L’hyperparent, ou le parent (beaucoup trop) investi - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

L’hyperparent, ou le parent (beaucoup trop) investi

maman et son enfant
Myriam Oliviéro 25 octobre 2023
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Je sais que je m’adresse à des femmes qui traînent avec elles, pour beaucoup, une culpabilité parasitante, une tendance à l’autoflagellation réflexe, un syndrome chronique du « jamais assez ». 

Si quelque chose ne fonctionne pas dans la maison, c’est forcément de ta faute.

Si ton enfant jette des cailloux sur le toboggan, alors que c’est formellement interdit par le règlement du parc — enfin, moi, je ne l’ai jamais vu nulle part, mais j’ai supposé qu’il y en avait un —, c’est que tu ne sais pas lui apprendre à être adapté en toutes circonstances. Si ce même bambin réclame, avec les cordes vocales branchées sur un ampli de 1500 watts, des chewing-gums à la fraise à chaque passage à la caisse du supermarché, c’est que tu l’as trop habitué à manger des sucreries. S’il ne dit pas « s’il te plait » ni « merci », tu décroches le pompon de la mère qui n’est pas capable d’enseigner les bonnes manières à ses rejetons.

Mais au fait, comment ça marche, un enfant ?

Je ne sais pas toi, mais moi, je n’ai toujours pas reçu le mode d’emploi, même pas en suédois. Par contre, j’ai su tout de suite m’accuser de tous les torts et les travers de ma progéniture, encouragée bien souvent dans ce sens par quelques regards accusateurs plus ou moins appuyés, ou tout simplement par la comparaison que j’appliquais entre mes loustics et les autres, forcément mieux peignés. Parce que, comme tout le monde le sait, les autres s’en sortent toujours mieux. Ou alors, c’était juste dans la série « La fête à la maison », je ne sais plus.

Par conséquent, étant donné que j’étais la seule responsable du bonheur passé, présent, futur, et au-delà, de mes enfants,

je devais m’investir corps et âme dans leur éducation. 

Sauf que ça ne suffit pas : si l’on se laisse entraîner par les sirènes de la parentalité bienveillante, version extrémiste on s’entend, il faut aussi être « le parent zen, le parent supertolérant et le parent hypercommunicant ». C’est ce qu’on appelle l’hyperparent. Selon un dossier dédié à ce sujet dans le numéro 157 du magazine Cerveau & Psycho, ce parent-là veut tout faire parfaitement pour son enfant. Le terme « parfait » fait tilt chez toute Fabuleuse initiée : on a bien essayé de l’atteindre, toi et moi, la perfection, mais sans jamais y parvenir, et à un moment donné, on a accepté l’idée qu’en fait, elle était tout bonnement inaccessible. Révélation ô combien libératrice !

Se consacrer à son enfant, c’est très bien…

…mais comme dans tout, c’est l’excès, et surtout une intention de départ mal positionnée — au hasard, le besoin de réparer son enfant intérieur —, qui peut être contreproductif. L’attention extrême peut en effet virer au désir de contrôle sur son enfant, l’empêcher de trouver son autonomie… et c’est pas ça qu’on veut, au fond.

L’hyperparent, en voulant faire bien, se met en réalité une pression qu’il ne parvient pas lui-même à supporter à terme.

D’ailleurs, son modèle n’existe pas dans la vraie vie, il s’agit davantage d’un « parent théorique peu en phase avec la réalité vécue, sorte d’idéal inaccessible auquel certains parents ont pourtant cru devoir se conformer, au risque d’endurer une pression énorme et une culpabilité écrasante chaque fois qu’ils s’éloignaient de ces préceptes sacro-saints ».

Trois postures ont été identifiées par les spécialistes de la pédagogie familiale : 

  • Le « parent hélicoptère » toujours dans le « ciel » de son enfant, veillant sur lui d’un œil ouvert non stop, pour sa sécurité évidemment. 
  • Le « parent drone » n’a qu’une quête : offrir le meilleur à son enfant. 
  • Le « parent curling » : à l’instar de cette discipline olympique dans laquelle les sportifs balaient frénétiquement la glace pour faire avancer le palet, ce type de parent « s’applique à contrôler la trajectoire future de son enfant en évacuant notamment tous les obstacles qui se présentent à lui ». 

Est-ce que tu retrouves dans l’une de ces figures, chère Fabuleuse ? En ce qui me concerne, j’ai fait le test :

j’aurais a priori une petite tendance « parent curling ».

Je laisse mes garçons faire du vélo tout seuls et se débrouiller s’ils veulent grimper dans un arbre, en les surveillant quand même un minimum, mais quand il s’agit du suivi de la scolarité, je suis beaucoup moins cool. Je sors le cahier de textes dès qu’ils arrivent à la maison, je vais à presque toutes les réunions et j’ai même été déléguée des parents d’élèves pendant quelques années. J’ai arrêté quand je me suis rendu compte que ça faisait trop dans mon emploi du temps. Je parle de la FCPE, mais pas du reste — pas tout à la fois, hein. Dans l’ensemble, je ne le vis pas trop mal, et j’essaie de ne pas être trop « relou » avec mes gars.

L’hyperparentalité, ce n’est pas « mal », sauf si on s’en rend littéralement malade. 

C’est en effet sur ce « trop » ressenti qu’on peut mesurer le basculement entre ce qui est acceptable, par le parent notamment, mais aussi l’enfant par voie de conséquence. L’auteur de l’article écrit : « On ne parlera d’hyperparentalité problématique, qui peut amener au burn-out, que dans la mesure où elle est éprouvée comme telle par un des acteurs (parent ou enfant) de l’acte éducatif. »

Comment reconnaître ce trop ? Certains signes ne trompent pas : l’épuisement, la culpabilité de ne pas en faire assez, de ne pas arriver à atteindre l’idéal qu’on s’est fixé, la perte de la sérénité, les batteries à plat, l’incapacité à s’occuper de son propre bonheur…

La bonne nouvelle, c’est qu’on peut en sortir, ou l’éviter.

Cela demande quelques ajustements, bien sûr, sur la conception qu’on a de l’image du parent. Qu’on ait eu ou pas des parents merveilleux, on se construit tous un modèle de ce qu’on voudrait être. Encore une fois, ce n’est pas une mauvaise chose en soi, au contraire, c’est comme cela qu’on se détache du modèle familial, en gardant certaines choses, en en laissant d’autres, pour évoluer vers ce qu’on décide de bâtir en tant qu’adulte.

En théorie, c’est simple : il faut simplement s’éloigner d’un perfectionnisme toxique qui nous fait croire qu’on peut être un parent parfait et avoir des enfants parfaits, pour se rapprocher de ce que Donald Winnicott, pédiatre et psychanalyste, a nommé le parent « suffisamment bon » et « apte à faillir » parce que c’est « précisément dans ces failles que l’enfant parviendra le mieux à se construire en acceptant lui-même sa propre imperfection ». C’est aussi revoir l’idée qu’on s’est faite du bonheur, de la réussite : la sienne et celle de son enfant.

« L’hyperbonheur n’existe pas, avec ou sans hyperparents ! »

En pratique, cela peut prendre du temps et être laborieux. Il va peut-être falloir creuser dans ses propres failles et les causes profondes de l’anxiété qui surgit à la moindre occasion… Pour se sentir suffisamment fort et capable de lâcher son illusion de contrôle, un soutien extérieur peut être bienvenu, voire nécessaire. Un ami, un professionnel, une ligne d’écoute : des solutions existent et fonctionnent !

Chère Fabuleuse, tu n’es pas parfaite, tu n’as besoin de l’être et ton enfant non plus.

Tu es comme chaque être humain sur terre : tu grandis, tu te trompes, tu changes, tu réussis… Ce qui est sûr, c’est que tu es la meilleure maman qui soit pour ton enfant. Eh oui, même quand tu te plantes, quand tu déçois, quand tu cries, quand tu pleures. Mais si tu poses un regard honnête sur toi-même, tu sauras reconnaître que tu déchires, tu épates, tu ris, tu rayonnes aussi. C’est tout ça qui fait de toi une Fabuleuse unique et, je te le souhaite de tout cœur, fière de l’être.

Point de mode d’emploi donc, même en suédois, mais de l’apprentissage accompagné de pardon. Encore et encore. Ah oui, et une bonne dose de douceur envers soi, b*rdel.



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Cet article a été écrit par :
Myriam Oliviéro

Infirmière de formation et diplômée en médecine tropicale, Myriam s’est orientée vers l’action médico-sociale auprès des publics démunis. Après un séjour de 2 ans en Afrique de l’Ouest, elle s’est investie en France dans différentes associations.

Mariée à un Fabuleux infirmier et pianiste avec qui elle a 2 garçons, elle a rejoint cette année l’équipe des Fabuleuses en tant qu’assistante de rédaction.

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