Juste quelques années - Fabuleuses Au Foyer
Dans ma tête

Juste quelques années

Rebecca Dernelle-Fischer 14 octobre 2019
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Alors que je dépose les jouets sur le comptoir, la bénévole de l’association me remercie : je viens de donner une deuxième vie à quelques puzzles. J’ai fait certains d’entre eux avec chacune de mes filles, un nombre infini de fois.

Une dizaine d’années : c’est le temps que ces jeux ont passé dans nos armoires ; les souvenirs, eux, sont gravés dans mon cœur.

Ce sont juste quelques années, quelques années avec nos enfants.

Ça paraît parfois long, surtout quand ils sont petits, malades, de mauvaise humeur, frustrés… Ça paraît même une éternité quand nous sommes fatiguées, malades, de mauvaise humeur, frustrées… Et pourtant, on a juste le temps d’éternuer trois fois et ça n’est plus un landau, que nous poussons, mais bien un tricycle et puis, un soir, au repas, ton bébé te parle de ses projets de vie.

Ce ne sont que quelques années, au fond.

Tous ces matins qui se ressemblent :

dès le saut du lit, les lacets à faire, les « Maman je dois faire pipi » au milieu du magasin, les dents qui tombent, les devoirs à terminer, les poux à traiter.

  • Quelques années pendant lesquelles nos priorités sont bouleversées, nos calculs tronqués, nos grandes théories piétinées, nos projets recadrés et nos rêves mis à l’épreuve de la réalité.
  • Quelques années qui nous soufflent dessus avec force, qui nous poussent à grandir beaucoup.

C’est un fardeau bien différent d’avant que l’on porte sur nos épaules et c’est un peu comme si une partie de notre cœur marchait constamment en dehors de notre poitrine : un, deux, trois enfants ou plus qui se promènent dans la vie. Juste quelques années.

N’aie pas peur !

La roue continue à tourner, l’eau coule sous les ponts, tes capacités grandissent, le monde bouge et tu ne resteras pas “coincée” avec des langes à changer, et rassure-toi, Pat Patrouille ne sera pas toujours leur émission préférée.

Et pourtant.

Comme elles sont parfois frustrantes, ces années particulières,

avec leurs défis, leurs victoires et leurs défaites. On se sent comme « trompées » sur la marchandise. Parce qu’en vrai, aucune des émissions de télé que je regardais ado ne m’avait préparée à la réalité. Eh non : nous ne vivons pas à San Francisco avec 2 oncles rigolos et charmants qui nous aident à élever nos trois filles et personne ne lance « Madame est servie » à l’heure du repas.

Et entre nous, j’ai beau avoir épousé un pasteur, on n’est pas dans Sept à la maison. Il y a de vraies factures à payer, des rendez-vous médicaux à prendre, des chutes de vélo et des crottes dans l’eau du bain…. Et aucun public pour rire en fond sonore. 

Mais pour rien au monde je ne t’écrirai :

« Ça passe si vite, profites-en bien, surtout ! »

Parce que c’est certainement la remarque qui m’a paru la plus étrange quand je suis devenue maman. La gentille petite grand-mère qui se penche au-dessus de ton bébé dans son maxi-cosy pour te rappeler que le temps passe et que tu ne peux pas le retenir et que tu devrais être teeeeeeeeeeeeellement heureuse parce qu’ils grandissent si vite (et qu’après ils te mettent en maison de retraite et ne te rendent jamais visite… soupir nostalgique) !

Et au moment où elle te dit cette phrase, tu te sens encore plus seule, parce que tu fais ton possible pour profiter de chaque instant mais tu rames vraiment et tu doutes, et…

tu te sens coincée, aussi.

Tu as l’impression d’avoir perdu ton enfance à toi, ton insouciance, ta liberté.

Pour rien au monde tu ne rendrais ton enfant au guichet des objets trouvés (« mais s’il vous plaît, si jamais la garantie est encore valable, reprenez-le, il pleure toutes les nuits / fait des crises au supermarché / a fumé en cachette / est rentré dans une voiture avec ma jolie petite voiture », etc.)

Non, tu ne veux pas le rendre, mais parfois, juste un peu, tout au fond, ça te tente un peu… 

Tu sais, ce ne sont que quelques années

Alors, n’aie pas peur de te donner à cette phase de ta vie,

prends-la à bras le corps, sois l’adulte, la maman, change tes priorités, envoie balader ta vie de rêve. Je sais, ça n’est pas du tout à la mode d’écrire ça, mais purée, si ta vie de rêve ne te pousse qu’à détester toujours un peu plus ton quotidien, alors ce rêve n’est que poison.

Sois adulte à ta manière, trouve tes alliés, apprends à ramer en rythme avec ta petite famille, ose la lenteur, deviens experte de ton cœur, arrose ce qui te fait du bien, coupe certaines ronces qui te font mal.

Ta famille n’est pas ta prison, c’est ta maison.

Ouvre les fenêtres, aère, décore : personne d’autre ne peut faire ça à ta place.

  • Ton bien-être n’est pas la responsabilité de tes enfants, ni celle de ton partenaire, ni de ton chef ou de ton collègue, ni même de ton médecin, de ton psy ou de ton thérapeute.
  • Ton bien-être, c’est ta responsabilité à toi et elle est grande.

Parce que tes enfants ont besoin de toi, oui, et c’est prenant, oui, et ça fatigue, oui, et tu as peur de te perdre, je sais…

Je sais tout ça. 

Mais tu verras, ce ne sont que quelques années, et ce sont les tiennes, les vôtres. Elles semblent s’installer pour une éternité dans nos foyers mais finissent par repartir sur la pointe des pieds comme elles sont venues, en laissant derrières elles une tonne de souvenirs. Des souvenirs un peu « bitter-sweet », comme disent les Anglais. Des souvenirs avec une touche amère – comme certains regrets que l’on a -, avec une touche sucrée – comme tous les mercis qui nous viennent à l’esprit.

N’aie pas peur de te donner à ces années, vis-les, ne les compare pas et si tu écoutes ton cœur, tu ne te perdras pas : tu deviendras riche des traces qu’elles auront laissées.



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Cet article a été écrit par :
Rebecca Dernelle-Fischer

Psychologue d’origine belge, Rebecca Dernelle-Fischer est installée en Allemagne avec son mari et ses trois filles. Après avoir accompagné de nombreuses personnes handicapées, Rebecca est aujourd’hui la maman adoptive de Pia, une petite fille porteuse de trisomie 21.
https://dernelle-fischer.de/

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