Nous vivons aujourd’hui sous une salve constante de mauvaises nouvelles toujours plus dramatiques, effrayantes et catastrophiques. Notre espoir d’un vrai repos, d’une vraie paix, qu’elle soit mondiale ou dans nos cœurs, semble nous échapper à chaque fois que la prochaine mauvaise nouvelle tombe. Nous n’avons pas assez de nos yeux, de nos cœurs ou de nos mains pour saisir toute la douleur qui nous est servie chaque jour dans les journaux.
Tout est proche et tout est loin.
La maladie de notre collègue, le décès de notre voisin, le bobo de notre petite dernière, les déchets dans les océans ou la faim qui ronge les estomacs des enfants du Quart et du Tiers-Monde. Nul n’est besoin de dresser la liste des tourments qui se posent sur nos épaules et dans nos esprits. Ils nous donnent l’impression d’être impuissants, petits, fragiles, en danger. Et comme un tsunami qui s’impose à nous, tous ces tracas nous narguent et nous crient bien fort :
« Tu ne peux rien y changer. »
Alors face à la menace, à l’angoisse et à l’impuissance, le risque est de croire qu’en effet « je ne peux rien y changer ». Le risque est de se laisser paralyser par tout cela, de fermer toutes les portes et de s’isoler au point de ne plus rien voir, ni entendre, ni ressentir du désespoir qui nous menace. Mais ce n’est pas une vie quand nos murs sont si épais qu’aucun cri, qu’aucun rire, qu’aucun appel à l’aide et qu’aucun merci ne peut plus nous atteindre.
Brené Brown nous rappelle au fil de ses travaux qu’on ne peut pas anesthésier nos émotions négatives sans anesthésier nos émotions positives. Si tu t’enfuis sous ta couette, tu rateras tout ce qui se passe, si tu te perds dans Netflix, c’est ton présent qui y passe.
Si tu fuis le malheur de ce monde, c’est ton bonheur qui s’estompera.
Alors que faire ? Que faire pour ne pas se créer un univers coupé de tout et coupé de nous ? Comment faire pour ne pas désespérer face aux mauvaises nouvelles qui grondent ? Comment ne pas vouloir juste baisser les bras et tout nier ?
Je te propose une révolution tranquille,
l’habitude des héros ordinaires, de ceux qui gardent les yeux ouverts. Je ne te parle pas des actes héroïques dont seuls semblent capables les plus forts, les plus riches, les plus stratégiques. Je te parle des petits actes, simples et anodins mais qui bâtissent les fondements d’une humanité généreuse.
Je te parle de garder, malgré la peine et la peur, un cœur ouvert, un cœur qui reste tendre, qui se laisse encore toucher par l’inconfort de l’autre. Je te parle des yeux qui ne se ferment pas lorsqu’ils croisent une situation dans laquelle ils pourraient intervenir. Je te parle de muscles qui sont prêts à se mettre à l’action, si petite soit-elle. Je te parle de gentillesse, de simplicité, de proximité et de persévérance. Rester humain, rester ouvert, rester attentif et oser donner le peu que l’on a.
Je te parle d’un vrai merci, d’un bonjour, d’un sourire, d’une pièce glissée sur le comptoir pour que la personne qui te précède dans la file puisse payer ses courses,
Je te parle de se mettre à genoux devant un enfant qui pleure, de stopper le gamin qui s’en prend à un plus petit, de t’engager à toujours rester respectueux sur les réseaux sociaux, d’écouter nos enfants quand ils viennent nous parler, d’agir un peu plus en faveur de l’environnement…
Ta révolution tranquille, c’est toi qui la rythme, c’est toi qui la connais.
Elle paraît souvent anodine mais c’est la seule qui compte et c’est le seul moyen que nous avons de garder courage sous la salve des coups qui nous atteignent. C’est notre héritage, la trace imperceptible mais essentielle que nous aurons laissée. Et comme dirait le poète anglais William Wordsworth :
« Les petits gestes, anonymes et oubliés, remplis de gentillesse et d’amour, sont la meilleure partie de la vie d’un homme. »
À nous de jouer, chère Fabuleuse, à nous d’oser, chaque jour, avec les forces qui nous sont données, de changer un peu, par nos petits gestes, la face de ce monde. J’espère que nous ne nous fatiguerons jamais d’oser être celles qui sont encore et toujours gentilles, non pas naïves, non pas victimes consentantes, mais activement bienveillantes.