Cet après-midi, je décide de m’offrir une promenade en forêt et j’essaye de me connecter à la nature qui m’entoure. Mettre mon cerveau en « mode avion » pour profiter du vol des oiseaux, des écureuils qui passeraient par là, et des arbres. Je les observe. Pratique un peu bizarre quoique ressourçante : je m’arrête pour sentir leur écorce avec mes mains, respirer leur odeur et les enlacer (oui, je sais…!). Et je les regarde.
Je laisse mon regard errer sur leurs troncs et leurs imperfections.
Certains ont des boursouflures : on dirait que leur branche cassée ou arrachée a laissé une cicatrice qui est maintenant pleine de charme.
Oui, les cicatrices des arbres sont belles.
Elles sont toutes différentes : leur forme, la façon dont la plaie semble s’être refermée, on dirait presque un dessin, comme si cet arbre voulait me dire quelque chose.
Je regarde les troncs lisses, je les trouve moins beaux, ils ont moins de charme et ce ne sont pas eux qui m’attirent.
Vous me voyez venir, je pense alors à nos cicatrices à nous… Celles que l’on veut cacher, qui témoignent d’un moment difficile de nos vies, que l’on a envie d’oublier. Je pense à celles qui marquent durablement, pour toujours.
Cette cicatrice me rend-t-elle moins belle ? Est-ce que cela vaut la peine de vouloir la dissimuler, la garder à l’intérieur pour qu’on ne la soupçonne pas ? De mettre sur mon visage le sourire lisse du « tout va si bien, pourquoi se plaindre, même pas mal, moi, tout ça me glisse dessus comme l’eau sur les plumes d’un canard »…
Et si c’était le contraire ?
Si ces cicatrices me rendaient belle, différente des autres, unique ?
En massant ma fille, je me désolais sur toutes les marques que sa terrible varicelle lui a laissées à ses 18 mois. Et elle me dit : « Mais je les aime bien moi ces traces maman, je suis une warrior avec ça ! »
« Ah ? Tu les aimes ! Et bien oui, tu as raison ma chérie, tu as vraiment traversé quelque chose de difficile et tu l’as fait ! »
Les épreuves laissent des marques.
Des marques que l’on n’aime pas forcément. Et pourtant, ces marques ont fait de nous des warriors. Elles nous rendent différentes. Un nouveau dessin apparaît sur nous, qui peut toucher d’autres personnes et qui oui, j’ose le mot, peut nous rendre belles, telle la cicatrice de césarienne de ma maman qui m’a donné la vie et qui a fait d’elle une mère pour la quatrième fois. Comme j’ai envie de l’embrasser, cette cicatrice ! Cette cicatrice qui a fait de ma mère une guerrière !
Regardons nos cicatrices différemment, aimons-les pour ce qu’elles sont, honorons-les.
Nous sommes véritablement des guerrières !
Je caresse de mes mains cette cicatrice sur l’arbre, comme je caresse intérieurement mes propres blessures, celles qui ont cicatrisé mais ont laissé leur marque, et aussi celles qui sont encore en cours de cicatrisation. Pour celles-ci, je m’enveloppe de toute la douceur dont je suis capable. Et je ne veux plus en avoir honte, bien au contraire : elles font de moi une vivante qui a survécu, qui s’est transformée, et qui est unique.
Je n’ai pas fini d’enlacer les arbres, l’autre jour j’ai même dansé avec eux (mais ça, c’est une autre histoire !).
Chère Fabuleuse, continue de pousser jusqu’au ciel, même avec tes cicatrices, même tordue, de travers : tu es belle.
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Eline Landon.