Depuis que tu es arrivée dans ma vie, je fais ton lit. J’ai placé un mobile de toutes les couleurs au-dessus de tes premiers songes.
J’ai installé des barreaux, puis enlevé les barreaux.
Et puis, en un battement de cils, j’ai remplacé le petit lit par un autre un peu plus grand.
Chaque jour, j’arrange tes oreillers, je secoue ta couette.
Je salue chaque soir ton petit panda, ta princesse endormie, ton lion, ton hérisson et ta grande souris, prêts à combattre tes angoisses. Remercie chaque matin ton petit panda, ta princesse endormie, ton lion, ton hérisson et ta grande souris d’avoir veillé sur tes rêves.
Depuis que tu es arrivée dans ma vie, je fais ton lit.
Un jour, demain, tu mettras par-dessus ma couverture de laine, celle que j’ai pliée, dépliée, repliée pendant neuf mois sur mon ventre rond, un édredon moelleux aux couleurs de tes envies. Sur les rêves que je fais pour toi, tu remonteras l’étoffe de ceux que tu te dessines pour demain.
Un jour, tu ouvriras fébrilement une porte d’entrée, déposeras des clés de voiture sur la console à côté et souriras devant une pile de cartons empilés. Tu seras si fière de monter ton nouveau lit dans ton premier appartement. Même caché sous une banquette, même arrangé par terre dans un coin de ton vingt-cinq mètres carrés. Dans des draps sentant un peu trop le neuf, tu perdras ton smartphone, ton innocence, tes fiches de révision, tes billets de train, des miettes de croissant, tes papiers et des fraises Tagada.
Certains jours, tu te glisseras sous une couette plus épaisse que les autres, en la remontant sur ta tête pour faire le vide, pour faire la solitude qui apaise les cœurs en bandoulière. Et tu laisseras couler les larmes somnambules, celles qui ne dansent que la nuit, là, juste au fond du lit.
Le soir, en montant te coucher…
…tu y trouveras peut-être une petite boule de poils qui viendra se coller à tes pieds, ou ton amour déjà endormi, qui sourira dans son sommeil de te sentir enfin auprès de lui.
Peut-être qu’un jour, ton lit se noiera tout entier sous du tulle blanc, des détails en dentelle, des pans de satin couleur porcelaine, sous les tours et détours de la robe que tu auras choisie pour dire au monde que tu es amoureuse.
Les jours gris, tu y seras assise en tailleur, le regard ailleurs, tu enrouleras un plaid sur tes matins frileux ou tes envies de rien du tout.
Peut-être qu’un jour, une toute petite couverture de laine viendra se mélanger aux tiennes pour réchauffer et rassurer un tout petit corps qui viendra de toi. Et tu laisseras s’étirer la nuit puis la matinée pour écouter, les yeux fermés, les battements réguliers de ton si petit bébé.
Depuis que tu es arrivée dans ma vie, je fais ton lit.
Alors, je vais rester à ton chevet, à murmurer des berceuses à l’enfant que tu resteras éternellement pour moi.
Je vais passer ma vie à veiller sur le petit pois que j’ai semé dans ton cœur un soir d’été.
Pour qu’il ne soit jamais ni étouffé ni écrasé. Ni emporté. Ni volé.
Pour que sous toutes les couvertures que la vie te donnera de tirer à toi, tu le sentes, toujours, mon petit pois à moi.
Ce texte nous a été transmis par une fabuleuse maman, Audrey.