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Le cancer m’a changée

Le cancer m'a changée
Une Fabuleuse Maman 23 octobre 2024
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J’ai toujours été douillette. Enfin, toujours, pas tout à fait. Je l’ai été jusqu’au 5 mai 2010. Jusqu’au jour où le docteur V. m’a annoncé que j’avais un cancer du sein, grade 3, fulgurant. Jusqu’alors, les seules choses fulgurantes que je connaissais c’étaient les poings de Goldorak… J’allais avoir trente ans. J’avais un mari adorable, un petit garçon à l’aube de ses trois ans. Le plus beau petit garçon que la terre ait porté (maman objective). Une maison. Des amis. Un métier. Une vie. Et d’un seul coup, le couvercle du cercueil se refermait sur moi. Pourtant, je savais que je risquais d’être malade, mais pas si vite. Pas à trente ans.

Je suis BRCA2,

un affreux acronyme pour dire que je suis porteuse d’une mutation génétique qui me prédisposait au cancer des seins et des ovaires. J’ai appris la nouvelle cinq mois avant que le crabe ne me prenne la main. Revenir sur le « comment » j’ai su est un peu long. Sur les trois filles que nous sommes, mes sœurs et moi, je suis la seule porteuse de la mutation. Pu**n de loterie…

Bref, je suis BRCA2 et

le cancer m’a pris la main à vingt-neuf ans et des poussières (elles sont importantes les poussières).

Ablation de la tumeur, chimio, rayons, un parcours classique et sans surprise pour venir à bout de cette merde et pourtant… Chaque histoire est différente, chaque combat est différent. Si beaucoup de mes amis de l’époque ont disparu, craignant certainement que le cancer soit contagieux ou prenant conscience de leur propre mortalité, d’autres se sont révélés. Autour de ma best friend ever, ils se sont unis, cotisés et m’ont offert une partie de mes nouveaux seins. En parallèle, le père de mon fils me portait à bout de bras avec l’aide de ma famille. Notre fils, Gabriele, me regardait avec l’innocence de l’enfance et aujourd’hui encore, il n’a pas conscience du rôle qu’il a joué. Il a été mon moteur. Il est, plus que tout, celui pour qui ma vie a pris un sens… Toute ma vie, je me souviendrai du jour où il m’a dit « ça y est, tu n’as plus de cheveux » (on lui avait expliqué que je les perdrais). Quand je lui ai répondu que oui, il a soulevé mon bonnet et m’a dit, « tu es belle, tu es ma maman ». Il avait un peu plus de trois ans, conscience de rien et plus que jamais, il est celui pour qui je respire, chaque jour. Il m’a empêché de sombrer, sans le savoir, m’a obligé à me bouger, inconscient de ma fatigue et des douleurs. Pour lui, j’ai pris sur moi. J’ai refoulé mes peurs, ignoré les nausées pour l’emmener au poney, ou juste profiter du temps qui nous était accordé. Je n’ai pas cherché à être une mère différente. J’ai continué à faire de mon mieux en expliquant les choses à Gabriele comme je l’avais toujours fait. Je communiquais déjà beaucoup avec lui, j’ai gardé cette ligne de conduite et je reste aujourd’hui persuadée que le fait de ne pas lui mentir, de dire avec des mots simples ce qu’il se passait a sans doute évité qu’il ne se pose plus de questions que nécessaire.

Quinze ans plus tard, je suis toujours là.

Gabriele reste mon moteur. L’amour de ma vie. Celui avec qui je me prends la tête pour un rien, mais avec qui je ne veux surtout pas être fâchée.

Mon mariage est mort : mon ex-mari est devenu mon meilleur ami.

Celui que je solliciterais pour enterrer un corps (ben oui j’ai des envies de meurtre parfois, pas vous ?). Mon compagnon supporte les conséquences, nombreuses, des opérations qui ont suivi le cancer et des bouleversements hormonaux. Il endure mon caractère de merde. Mes peurs. Mes craintes. Mes handicaps. Il m’a acceptée toute entière, avec mon sac à dos et ce passé qui, bien que douloureux, m’est si cher. Rien que pour ça, il faudrait lui décerner une médaille ! Il faut se les coltiner mes douleurs articulaires, ma fatigue, ma ménopause et ma capacité, innée, à faire chier…

Le cancer m’a changée.

Je suis toujours une mère, une belle-mère, une amie… je reste une femme, difficilement. Mais je regarde l’avenir en mesurant la chance que j’ai d’être là et de pouvoir regarder le soleil se lever chaque matin.

Il m’a changée parce que je suis plus forte.

Je ne me plains plus au moindre au bobo, au contraire, je suis devenue dure au mal, trop parfois. Je vis vite, intensément, consciente que tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Je sais que j’ai encore plein de rêves à réaliser et je ne veux rien regretter alors je fonce. Avant le cancer, j’étais plus mesurée. Ce dont je rêvais, c’était d’une grande famille, d’une ribambelle d’enfants et d’une cape de super-héroïne sur les épaules. Aujourd’hui je rêve d’être présente le plus longtemps possible pour les miens. Pour continuer de voir grandir mon fils et mon beau-fils. Le cancer m’a fait changer de regard sur l’avenir. Je ne ressens plus le besoin de me conformer à une certaine image que la société me renvoyait. Je ne culpabilise plus de ne « pas être à la hauteur » ou de ne « pas être comme ma mère ». De ne pas être la maman parfaite qui mène tout de front avec une maison nickel, toujours tirée à quatre épingles (même le dimanche, sur le canapé) concoctant des repas équilibrés. Ce n’est clairement pas moi.

Mon rêve d’aujourd’hui me ressemble, il n’est plus dicté par les autres.

Gabriele a aujourd’hui dix-sept ans, il n’a que peu de souvenirs de cette époque, mais moi, je n’oublierai jamais la force qu’il m’a donnée. Je n’oublierai jamais ce que son papa a fait pour moi, ce que mon compagnon supporte encore aujourd’hui. 

Même quand nous sommes guéris, le crabe prend une place entière dans nos vies.

Les retombées psychiques. Les transformations physiques. L’animal reste là, tapi dans l’ombre, et s’il n’est plus une menace, il fait partie de mon quotidien et sait se rappeler à mon « bon souvenir ». 

Chère Fabuleuse, à toi qui me lis, que tu sois blessée dans ta chair, amie, aidante, accompagnante : le cancer changera fatalement ta vision du monde. Il pourra aussi te changer, toi. Mais ce n’est pas grave. Accepte-le, fais en une force, à ta manière. Tu es unique. Tu es toi. Et tu es la seule à savoir ce qu’il y a de bon pour toi. Peu importe ce que te diront Pierre, Paulette ou Jacqueline (ils ont toujours un avis sur tout, ces trois-là), toi seule as le droit de décider lequel de tes rêves tu veux réaliser.


Ce texte nous a été transmis par Ophélie Cohen, une fabuleuse maman, major de police et autrice de polars et romans noirs que tu peux retrouver ici.



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Cet article a été écrit par :
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