J’aime mon métier. « Mais enfin, tu te coltines la merde des gens ! », me dit une amie. Oui, on peut voir les choses ainsi. Ces femmes que je reçois arrivent avec leurs peurs, leurs doutes, leurs blessures, oui, mais elles sont aussi, au fond de leur fragilité, emplie d’un désir de changement. Alors oui, on retrousse nos manches ensemble et on met nos mains dans le cambouis.
Oui, c’est éprouvant pour elles.
Et oui, cela demande de l’énergie et une certaine discipline de mon côté. Car si le fait d’aider d’autres à vivre mieux est une source permanente de motivation pour la psychologue que je suis, elle n’est pas le signe d’une résistance à toute épreuve ou d’une perfection innée qui ferait de moi une magicienne.
J’ai reçu un message qui m’a touchée dernièrement. C’était en octobre dernier, lors de l’annonce du reconfinement. J’avais écrit à mes abonnées une lettre qui se voulait une lettre de soutien pour vivre ce nouveau confinement.
Parmi les réponses que j’ai reçues, l’une d’entre elles m’a intriguée.
Elle disait en somme : « Je vous écris car je vous ai trouvé d’humeur plus sombre dans votre dernière newsletter, et je voulais vous dire que je ne suis pas d’accord avec telle phrase que j’ai lue dans votre message ». S’en est suivi un échange de message touchants entre elle et moi. Il est vrai que ce reconfinement m’avait plombée, et elle a senti cela dans ma lettre.
On n’aime pas voir son psy fragilisé.
On aimerait qu’il soit solide comme le tronc d’une chêne deux fois centenaire. On a envie de croire à l’existence de gens qui vont toujours bien, qui sont toujours à l’écoute, qui ne flanchent jamais, sur qui l’on peut s’appuyer n’importe quand et qui ont une réponse à toutes nos questions.
Si voir dans son psy un ersatz de parent idéal peut avoir son utilité à un moment de la relation entre le patient et le thérapeute, ça reste une projection ponctuelle, et non une vérité.
Une vérité qui signifierait qu’il existe une science capable de répondre à tout, possédée par un petit nombre de gens qui seraient des surhommes et des surfemmes. Toujours zen, toujours disponibles, toujours souriants.
Mais ça n’existe pas !
Oui, un bon psy est formé pour être capable d’écouter son patient en mettant de côté ses propres états d’âme. Certes en tant que psy, on développe une sensibilité particulière à l’autre, un sens de l’écoute et une empathie très appréciés.
Mais un psy reste un humain qui vit comme les autres humains, des hauts, des bas, des joies, des angoisses.
« Ah bon, tu as craqué pendant le déconfinement ? » Oui, j’ai été épuisée à ce moment-là. Oui, il m’arrive de perdre patience avec mes enfants, oui, je suis capable de grandes maladresses avec mes amies ou avec mon mari.
« D’accord, me direz-vous, les psys ne sont pas parfaits. Mais j’attends quand même de mon psy qu’il soit exemplaire ! »
Alors, qu’est-ce qui fait un psy exemplaire ?
Ce qui fait un professionnel de l’accompagnement exemplaire à mon sens, c’est, en plus de sa formation et de son sérieux, le fait qu’il soit conscient de ses propres aspérités, à l’écoute de ses besoins, capable de se régénérer.
C’est aussi et surtout son aptitude à continuer sa quête vers une meilleure connaissance de lui, à mettre son travail en question, à ne jamais cesser de réfléchir, se questionner, cheminer.