentiment d’appartenance que tout un village pouvait nous fournir, nous demandons désormais à une seule personne de nous le donner : notre conjoint.
Nous avons donc tendance à avoir de trop grandes attentes vis-à-vis de notre conjoint…
Oui… nous voulons tout et son contraire ! Nous voulons un compagnon de route, un bon père pour nos enfants, un ami, un confident, un homme à l’écoute, sensible, et auprès de qui nous nous sentons en sécurité… Et en même temps nous voulons qu’il soit solide (pas trop sensible quand même), qu’il soit capable d’emmener de la nouveauté et de l’aventure (surtout pas de routine !), qu’il soit un amant passionné, qu’il garde un peu de mystère… En soi, ces attentes ne sont pas “mauvaises” mais il est important de prendre conscience qu’elles sont parfois contradictoires… qu’on ne peut pas tout avoir, tout le temps !
Comment faire pour équilibrer des attentes trop fortes vis-à-vis de notre conjoint ?
Je crois qu’il est primordial d’avoir un réseau relationnel et d’en prendre soin. Pour moi, c’est un concept assez vaste : les amis d’enfance, les copines du sport, les amis de l’association qu’on fréquente, les autres mamans qu’on rencontre à la sortie de l’école, le groupe des fabuleuses… Tout cela bien sûr, sans désinvestir son couple pour autant 🙂 En tout cas, en prenant conscience de l’importance de ne pas tout attendre du conjoint, qui ne peut tout simplement pas combler tous nos besoins émotionnels.