Laisser les rênes de la maison à mon mari pendant quelques jours,
le temps d’un déplacement professionnel, a toujours été très compliqué pour moi. Je lui laissais des listes longues comme le bras de choses à faire, à gérer, le menu ainsi que le détail des courses à faire. À mon retour, c’était reproche sur reproche, parce qu’il n’avait pas fait tourner la machine, parce qu’il avait oublié d’acheter le lait que pourtant j’avais bien mis sur la liste (c’est pas compliqué de lire la liste, quand même !), parce qu’il était arrivé deux minutes en retard à l’école et j’en passe… Du coup, les retrouvailles qui auraient dû être pleines d’amour et de tendresse passaient très vite en mode dragon colérique et insatisfait, mari énervé qui rétorque « de toute façon, c’est jamais assez bien pour toi », moi qui lui lançais « si tu suivais la liste, il n’y aurait pas de souci, c’est pas compliqué tout de même »…
Bref ! des retrouvailles hautes en couleur.
Durant quelques années, ma profession m’imposait de rester sédentaire, à la maison, puis en entreprise, sans aucun déplacement. Rares étaient les fois où je m’absentais pour mes loisirs plus d’une journée. Cela m’allait très bien, il fallait que je garde le contrôle, car en tant que maman d’une petite tribu, c’était à moi qu’incombait la tâche de tout mener à bien. Avec le recul, je me demande encore qui m’avait assigné cette mission… Mais ça, c’est une autre histoire. J’étais donc satisfaite de ne jamais avoir à m’absenter, jusqu’au jour où une convocation dans le bureau de la directrice tombe dans ma boîte mail. La peur au ventre, je me présente dans son bureau. Elle, grand sourire aux lèvres, m’annonce qu’un fournisseur nous invite au Mexique pendant une semaine. J’ouvre grand la bouche quelques secondes, sans proférer un seul mot. Comment vous dire les émotions contradictoires qui m’assiègent à cet instant ? L’excitation, la peur, la joie, encore la peur, la fierté, toujours la peur. J’ai 24 h pour donner ma réponse. Mon mari me dit : « fonce, c’est une occasion à ne pas louper », à quoi je réponds :
« Oui, mais comment tu vas faire, avec les enfants ? ».
Bien sûr, il se débrouillera, mais cela m’effraie.
Je finis par céder et saute sur cette opportunité qui m’est offerte, avec d’autant plus d’enthousiasme que j’adore voyager. Me voilà donc prête à embarquer dans cette aventure. Bien entendu, j’ai tout préparé avant mon départ : linge, menu, courses, liste des choses à faire, etc. L’idée de ne pas pouvoir joindre mon mari n’importe quand, entre le décalage horaire, mes activités là-bas et les siennes ici, m’angoisse terriblement.
Cette fois-ci, je ne pourrai pas être au courant de tout à l’instant T comme j’en ai l’habitude.
Seras-tu surprise de savoir que j’ai passé une super semaine ? Bien sûr, ma petite famille me manquait terriblement et j’aurais aimé partager cette expérience avec elle. Mais la bonne nouvelle c’était que, pour la première fois depuis plus de douze ans, je n’avais à m’occuper que de moi (mis à part quelques petits appels de temps en temps, et l’envoi de messages du type « n’oublie pas ci ou ça », quand j’avais un moment de lucidité). À part respecter l’horaire pour aller au restaurant ou suivre les deux ou trois activités proposées dans le cadre du voyage, je n’avais à penser qu’à la tenue que j’allais porter et à quel cocktail j’allais siroter au bord de la piscine. Le rêve ! Du temps pour lire, pour papoter avec des adultes de tout et de rien, pour bronzer sans garder un œil sur la piscine… J’avais même du temps pour ne rien faire (pas facile, mais quel bonheur) !
Encore aujourd’hui, je me demande si ma directrice voyait à quel point j’étais à bout et m’avait proposé de participer à ce voyage dans le seul but de me permettre de me relaxer. Si c’est le cas, elle avait bien raison et je l’en remercie, car ce voyage a permis de nombreux changements dans ma vie, dont je m’aperçois en regardant dans mon rétroviseur.
À mon retour, j’étais détendue, gonflée à bloc. Motivée, aussi.
Le grand était malade (le stress de savoir maman très, très loin, d’après le médecin), mais ce n’était pas grave. Mon mari avait géré comme un chef et avait même admis que, nous, les femmes, avions vraiment beaucoup de choses à faire et en tête, et qu’il comprenait notre surcharge. Quel bonheur de me sentir comprise !
Aujourd’hui, il m’arrive de m’absenter quelques jours par an pour le travail.
J’ai même décidé de partir un week-end, seule avec notre petit dernier. Un gros changement pour moi ! Je prévois beaucoup moins de choses avant le départ, mon Fabuleux gère de main de maître, à sa façon certes, il y a sûrement moins de légumes dans l’assiette et plus de retards, mais qu’importe ! C’est SA façon de faire, et s’ils sont contents, ça me va ! Quand je reviens, les retrouvailles sont réellement pleines d’amour et de tendresse, de plaisir de se revoir et de gratitude.
Parce que oui, j’ai appris depuis que :
- Fait vaut mieux que parfait
- Celui qui fait, c’est celui qui a raison
- Personne ne pourra jamais faire les choses exactement comme je le veux, et que c’est tant mieux, car cela permet aussi de découvrir de nouvelles façons de faire, parfois plus efficaces
- Ces moments « parenthèses » comme je les appelle, même lorsque c’est pour le travail, me font du bien, me rechargent, me détendent
- Si telle ou telle chose n’est pas faite, ce n’est pas un drame
Évidemment, je pourrais reprocher à mon mari le fait que la salle de bain n’est pas propre, qu’il aurait pu penser à faire quelques courses, car le frigo est vide, que l’aspirateur n’est pas rangé comme il faut.
Qu’est-ce que cela apporterait de positif ? Attends, je réfléchis… RIEN !
Je ne dis pas que c’est facile de mettre de côté ses vieux démons qui pointent du doigt tout ce qui n’est pas fait comme on le voudrait. Ce que j’aimerais te dire, chère Fabuleuse, c’est qu’être reconnaissante et mettre le focus sur le bien-être que nous ressentons grâce à ces moments de lâcher-prise apporte tellement plus ! Je préfère donc dire à mon Fabuleux que je l’aime, le remercier d’avoir pris le relais et profiter de nos retrouvailles en famille.
Et pour toi, laisser les rênes du foyer : facile ou dur-dur ?
Ce texte nous a été transmis par Anna, une fabuleuse maman et fée de la boîte mail.