Les températures baissent et la météo devient capricieuse ? Il est grand temps de se mettre sous un plaid, tisane à la main, et de déguster un bon roman ! Comme antidote à la grisaille, voici 5 livres fabuleux que j’ai dévorés récemment.
Hamnet, Maggie O’Farrell
La mort de son jeune fils a inspiré à Shakespeare la tragédie d’« Hamlet » et à l’Irlandaise Maggie O’Farrell, un beau roman. Un jour de l’été 1596, Hamnet, onze ans, mort de la « pestilence », est enterré au cimetière de Stratford-upon-Avon. Il laisse sur terre, inconsolables, sa sœur jumelle Judith, sa sœur aînée Susanna, sa mère Agnes et son père, qui n’est jamais nommé mais dont on sait qu’il n’est autre que William Shakespeare.
Le roman alterne les chapitres consacrés au drame de la mort d’Hamnet et de son enterrement, et ceux des jours heureux, relatant la rencontre d’Agnes et William, la naissance de leur amour, leur vie commune, mise à l’épreuve lorsque l’époux s’installe à Londres pour bâtir sa carrière. La seconde partie, plus linéaire, décrit la vie ou la survie des personnages après ce deuil innommable, et leur résilience en dépit de tout.
L’auteure le précise, ce roman est une fiction, extrapolée à partir des bribes d’informations glanées dans les registres paroissiaux ou les rares documents officiels de l’époque. Une histoire fictive, donc, mais totalement crédible. Mais ce texte n’est pas une biographie romancée de la vie de Shakespeare, ou alors en contrepoint. Le personnage principal n’est pas Hamnet non plus, c’est Agnes, instinctive, lumineuse, entière, amoureuse, mère-louve jusqu’au bout des griffes. Le portrait sublime d’une femme, mais aussi des autres femmes qui occupent les devants de la scène de ce roman : mère, fille, soeur, grand-mère,…
Avec Hamnet, j’ai découvert la plume de Maggie O’Farrell, et je l’ai trouvée d’une beauté à couper le souffle.
Ce qu’il faut de nuit, Laurent Petitmangin
Dans son premier roman, Laurent Petitmangin, dans un style simple mais percutant, montre comment un jeune, dont le destin semblait tracé, peut dévier de sa trajectoire et sa vie basculer sans que rien ne le laisse prévoir.
En Lorraine, un père élève seul ses deux garçons, après la mort de sa femme — la « moman » — emportée par un cancer à l’âge de 44 ans. “Fus” est l’aîné, Gillou, lui n’a que dix ans. Quant au narrateur, le père, il travaille à la SNCF et se rend toujours à la section où il constate tout de même qu’il vient de moins en moins de monde. Avec une très grande sensibilité, beaucoup de finesse et de talent, Laurent Petitmangin décrit comment des destinées d’hommes se construisent et comment des accidents de la vie, des croisements, des rendez-vous manqués, des incompréhensions, des silences, des non-dits, le hasard aussi, souvent, façonnent les individus et les embarquent sur des chemins sur lesquels ils n’auraient jamais dû se retrouver. La relation entre ce père et ses deux fils et celle entre les deux frères relèvent d’une très grande psychologie.
Comme des bêtes, Violaine Bérot
Mariette et son fils, surnommé l’Ours, vivent dans la montagne, à l’écart de toute habitation. L’Ours n’a jamais pu apprendre à lire ni à écrire, et il ne sait même pas parler. Mais c’est une force de la nature et il possède un don.
Ce roman est une pure merveille. Formellement, il est construit avec beaucoup d’originalité de dialogues dont on n’entend jamais qu’une voix, entrecoupés de très brefs poèmes. Ce procédé singulier est parfaitement adapté au sujet : le rejet obtus d’un être différent. Peu à peu le portrait de l’Ours et de sa mère se réalise, par la juxtaposition de toutes les voix qui parlent d’eux. Une très belle découverte !
Le train des enfants, Viola Ardone
Amerigo a 7 ans. Speranza est son nom, celui de sa mère, Antonietta, célibataire et démunie. Amerigo est habitué à frayer son chemin dans les ruelles de Naples et à établir des combines pour tenter de survivre, dans cette période d’après-guerre marquée par une grande misère.
Antonietta s’interroge : quel espoir peut-elle offrir à cet enfant-là ? Lui donner une chance de vivre « autre chose », d’être enfin bien nourri, de recevoir une éducation, même si se séparer de son petit lui déchire le cœur.
Elle accepte donc la proposition du Parti Communiste italien (PCI) dont les responsables, afin de sauver un maximum d’enfants de la misère et de la faim, trouvent des familles du Nord pour accueillir, nourrir, choyer ces gosses pendant l’hiver qui approche.
Inspiré par des faits réels, ce roman captivant, alterne les ambiances avec brio. L’histoire d’Amerigo ne s’apparente pas à la tragédie, plutôt au drame intime, à la vision à la fois douce et nostalgique, belle et triste comme une histoire d’amour manqué.
La fille qu’on appelle, Tanguy Viel
En quelques lignes seulement, on reconnaît le style particulier de l’écriture de Tanguy Viel, cinq ans après Article 353 du code pénal, dont j’avais déjà parlé ici. On retrouve le même phrasé, la même mélodie, la même urgence dans l’écriture.
Laura est au commissariat pour porter plainte. Elle déclare avoir subi l’emprise d’un homme politique connu, récemment promu de la mairie au ministère. S’il n’y a pas eu viol à proprement parler, puisque jamais la jeune femme n’a pas clairement dit non, elle n’a pas eu le choix et veut en convaincre ses interlocuteurs. C’est d’autant plus difficile qu’elle n’a pas le profil de la victime idéale : quelques années plus tôt, cette jeune fille a posé dans un de ces magazines que l’on ne peut atteindre dans les kiosques que si l’on est grand ou dressé sur ses pointes de pieds.
Le mécanisme de l’emprise est exploré avec beaucoup de finesse et la notion du consentement rendue dans toute sa complexité, mais c’est aussi l’histoire d’une vengeance spectaculaire, qui va dévoiler la pudeur d’un amour filial mis à mal par les années et les ruptures.