Qu’est-ce qui fait qu’on se réveille un matin avec l’envie envahissante de tout envoyer balader ? Mari, enfant, maison, boulot, tout ! Un rayon de littérature de vacances grandissant explore ce thème du changement de vie. Des histoires de jeunes femmes à la Bridget Jones qui arborent des signes extérieurs de réussite, et dont on découvre, dès le début du roman, qu’elles sont sur le point de tout envoyer balader. Ou de passer malgré elles leur vie à la lessiveuse, avec essorage maximum. Celles-là, grâce à leur humour et à leur super bande de copines, s’en sortent à la fin de bouquin mieux encore que dans les contes de fées.
Mais dans la vraie vie, que faire quand on est confronté à cette petite voix qui nous dit : « Tu n’as pas la vie qui te correspond, tu n’es pas vraiment à ta place » ?
Que faire quand on sent une envie furieuse de tout plaquer ?
Crise existentielle, crise de la quarantaine, crise de milieu de vie : il me semble que le point commun à ces turbulences pourrait se représenter par une sensation globale de grincements, comme un puzzle dont les pièces ne s’imbriqueraient pas bien, où rien ne serait plus fluide.
Cette sensation reflète les mouvements psychiques internes dont certains se sont infiltrés de manière insidieuse dans votre quotidien, et qui ont apporté un décalage dans tous les domaines de votre vie. Associés, ils procurent une impression de malaise général, ce sentiment de ne pas vous reconnaître, de vivre une vie qui ne vous ressemble pas.
C’est souvent le signe de la fin d’un cycle.
Que la crise soit localisée ou qu’elle touche à tous les domaines de votre vie, elle me semble à envisager comme une mue. La mue, chez les animaux, consiste en un renouvellement partiel ou total de la peau, des poils ou plumes sous l’influence de la croissance, de l’âge et des conditions du milieu.
Ce que je trouve intéressant dans cette image, c’est :
- L’idée qu’une mue sert à changer d’état, de situation, et que c’est une étape naturelle de la vie. Pourquoi pas se demander alors « vers quoi ai-je envie d’aller ? », « à quoi ma vie pourrait ressembler si je faisais peau neuve ? »
- L’idée qu’une mue nécessite, à l’image des animaux qui perdent leur ancienne peau, d’abandonner quelque chose de son ancienne vie.
« Qu’ai-je envie d’abandonner ? »
« Qu’ai-je trop enduré » ?
« Avec quoi ou qui je ne me sens plus du tout en phase ? »
Le piège consiste à croire que ce que j’ai besoin de lâcher, ce sont des personnes. C’est parfois le cas, quand il n’y a plus d’amour du tout entre votre conjoint et vous, ou qu’une situation de maltraitance au travail vous fait souffrir par exemple. Mais en dehors de ces situations-là, c’est bien souvent notre soi qui cherche à muer.
Je me rappelle cette jeune femme qui réalisait qu’elle avait pris l’habitude, pour éviter des conflits qu’elle supportait mal, de ne plus s’exprimer devant son mari. Cette prise de position avait influencé jusqu’au choix de son activité professionnelle, dans lequel elle ne se reconnaissait pas, et l’avait menée jusqu’à la porte de mon cabinet, dans un état de grand malaise, se demandant si elle devait quitter son mari. En fait, ce qu’elle a quitté, c’est la partie d’elle-même qui se muselait !
Constater que votre vie ne vous ressemble plus apporte un lot d’angoisse qui est parfois difficile à vivre.
Nous, êtres humains, n’aimons pas la perte, le manque.
Or, la crise vient nous y confronter. Quand vous étiez jeune, n’aviez-vous pas une image de comment vous seriez à 40 ans ? Avec un travail que vous aimeriez, où vous seriez appréciée, une ribambelle d’enfants bien dans leurs baskets et un mari toujours très amoureux ?
Oui, dans sa mue, l’animal y laisse sa peau. Mais il ne meurt pas, loin de là. Il se débarrasse de ce qui n’est plus adapté à ses besoins.
La première partie de notre vie est marquée par l’élan de vie, de progression. Tournés vers l’extérieur, le challenge pour chacun est de bâtir sa vie, son travail, sa famille, sa vie sociale. À partir de 40-50 ans se dessine la deuxième partie de notre vie, celle qui nous mène vers la mort. Elle fait naître souvent une recherche de plus de sens, de profondeur, de spiritualité. Accompagnée d’un constat – parfois amer – que la réalité que vous vivez n’a pas grand-chose à voir avec vos idées de jeunesse.
Et pourtant c’est tout à fait naturel : votre réalité change, vous ressentez un besoin d’aller à l’essentiel qui peut faire paraître vaines vos préoccupations passées. Plutôt que de les condamner, pourquoi pas accueillir ce mouvement comme celui de la vie ?
La question n’est pas : À qui la faute ?
Car ce n’est pas forcément la faute de votre conjoint, ou de votre lieu de vie, si vous vous retrouvez en plein questionnement aujourd’hui. Ces dernières années, vous avez vécu des évènements variés, vous vous êtes construite, vous avez fait des choix, vous avez évolué, changé. Oui, vous aurez des renoncements à faire : les premières rides sur votre visage, votre corps moins musclé, etc…
Mais cette crise, aussi désagréable soit-elle à vivre, est une invitation à plonger courageusement dans chaque domaine de votre vie, pour vous poser, à chaque fois, ces questions :
- Sur tel plan, que n’ai-je plus envie de vivre ?
- Sur tel plan, à quoi j’aspire pour le reste de ma vie ?
Cette crise du milieu de la vie recèle la formidable opportunité de prendre une décision :
Celle de questionner la personne vous êtes devenue, pour en reconnaître la part plus spirituelle, pour laisser émerger cette exigence de plus de vérité, pour vous permettre de vivre votre essentiel en paix avec vous-mêmes et avec les autres.