Laisser le temps au temps - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

Laisser le temps au temps

silhouette coucher de soleil
Une Fabuleuse Maman 4 juillet 2024
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Elle s’est endormie. Je la regarde respirer et ne parviens pas à quitter sa chambre.

Je ressens un amour débordant pour ce petit être et des larmes coulent doucement sur mes joues. 

Elle vient d’avoir cinq ans et la route a été longue pour en arriver là.

Pas d’histoire traumatisante ici, la vie nous a bien épargnés. Notre fille est en bonne santé, nous aussi. On a la chance de s’aimer.

Pourtant, son arrivée a été comme un tsunami qui a violemment retourné toute ma vie sur son passage et les premières années n’ont pas été simples.

En bonne intranquille que je suis, j’avais bien anticipé les choses, j’avais potassé le sujet, décidé de ce que je ferai et ne ferai pas, une fois maman. J’avais même compris qu’il s’agissait d’apprendre à lâcher prise et je savais que ça ne serait pas facile.

Malgré tout cela, la claque a été violente.

En plus des difficultés que peut rencontrer une jeune maman qui découvre la maternité, je me retrouvais seule. Pas tant physiquement que moralement : j’étais plutôt bien entourée, mais j’étais entourée par des personnes qui avaient une conception de la maternité si différente de la mienne qu’au bout du compte, je me sentais seule et déboussolée.

Quand ma fille est née, nous habitions l’Allemagne, le pays de mon mari.

En tant que Française assez critique de mon pays et de nos manières de faire (malgré tout l’amour que j’ai pour mes compatriotes), j’admirais beaucoup le respect des Allemands pour les besoins des enfants, leur rythme, etc. J’admirais (ou idéalisais peut-être) un système éducatif qui donne beaucoup plus de liberté et de place aux enfants.

Je pense toujours qu’on a beaucoup à apprendre de nos voisins, mais je n’avais pas bien mesuré ce que cette approche de l’éducation et de la parentalité représentait pour les adultes, dans l’histoire. Et c’est là que ça a coincé pour moi.

Grâce à une fabuleuse amie, j’ai eu la chance de très vite être abonnée aux mails du matin qui m’offraient une bouée à laquelle me cramponner.

Cela ne m’a pas empêchée de passer par le chemin par lequel je devais passer.

À l’époque, j’avais été touchée par l’invitation d’Hélène Bonhomme à partager avec d’autres mamans ses difficultés de manière à entendre les deux mots les plus réconfortants possibles : « moi aussi ». Mais outre-Rhin, quand je confiais à d’autres mamans mon désarroi, elles me répondaient incrédules : « ah bon ? ». Pire solitude.

Ma solitude me rendait triste, ma tristesse s’est transformée en colère, ma colère a cherché des coupables.

Ils étaient tout trouvés : mon mari, ma fille, toutes ces mères qui semblaient trouver si facile d’avoir un enfant et qui ne passaient pas par les mêmes étapes que moi. C’était plus simple de se concentrer sur eux plutôt que d’affronter la vérité en face : mes problèmes, comme leurs solutions, étaient en moi.

Ah, c’était facile, pour mon mari, de trouver notre fille merveilleuse en ne la voyant que quelques heures par jour ! Il ne pouvait pas imaginer le couteau qu’il retournait dans la plaie chaque fois qu’il s’extasiait devant elle. C’était la double peine : non seulement j’étais la seule à trouver cela dur de passer du temps avec ce bébé, mais en plus il me renvoyait malgré lui l’image terrible d’une mère qui n’aime pas assez son enfant.

Comment cet être si petit avait-il réussi à tout mettre sens dessus-dessous si vite ?

J’avais un super boulot dans lequel je m’amusais et pour lequel j’étais reconnue. J’avais un couple dynamique, pas sans vagues, mais heureux. Je gérais ma vie comme je l’entendais. J’avais des amis, des projets, ma liberté, un certain contrôle sur ma vie. 

Et soudain, je ne maîtrisais plus rien. J’avais l’impression que tout ce que j’entreprenais tombait à l’eau. Je me noyais dans un demi-verre d’eau. J’étais complètement dépassée, terrassée par la fatigue, noyée dans la logistique, moi, la reine de l’orga ! À cela est venue s’ajouter une bonne petite crise dans notre couple, largement alimentée par la rancœur que je ressentais envers mon mari qui, lui, ne passait pas par les mêmes étapes que moi.

Évidemment, toutes ces émotions étaient mélangées.

Toutes ces années n’ont pas été que difficiles. À la naissance de ma fille, j’ai découvert un amour d’une puissance nouvelle. J’étais fascinée par ce petit être sorti de mon ventre. Je la trouvais si belle, si forte, si douce, absolument parfaite. Je garde de mon accouchement et des jours qui ont suivi la naissance un souvenir incroyable, hors du temps. Nous étions tous les trois comme plongés dans un océan d’amour. Dans ces longs mois passés toutes les deux aussi, il y a eu beaucoup de joie et d’amour, heureusement. 

Mais je me battais dans un combat totalement inégal.

D’un coup, elle avait renversé tout l’équilibre de ma vie que je pensais maîtriser. Elle, petit être si vulnérable, si dépendant de moi, que je devais protéger, qui ne demandait rien d’autre que de vivre.

Ce passage si difficile, si douloureux, si inconfortable, je ne le savais pas alors, mais c’était une deuxième naissance pour moi : la naissance d’une maman. 

Il aura fallu du temps, des larmes, de l’aide, mais je regarde ma fille aujourd’hui avec une immense tendresse et de la gratitude plein le cœur. Grâce à elle j’ai tant grandi, elle m’a permis de devenir adulte, elle m’a appris à être mère. Le chemin n’est pas fini, les défis sont nouveaux chaque matin et, en tant qu’aînée, la pauvre doit tailler la route. Mais grâce à elle, je ne suis plus la même. J’ai trouvé ma nouvelle place et je peux être une mère pour elle.

Après cinq ans de maternité, la vraie leçon que j’ai apprise, c’est qu’il faut laisser le temps au temps.

Toutes ces conclusions que j’ai voulu tirer trop tôt, ces bilans que j’ai voulu établir avant la fin, c’était ignorer que la vie avance à son rythme pour une bonne raison. Dans notre monde où tout va toujours plus vite, on a beau se débattre pour vouloir arriver tout de suite à la conclusion, sauter les chapitres un peu pénibles, là, ça n’est pas possible. Il y a des murs que l’on doit se prendre en pleine face avant de réaliser qu’ils sont des murs, il y a des chemins difficiles par lesquels on doit passer, des chutes que l’on ne peut éviter, et, heureusement, il y a des moments où le ciel se dégage et où l’on passe un col, on franchit un sommet, et on aperçoit la beauté du paysage et du chemin parcouru.

J’écris ces lignes avant tout pour moi-même, comme un mémo que j’aurai besoin de relire la prochaine fois que je serai tentée de sauter les étapes. Je sais que le chemin continue et que la route est longue. Nous n’en sommes qu’au début.

Je l’écris pour ma fille aussi, pour la remercier et lui transmettre cette leçon si essentielle. 

J’ai dans le cœur de la gratitude pour toutes ces femmes qui m’ont entourée sur ce petit bout de chemin. J’admire la sagesse de ces femmes plus âgées qui ont dû me voir me débattre avec un sourire mêlant amusement et tendresse, mais qui ne m’ont pas jugée. J’espère pouvoir faire de même avec celles pour qui ce chemin commence. J’ai de la gratitude aussi pour mon mari, qui a traversé tout cela à mes côtés, patiemment, sans toujours tout comprendre, mais restant auprès de moi fidèlement, en m’offrant une épaule sur laquelle m’appuyer quand c’était trop dur.

Il y a des murs que l’on doit se prendre avant de réaliser que ce sont des murs, et certaines parties du chemin sont plus rudes que d’autres. Parfois, ce n’est que lorsque l’on regarde en arrière, avec un peu de recul, que l’on peut mesurer combien le chemin était beau.

Ce texte nous a été transmis par Eléonore, une Fabuleuse maman



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