Les mamans suisses subissent-elles une pression particulière ? - Fabuleuses Au Foyer
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Les mamans suisses subissent-elles une pression particulière ?

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Agathe Portail 2 février 2023
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Le succès des Fabuleuses en Suisse interpelle l’équipe depuis un certain temps. Pourquoi les mamans suisses sont-elles si nombreuses à se tourner vers les Fabuleuses ? Expérimentent-elles une pression supplémentaire par rapport à ce que d’autres vivent ? Pour répondre à cette interrogation, nous avons contacté Marion, puéricultrice française vivant à Genève. Elle a travaillé en PMI auprès de mamans parfois très démunies, il lui est déjà arrivé de faire face à des situations difficiles qui nécessitaient le placement des enfants et elle connaît en profondeur ce qui se cache derrière les portes closes des familles. Aujourd’hui, elle est installée en cabinet et sa mission principale consiste à assister les différents médecins (généralistes, pédiatres, psychiatres).

Les Fabuleuses rencontrent un écho particulièrement fort en Suisse. Est-ce que tu trouves que la maternité y est vécue différemment d’en France ?

Oui ! En tout cas à Genève, où les conditions de vie sont particulières : 41 % de la population genevoise est expatriée. Les familles sont loin, le coût de la vie est extrêmement élevé (notamment les loyers) et les places en crèches sont très difficiles à obtenir. La loi prévoit un temps hebdomadaire de travail de 42 heures par semaine avec 4 semaines de vacances annuelles. Les conditions pour devenir parents ne sont donc pas très favorables et très peu de familles font le choix d’avoir plus de deux enfants.

Dirais-tu que la pression sur les mères en Suisse est plus forte/différente qu’en France ?

Étant données les conditions évoquées plus haut, la pression est en effet très forte. Genève est une ville où l’on vient pour faire carrière. Les mères ont, comme en France, une double injonction à affronter : gérer une carrière brillante en même temps qu’elles sont mères, sachant que leur conjoint est probablement très investi lui aussi dans sa vie professionnelle et passe peu de temps à la maison. Je ne sais pas si c’est « pire » qu’ailleurs mais je constate à quel point c’est lourd à porter, surtout en l’absence de relais familial. Il est frappant d’observer, dans les parcs, des nuées d’enfants accompagnés de leur « nanny ». 

À tes yeux, qu’est-ce qui est actuellement le plus difficile pour les mères en Suisse ?

Je crois que le plus difficile c’est l’isolement. Qu’il soit subi (séparation géographique) ou volontaire, je trouve que les mères sont souvent démunies face à leur doute, leur peine, leur fatigue. Là où les générations précédentes se tournaient volontiers vers leur cercle proche (famille ou amis) pour obtenir soutien et réponse, nous allons maintenant voir des professionnels ou surfons sur internet pour obtenir ce que nous cherchons. Ces « sources d’information » ne répondent pas au besoin de compassion et d’amour qui naît dans certains moments de vulnérabilité. Je ne suis pas sûre que cela soit inhérent à la Suisse. Peut-être est-ce simplement une évolution de la société…   

L’autre aspect qui me semble compliqué à gérer, sans être nécessairement spécifique aux mamans suisses, c’est la course effrénée permanente. Si vous vous postez à 18 heures devant la porte de la crèche, vous verrez des parents débraillés, échevelés, qui courent pour retenir la porte de l’ascenseur et récupérer leur progéniture avant le gong. Les parents sont la tête dans le guidon, comme des pompiers qui courent derrière les feux pour parer au plus urgent sans avoir le temps de se poser. Il leur faut jongler entre le boulot, les rendez-vous pour les enfants, les modes de gardes parfois chaotiques et l’absence (bien souvent) de relais. 

En France, la situation des infirmières et des professionnels de santé est particulièrement compliquée. Est-ce le cas en Suisse également ?

La situation est beaucoup plus vivable en Suisse. Les conditions de travail sont plus agréables, avec moins de patients à charge, ce qui permet de prendre le temps de la relation, tellement central dans notre métier. Mon expérience vaut ce qu’elle vaut, mais je trouve aussi que les relations avec les employeurs et la hiérarchie en général sont plus saines.

Quoi qu’il en soit, le métier même d’une infirmière comporte son lot de difficultés : des horaires irréguliers, la nécessité de donner de soi et une confrontation à la souffrance humaine, qui est la même partout…

Quel message voudrais-tu adresser aux mamans qui lisent ces lignes ?

Qu’être mère est un sublime chemin mais qu’il est parfois tortueux. Que les orages passent toujours pour laisser la place au beau temps. Que la perfection n’est vraiment pas un but à atteindre et qu’il faut oser demander de l’aide. La famille, les amis et les professionnels sont présents pour ça.

Si les mamans qui lisent ce texte vivent en Suisse, je les invite à ne pas se priver du soutien proposé par l’une des nombreuses associations qui soutiennent les mères (Super-maman, Chaperon rouge, autres lieux d’accueil parents/enfants..). Ce n’est pas une marque de faiblesse d’y faire appel. Au contraire, c’est une preuve de courage que de dire « j’ai besoin d’aide ».

As-tu un rituel pour te délester de ce que tu vis en journée avant de retrouver tes enfants ?

Je vais les chercher à vélo qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige. Ce sont quelques minutes salutaires ! 



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quand maman va tout va

Cet article a été écrit par :
Agathe Portail

Maman de 4 enfants (très) rapprochés et girondine d’adoption, Agathe Portail écrit des romans adultes édités chez Actes Sud, Calmann Levy et J'ai lu, mais aussi des romans historico-fantastiques édités par Emmanuel Jeunesse.

https://www.fnac.com/ia9173370/Agathe-Portail

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