Cela fait 11 ans que Juliette est partie rejoindre les étoiles.
Elodie Thébault, fondatrice de NOC ! nous en parle avec ces mots pleins de tendresse :
« Juliette était une petite fille adorable. Nous avons eu des moments très forts toutes les deux en atelier. Je me souviens comment nous avons inventé les poissons Voitout : c’était lors d’un atelier de sculpture, nous devions créer des bestioles imaginaires. En “brainstormant”, Juliette m’a dit qu’elle avait très peur des poissons des profondeurs, alors on a décidé d’en faire un gentil, qui au lieu de faire peur, serait un compagnon des profondeurs et sa lumière et ses yeux serviraient de guide. Et puis, nous avons peint ensemble trois princesses magnifiques, pas des princesses gnangnan, plutôt des princesses étranges et fortes… L’une d’elle n’a pas pu être finie avant son décès mais elle fait partie du triptyque, une œuvre inachevée si touchante… »
Sa maman, Marie, a accepté de nous raconter comment elle a dû se repositionner dans son rôle de maman, au milieu de cette terrible épreuve.
« Ça a commencé par des douleurs. Et puis, tout est allé très vite. Les médecins ont détecté un ostéosarcome, un cancer des os, au niveau de la jambe de Juliette. Je suis vraiment tombée de haut. On se disait, ça n’arrive qu’aux autres, ce n’est pas possible. Mais à un moment, il a fallu y aller. Et là, on vous plonge dans un lieu, l’hôpital, que vous ne connaissez pas. Les médecins, les infirmiers, les aide-soignants ont l’habitude des enfants, ils sont adorables mais… les blouses blanches nous rappellent toujours pourquoi on est là.
Le rythme est infernal, 3 à 4 jours d’hospitalisation par semaine pendant un an, avec les complications qui s’ajoutent. Nous habitons à 1h30 de l’hôpital, ce n’est pas tout près. Il m’était difficile d’arrêter de travailler pour des raisons financières et aussi parce que je crois que je refusais la maladie et surtout qu’elle gagne et atteigne notre quotidien. On allait à l’hôpital le week-end en adaptant l’emploi du temps. En fait, on n’a pas eu le temps de trop réfléchir, parce que c’est arrivé du jour au lendemain. Il faut prendre des décisions très vite. On s’est dit qu’on n’allait rien changer à notre vie, continuer comme avant mais forcément ça fait des dégâts. Ça s’est fait au détriment de mon fils… Arthur est sorti de cette période atteint, comme nous tous. Heureusement, aujourd’hui il va bien.
C’était l’année du CP pour Juliette, en 1997, au moment de Noël. On a voulu qu’elle poursuive sa scolarité, continue ses apprentissages. On s’est ajouté un poids mais on voulait y arriver, en se disant : “C’est un an, on va s’en sortir.” On a eu un peu d’aide, de ma maman qui était proche géographiquement, de ma sœur. C’est toute une organisation qui s’est mise en place. Le tri se fait rapidement, pour maintenir une vie normale, mais les “à-côtés” n’étaient plus possibles. »
En effet, l’hospitalisation a des répercussions sur toute la vie de famille… et sur la vie de maman :
« C’est dur, l’hôpital 24 heures sur 24, vous vous prenez ça de plein fouet.
Juliette m’en voulait beaucoup parce qu’elle était malade. Elle était bien grâce à l’atelier, et moi aussi parce que j’avais besoin de respirer. Sinon c’était du non stop. J’ai choisi de me concentrer sur mon rôle de maman. On ne peut pas avoir toutes les casquettes, être tout à la fois docteur, infirmière, maîtresse, en plus de maman. »
Marie nous raconte comment s’est passée la rencontre avec Elodie et son univers créatif :
« C’est Juliette qui nous a amené Elodie. Elle a été une porte ouverte vers tout un monde magique ! Elle laisse l’enfant créer, avec un fil conducteur, mais sans jamais forcer. C’est un gros boulot. Pour Juliette, c’était magique. Elle demandait à venir les jours où il y avait atelier, et elle ne voulait pas partir, même quand l’ambulancier était là, si elle n’avait pas fini sa création. C’était un véritable moment d’évasion, sa bulle, elle voyageait dans un monde imaginaire, créait des personnages… Elle était libre. La maladie n’existait plus. Tout était oublié, on ne voyait plus les machines, les infirmières qui passaient mettre les produits dans les perfusions. Je suis contente de ces moments qu’elle a passés avec Elodie.
Dans cet univers lourd, compliqué, douloureux, quelqu’un arrive avec le sourire, inverse cette machine, crée des bulles d’air. Ça nous a vraiment aidés à traverser tout ça. Et puis, les couloirs n’étaient pas tout blancs, il y avait des couleurs partout ! Je lui suis reconnaissante d’avoir permis tout ça. Je me sens encore proche d’Elodie parce qu’elle a partagé des moments essentiels avec Juliette, avec nous. Elle fait partie de notre histoire.»
À ma question “Quel souvenir est le plus marquant pour vous ?” Marie répond sans hésiter :
« Le sourire de Juliette quand elle voyait Elodie.
Elles ont eu une relation privilégiée. Juliette a manqué très peu de séances, il fallait vraiment qu’elle n’en puisse plus pour ne pas y aller. Cet atelier, c’était un moteur pour tout le monde. Aujourd’hui il nous reste des œuvres de Juliette. Elle a peint avec son papa qui est peintre, et elle a même exposé à Beaubourg !
Ce qu’on garde après tout ça : on reconnaît ce qui est important et ce qui ne l’est pas.
Devant une situation comme celle qu’on a traversée, on n’avait pas le temps de tergiverser, on allait à l’essentiel direct. Quelque part, ça nous a aidés. »
Voici le message que Marie aimerait laisser aux Fabuleuses mamans qui liront cet article :
« On est toutes des super mamans, on a des capacités insoupçonnées, hallucinantes ! Mais on veut tout faire, et il faut savoir s’arrêter. On a un potentiel important, mais il faut aller à l’essentiel. Notre rôle, c’est être maman, et c’est déjà beaucoup ! »
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