Toutes mes affaires sont prêtes. Je ferme la porte à clé, glisse cette dernière dans une petite poche de ma valise sur laquelle j’installe mon accordéon. Et là, je savoure. Devant moi, la rue a une autre couleur, comme si mon quotidien avait brusquement changé.
Je passe devant mon voisin l’épicier, il me salue par la vitre. Il sait où je vais sans même que je lui dise : il prend beaucoup de plaisir à suivre les pérégrinations de la troupe sur les réseaux sociaux 🙂 Il doit bien l’apercevoir, mon sourire. Ce n’est pas le même que d’habitude.
Ce sourire-là a un goût d’aventure et de liberté.
Je monte dans le train, parcourant les kilomètres qui me séparent du reste de la troupe. Comme j’ai hâte de les retrouver ! Je profite de ces instants de calme pour laisser mes pensées vagabonder au fil des paysages, au son de la musique qui résonne dans mes oreilles.
Une fois arrivée, tout s’enchaîne très vite : répétition, mise en place, habillage et maquillage, montée sur scène. Puis rangement, discussions, débriefing et… retour à la maison.
Ce retour que je redoute, souvent.
Les dernières minutes de train me semblent toujours être les plus longues. Dans ma tête, les pensées s’entrechoquent : saveur de ces dernières minutes de calme seule face à moi-même et impatience de revoir le visage de ceux que mon coeur chérit tendrement, de les serrer tout contre moi. J’ai la sensation de ne jamais me sentir prête à les retrouver. Je redoute toujours que la transition soit trop brutale.
Elle l’est, presque à chaque fois. Il y a si peu de lien entre ma vie de scène et ma vie de famille !
Le seul lien, c’est ma personne. Moi.
Moi, dont l’identité se plaît autant dans l’un que dans l’autre. Dur dur de ne pas me perdre entre ces deux vies, de savoir avec quel fil lier ce qui semble tant s’opposer ! Et si…
Et si, justement, je n’avais pas besoin de les lier ?
Et si j’avançais, simplement, restant pleinement moi-même dans ces deux “opposés” ? Ma vie de troubadour met chaque fois un peu plus de pétillant et d’aventure en moi. Ma vie de maman y met plus de tendresse et de bienveillance.
L’une enrichit l’autre. Les deux façonnent peu à peu la personne que je suis, moi, Floriane : une personne entière, qui s’efforce d’être authentique, où qu’elle soit. En étant à l’écoute de mes émotions et de ce qu’elles me transmettent pour rebondir et avancer.
Tel un funambule
Certes, je marche sur un fil tendu entre deux belles montagnes, tel un funambule cherchant constamment l’équilibre. Mais un mètre plus bas se tient un filet bien solide. La chute ne me tuera pas, elle me fera rebondir pour rattraper le fil et remonter avec encore plus d’assurance.
De là-haut, entre les deux montagnes, la vue est splendide. Elle me procure une sorte de recul, un autre regard sur mes deux vies qui – chacune à sa manière – m’enrichissent.
Finalement, j’ai beaucoup de chance.
Cette prise de conscience fait l’effet d’un baume sur mon coeur ; un baume que je garde précieusement pour les jours où je chute, soudainement, pour les jours où je me prends les pieds dans le filet.
Chères Fabuleuses, et si on prenait un peu de hauteur ?