En écrivant cet article, j’ai envie de vous accueillir chez moi en pyjama.
Tu sais, le truc que tu portes parce qu’il te ressemble, parce que malgré les trous il est devenu hyper agréable.
Les pièces de tissu que tu enfiles le soir en gémissant de plaisir parce que simplement maintenant tu peux te poser, te reposer. Si mon mari a horreur de traîner en pyjama, moi j’aime bien.
Je me promène le samedi matin avec le pantalon d’Obélix et un vieux pull qui me fait penser à la serpillère, euh non, au gilet que Thérèse a tricoté pour son collègue Pierre dans Le Père Noël est une ordure (Ok d’accord, c’est tout sauf sexy).
Mais puis-je oser vous montrer une face de moi dont je ne me vante pas trop ?
Et pourquoi pas ?
En fait, je n’ai trouvé qu’une seule raison valable de le faire mais elle me suffit entièrement : j’aurais aimé lire un article comme ça, il y a 2 ans quand tout a basculé, peut-être qu’il m’aurait donné le courage de réagir plus vite.
On est en janvier 2014. J’ai 35 ans, 3 enfants, un mari fort occupé… un mari pasteur en plus. Moi, je suis principalement femme au foyer, un brin psychologue indépendante, un peu auteure, un peu créa, un peu chaos, très peu ménagère et surtout BEAUCOUP MAMAN.
Nous venions de survivre à un déménagement et à la finalisation officielle de l’adoption de notre petite dernière. Enfin ! Enfin, rien ne pouvait plus nous arriver, cet enfant était bel et bien le nôtre !
Après presque 5 ans de démarches, de réflexion, de rendez-vous à se tenir à carreaux… cette petite fille de 2 ans et demi avait un nouveau certificat de naissance, plus de tuteur légal, plus de visite de contrôle, pour toujours nous étions devenus ses parents. Alors, la pression est descendue d’un seul coup et là, wow : j’ai rencontré la FATIGUE avec un grand F, celle que je n’avais même pas vu venir mais que j’avais accumulé en stoemelings (=sans parler) depuis des années.
Tu la vois, la fabuleuse au foyer ? Tu la vois ? Celle qui veut toujours être de bonne humeur (sauf à la maison) et qui veut solutionner tous les problèmes du monde entier et plus encore ?
Et bien, en janvier 2014, elle est allongée sur son lit à côté de son petit bout qui fait la sieste… et tous les jours, elle se dit:
« Je ne vais jamais réussir à me relever, ils vont retrouver mon cadavre sur mon lit et titrer dans le journal local ‘Femme de pasteur retrouvée morte de fatigue sur son lit’ ».
Vous rigolez ? Moi aussi!
En tant que psychologue, je l’aurais senti venir chez n’importe qui mais…
Mais moi, je voulais être au-dessus de tout cela, repousser mes limites. En 2012, on avait accueilli Pia et j’avais gardé le même rythme de vie qu’avant. Je voulais prouver au monde entier qu’adopter un enfant différent n’était pas un acte héroïque, que la vie continuait.
Et c’est la vérité ! J’avais juste omis que passer de deux enfants à trois enfants du jour au lendemain ça demande de s’adapter un peu.
Alors voilà, au fond, je gérais le quotidien assez bien. Mais j’avais des attentes démesurées envers moi-même. J’ai simplement rajouté au quotidien déjà bien rempli quelques nouvelles tâches :
- nourrir la petite,
- changer les couches,
- faire encore plus de lessives…
Il n’y a pas eu de catastrophe, le système n’a pas explosé, on a super bien géré en famille et nous étions tous heureux.
Mais, parce qu’il y a un mais :
(Ahahah, vous me direz). Je m’étais dit qu’avec l’adoption, les gens comprendraient que : Je pourrai moins être présente, moins aider, vu mes 3 enfants. Eh bien non, c’était pompon, l’inverse est arrivé.
Il y a eu ces regards des gens qui t’admirent parce que tu as eu « le courage de… », les personnes qui te parlent de leur souffrance, de leurs problèmes, les vrais, parce que toi tu sembles « avoir compris… ».
Même les vendeuses dans les magasins, même les inconnues à l’aire de jeux, j’ai eu droit à toutes les histoires de fausses couches, diagnostics de cancer des nièces, etc… Comme si sur ma tête, j’avais placé un panneau sur lequel était écrit : « Raconte-moi ta vie, mais s’il te plaît, seulement le pire de ce qui t’est arrivé ».
Combiné avec mon attente personnelle de pouvoir tout écouter et d’aider tout le monde et mon incapacité à dire non clairement et sans culpabilité, j’avais l’impression de passer sous un rouleau compresseur dont j’étais moi-même la conductrice.
Forcément à un moment donné, ton système commence à fissurer.
J’ai eu de moins en moins d’air, de plus en plus de culpabilité et cette énorme angoisse de ne pas gérer, de n’être personne, de n’être qu’une façade. Tu vois, le problème ce n’était pas Pia, ni le travail de mon mari, ni encore mon travail à moi… là où ça bloquait c’était la manière dont moi je me traitais, je ne priorisais pas mes besoins. Et les domaines qui me nourrissaient le plus (comme la lecture, les balades seules, le sommeil et surtout « l’insouciance et la légèreté enfantines ») manquaient de plus en plus à l’appel.
Bref, je roulais, pied au plancher, directement et indéniablement vers un mur.
« Attention, cette maman s’auto-détruira dans un instant. »
J’ai tenu, jour pour jour, avec des hauts et des bas, et puis d’un coup, j’ai touché la limite. Cette ligne qui te dit « STOP MAINTENANT, STOP ». Je me réveillais plusieurs fois chaque nuit en paniquant, j’essayais de résoudre ma to-do-list à 4 heures du matin… et pendant la journée, j’étais dans le gaz, à courir dans tous les sens comme une poule sans tête.
Alors tu vois, quand tout commence à foutre le camp, tu t’accroches à ce que tu sais. Moi, la psy je me suis dit :
« Je vais m’en sortir, tout va bien et surtout, je n’ai ni besoin de médicaments ni de thérapie… tout mais pas ça ! ».
Alors, j’ai ramé avec les mains dans un océan de fatigue, de reproches, de stress,…. Puis un jour mon mari est rentré, me trouvant méga angoissée, à de nouveau me faire des reproches « Je ne suis ni une bonne mère, ni une bonne épouse, ni une bonne psy, ni une bonne… bref, je suis un fake».
Alors il m’a donné le téléphone et m’a dit : « Maintenant, tu appelles notre ami médecin et tu lui demandes quelque chose pour diminuer l’angoisse ».
Il m’a fallu:
- 8 mois entre janvier et ce coup de fil
- 8 mois pour trouver et appeler une thérapeute.
- 8 mois pour dire « Euh là en fait je ne m’en sors plus et mon entourage en souffre »…
- 8 mois pour m’asseoir dans ce petit bureau, dans une maison au milieu de la Forêt noire… pour oser tout dire (et espérer qu’elle ne me dise pas que mon cas est perdu),
- 8 mois pour payer un rendez-vous pour prendre soin de moi…
- 8 mois pour oser m’avouer que je ne pouvais pas tout résoudre sans aide.
Et après le premier rendez-vous chez cette thérapeute, je me suis assise chez ma doctoresse et je lui ai demandé des anti-dépresseurs. Je lui ai même dit, en pleurs :
« Mais ne vous en faites pas, je vais bien »… elle m’a fait les gros yeux et elle m’a dit : « Eh bien non, justement, vous n’allez pas bien. »
Après 3 semaines, les anti-dépresseurs m’ont beaucoup aidée, les nuits sont redevenues normales, j’ai pu arrêter les anxiolytiques et après 5 semaines, je récupérais enfin plus de punch, de quoi m’attaquer à ma pelote de nœuds émotionnels.
J’en avais bien besoin, de cette thérapie et de ces psychotropes.
Vraiment !
Ça fait un an et demi que je vois ma thérapeute, on a fait beaucoup de chemin ensemble. Comme on dit : « un bon bout de chemin ». Elle m’a vue dans tous mes états : entre rires, larmes, angoisses, chaos, fierté,… et les silences (qui en disent toujours plus que les mots chez moi).
Elle me pose les questions que j’essaye d’éviter, ne me laisse pas passer mes émotions sous silence et me reflète mes besoins.
Ce n’est pas mon amie, je n’ai pas besoin de prendre soin d’elle, je ne dois pas la ménager quand je parle et elle sait relativiser les extrêmes.
Du coin de l’œil, elle interroge, du bout des doigts, elle touche la plaie, et avec son sourire, elle m’encourage.
Durant ces 2 années, j’ai appris (ou disons, j’apprends encore) :
- à réfléchir à mes besoins et à mes buts,
- à surfer sur les vagues de mes hauts et bas émotionnels qui font partie de mon fonctionnement,
- à mettre un peu d’ordre dans mes pensées,
- à écouter mes émotions (surtout quand j’essaye de les nier),
- à respecter mon corps et mon coeur,
- à chercher mes limites, à les exprimer et à les faire respecter…
Bref, ma thérapeute c’est un peu comme mon Yoda personnel, elle m’aide à me trouver, me retrouver et « la force qui est en moi utiliser ».
Peut-être que ça te touche de lire ces lignes.
Peut-être que toi aussi tu devrais te trouver une thérapeute.
Peut-être que chez toi aussi tout fait mal la nuit quand tes enfants dorment et que tu es seule face à toi-même, tes exigences, tes attentes, tes angoisses.
Peut-être que tu craques mais que tu serres encore vachement bien les dents.
Peut-être que tu vas juste bien… alors tant mieux !
Mais sinon, ma chère fabuleuse, écoute-moi un instant, lève la tête, pose tes pieds bien à plat sur le sol, prends une position de superwoman (épaules droites, les poings posés sur le hanches) et inspire à tout faire péter : fais-toi grande !
Et puis ose faire un pas de souris pour toi. Un petit pas mais juste pour toi et puis un autre, et puis un autre.
Tu sais, je n’ai pas regretté d’avoir demandé de l’aide, je crois que je regrette plutôt d’avoir mis tant d’années à comprendre qu’avoir des limites c’est fabuleux aussi, c’est humain et ce n’est pas grave du tout.
Ose s’il te plaît, ose aussi, si tu roules vers un mur à fond de balle, freine, please, freine !
Rebecca,
Fabuleusement vôtre… quoi qu’il en soit (et même en pyjama)!
PS : tu veux savoir la meilleure ? En apprenant à dire non et à reconnaître mes limites, j’ai commencé à avoir du temps pour redevenir la créa que j’ai toujours été. Je lis, je dessine, j’écris et je fais des photos, tout plein, juste pour le plaisir de l’ici et maintenant.
C’est tout le bien que je te souhaite à toi qui me lis : te lever en ton nom propre, t’apprécier et oser vivre ta vie !