Hier soir, au lit avec mon mari.
Lui, avachi sur le ventre à bouquiner un polar qui semble passionnant. Moi assise, le dos contre un oreiller, mon nouvel agenda en main. Je scrute les pages : janvier, février, mars, AVRIL.
Je finis par le poser de côté. Gros soupir. Je soulève mon t-shirt et louche, le menton baissé à me casser le cou, sur mon ventre et ses boudins en escaliers.
« Tu as vu ? c’est moche, c’est flasque ».
Mon époux lève les yeux :
« C’est surtout débile de te regarder dans cette position. »
J’aurai préféré un presque sincère :
« Mais non, t’es magnifique ».
Mais mon mari est pragmatique ; l’angle de vue que je me donne ne me rendra pas plus belle. Ça, c’est sûr. Il viendra, seulement et lamentablement, appuyer la petite voix sournoise de mon agenda qui me murmure à l’oreille :
« Eh ! Tu vas avoir quarante ans ma vieille ! »
Et merde.
Je ne pensais pas que je l’attraperai un jour, la quarantaine. Au temps lointain de mon sourire berchu, j’y croyais dur comme fer : la quarantaine, c’était une maladie. Plus rare que la rougeole, plus dure que la varicelle. Et parce que j’étais vive et de bonne constitution, elle n’était pas pour moi.
Mais voilà. La vie a eu raison de ma naïveté et de ma peau de pêche.
La quarantaine est à ma porte. Je l’ai vue, arrogante et discrète, s’approcher dans le reflet d’un mauvais miroir. Je l’ai observée, à l’aube de ces matins qui piquent, s’installer bien confortablement sur ma peau, jouer avec ses ridules, balancer sa cellulite, se moquer de ma carcasse.
La quarantaine.
- Celle qui te rappelle que ta mère roulait en deux chevaux rouge, que tu portais des cagoules tricotées maison, et que quand tu faisais du ski, tu mangeais des raiders, (« deux doigts coupe-faim ») en chantant Le nez de Dorothée.
- Celle qui fait dire à tes enfants de bientôt 15 et 17 ans, que dans dix ans tu seras peut être grand-mère. (« Nan, mais vous êtes pas bien, oh ! ? On se calme, là ! »).
- Celle qui te fait prendre conscience que tu as les seins qui tombent (dou-ce-ment mais sû-re-ment) et qu’à la prochaine dizaine, tu seras ménopausée.
- Celle qui te fait mourir à la fin du cours de danse pour avoir trop sué, et sentir tes cuisses en mode « surchauffe ».
- Celle enfin qui te fait taper sur google son joli nom pour obtenir le résultat suivant et joyeux : « crise de milieu de vie ». Ça donne envie.
Avoir 40 ans, c’est réaliser que tu vieillis dans une société ou « le bien vieillir » sonne paradoxalement avec « ne pas vieillir ». C’est accepter l’ambivalence de cet âge à travers les remarques arrogantes des plus jeunes qui nous traitent de vieux, contre celles, aimantes, de nos grand-mères qui nous trouvent si jeunes !
Avoir 40 ans, c’est faire un premier bilan
et te dire que tu as peut-être déjà vécu la moitié de ta vie ; regarder ce que tu as construit, ou pas, pour envisager la seconde avec appréhension, confiance, élan… ?
« L’instant n’a de place qu’étroite entre l’espoir et le regret, et c’est la place de la vie » (Marcel Jouhandeau)
avait écrit au tableau un professeur que j’aimais bien. Vieillir, c’est vivre, et je n’ai pas envie de remonter le temps.
Car avoir 40 ans, à en croire mes amies qui ont passé ce cap, c’est aussi …
- Commencer à profiter d’une expérience de vie, en tirer une certaine sagesse, la transformer en joie de vivre.
- Oser (se) poser les questions qu’on n’aurait pas pu formuler avant.
- Chercher des solutions, parce qu’on a moins peur d’avancer.
- Revoir ses certitudes et faire la paix avec soi-même.
- Constater qu’un nouveau temps s’ouvre à soi. Celui d’une réalisation professionnelle, familiale, amoureuse, personnelle, plus mûre, plus sûre.
- Regarder ce que l’on a déjà accompli, en savourer les quelques fruits.
- Ne plus avoir de biberons ni de couches (enfin, presque plus !)
- Mieux se connaître et accepter ses limites
- Mieux se connaître et apprécier ses qualités.
- S’ajuster.
- Croire que l’amour pourra s’inviter à nouveau, intense et paisible.
- Croire que l’on pourra péter au lit sans honte ni embarras.
- Continuer d’aimer l’homme que l’on a choisi. Intensément.
- Se laisser aimer avec confiance.
- Être terriblement séduisante (on y croit !) parce que décomplexée (on y croit encore une fois !)
- Penser qu’il y a du bon, à être une femme de 40 ans.
La quarantaine ? Même pas peur. Je mets le champagne au frais. Préparez vos flûtes !