Il y a des jours où je n’y arrive pas. Des jours où la télécommande est en panne, j’ai beau appuyer sur tous les boutons, y a plus de jus… La joie a disparu et je n’ai plus d’énergie…
À la place, voilà que déboulent en fanfare des invités surprise : colère, peur, tristesse, suivies de leur ribambelle de copines plus ou moins sympa : amertume, culpabilité, angoisse, insatisfaction, chagrin, désespoir… J’en passe et des meilleures…
Me voilà bien avec ma télécommande en panne : c’est bien le jour !
Je fais comment, moi, avec ce qui me tombe dessus ?
Et pourtant, il fut un temps pas si lointain, où je me glorifiais de savoir esquiver avec panache les attaques sournoises de tous ces parasites. À la moindre tentative d’invasion de mon espace intérieur par une émotion « négative » (les biens nommées colère, peur, tristesse et consort) mon esprit affuté se faisait un malin plaisir de reléguer l’intruse au fin fond de ma pensée rationnelle, avec interdiction à mon corps de réagir de quelque façon que ce soit, et surtout à mon cœur de ressentir ne serait-ce qu’une palpitation.
Trop dangereux, trop paniquant, trop encombrant. À la trappe les émotions ! Je ne savais qu’en faire, je les éliminais…
Enfin, c’est ce que je croyais. Je me croyais la reine de la joie, et sans télécommande, en plus ! Mes pensées suffisaient à me persuader de l’inutilité de perdre son temps à gérer de quelque façon que ce soit, ce genre d’émotion.
Ça donnait des :
– Oui, oui ça va !
– Pas de souci !
– Ça roule !
– On va pas se plaindre, hein ! Ça servirait à quoi ?
– Non, je ne suis pas en colère ! D’ailleurs je ne sais même pas ce que c’est ! C’est bon pour les sanguins, moi je suis quelqu’un de raisonnable ! Ça ira mieux demain !
– C’est pas grave ! On ne va pas se disputer pour si peu….
– Etc…
Bref, être noyée dans des débordements d’émotions, ce n’était pas pour moi. Moi, je surnageais au-dessus de la mêlée.
Jusqu’à ce jour où mon corps à dit stop !
Après des années à subir des crises d’aérophagie de plus en plus douloureuses, à me tordre de douleur, parce que je ne savais ni dire, ni ressentir, j’ai atterri à l’hôpital pour une ablation d’un bout d’intestin qui avait fini par faire des nœuds (au vrai sens du terme).
Voilà, paf, mon corps avait parlé ! Devant cette attaque inattendue, il a bien fallu que je change mon fusil d’épaule.
Car ce que me disait mon corps, c’était :
– Ton esprit ne peut pas tout gérer, expliquer, rationaliser
– Ton corps existe et réagit
– Et surtout : ton cœur aussi a des choses à te dire ! Il est temps que tu l’écoutes !
Alors, j’ai commencé à écouter ce que voulaient me dire les émotions qui frappaient à la porte de mon cœur. J’ai compris que si je ne leur donnais pas la parole, mon corps, leur porte-parole, me rappellerait à nouveau à l’ordre.
J’ai accepté, avec l’aide de personnes bienveillantes, de laisser monter en moi les émotions qui pointaient le bout de leur nez. J’ai arrêté de vouloir être sans cesse dans une joie qui finissait par être factice à force de vouloir anéantir ce que je trouvais pénible.
J’ai réalisé combien j’avais peur de ressentir toutes ces émotions et que cette peur me paralysait, et m’empêchait de comprendre les messages cachés derrière les émotions.
J’ai surtout compris qu’il n’y avait pas d’émotions négatives.
N’était négative que la gestion qu’on pouvait en faire.
Chaque émotion est un trésor qui m’indique qu’un besoin, chez moi, cherche à être satisfait. Que ces émotions (toujours ces trois copines : colère, tristesse et peur) ne sont pas mes ennemies, mais bien mes amies ! Et que parlant de moi profondément, elles m’aident à m’accepter dans mes fragilités, mes limites, mes doutes.
Et finalement elles m’aident à être plus vraie !
Pour autant, je n’ai pas perdu de vue ma télécommande à énergie positive ! Elle est importante à déclencher quand l’humeur est morose, ou les larmes pas loin. Mais avant de me précipiter pour changer les piles, quand la joie est en panne, je prends le temps d’aller voir ce que me disent les visiteuses du jour.
Une fois cette visite accomplie, je peux choisir plus librement d’actionner ma télécommande, de mettre la musique à fond et de regonfler ma réserve d’énergie. Je peux le faire, même si une autre émotion est là. Je peux choisir de vivre cette journée dans la joie même si au fond de moi colère, tristesse ou peur se sont invitées !
Elles ont aussi leur place et je peux vivre avec elles !
Si toi aussi, chère Fabuleuse, ta télécommande tombe fortuitement en panne, avant de te précipiter pour changer les piles, prends cinq minutes et laisse la parole aux émotions !