Je ne suis pas l’actualité tous les jours — c’est bien trop déprimant —, mais je m’efforce de rester informée sur les sujets essentiels. Les résumés que certains médias partagent suffisent généralement à me tenir au courant, et je me concentre sur les domaines qui me touchent le plus.
La santé publique en fait partie, en rapport avec mes années passées en tant que soignante.
Récemment, un chiffre m’a frappée. Selon France Inter, « en 2022, 61 000 nouveaux cas de cancers du sein ont été recensés en France, plaçant le pays en tête des nations pour l’incidence de cette maladie. » Avec Octobre rose approchant de son trentième anniversaire, les efforts pour combattre cette maladie sont loin d’être terminés. Comme dirait l’autre, on a gagné des batailles, mais pas la guerre…
Ceci dit, je n’ai pas l’intention de m’attarder sur les chiffres ici, même s’il me semble important de rester sensible à la réalité, mais plutôt sur la manière dont on pointe du doigt les comportements individuels. Dans le cas des cancers du sein, les femmes sont visées par des critiques telles que : « C’est mal de fumer, de boire excessivement et de rester inactive. Vous vous rendez malades et coûtez cher à la société. » Bien sûr, nous savons tous que maintenir un mode de vie sain est bénéfique, mais ce qui me dérange, c’est cette propension à culpabiliser les individus, qui prend plus de place dans les discours que la résolution des problèmes systémiques auxquels il faudrait s’atteler. Comme si cette pression supplémentaire était d’une quelconque efficacité.
C’est plutôt le contraire, puisque le sentiment de culpabilité peut entraîner du stress, qui nuit à la santé.
Et puis nous, les femmes, sommes tellement familières avec le sentiment de culpabilité, qu’elle est devenue comme une deuxième peau dont nous ne nous départissons jamais. Alors nous dire que, si nous sommes malades, c’est parce que nous l’avons cherché, franchement, je trouve cela plutôt sadique, en plus d’être nuisible.
Il me semble que c’est important de pousser des coups de gueule de temps en temps, ne serait-ce que pour soi-même. Je refuse de céder face à un débordement de culpabilité, et je le revendique ! Ce n’est pas en écrivant ces lignes que je vais changer le monde, mais si je ne le fais pas, qui s’exprimera pour moi ? Qui s’indignera, si c’est moi qui ressens de l’injustice ? Comment ferais-je bouger les lignes — non seulement en moi, mais aussi autour de moi — si je me tais, enfermée dans cette fichue culpabilité ?
Si je peux agir à mon niveau pour ne pas tomber malade, je le ferai.
Enfin, peut-être pas tout le temps, parce que j’ai souvent plusieurs défis à relever de front, ou pas tout de suite, parce que la saison des barbecues commence tout juste, et aussi parce que je viens de trouver une nouvelle série que j’adore sur Netflix… Mais je ne peux pas ni ne veux raisonner tout le temps en facteurs de risque, sinon je serais sans cesse dans l’auto-jugement et l’auto-condamnation.
J’ai la chance de n’être jamais passée par la maladie. Mais si cela devait m’arriver, j’imagine que je ne voudrais pas utiliser mes ressources — en temps et en énergie — pour me combattre moi-même, mais plutôt pour continuer à relever des défis qui, selon ma propre conception, en vaudraient la peine : prendre soin de moi, mettre un pas devant l’autre, au sens propre comme au sens figuré, faire les choses qui sont importantes pour moi, et être présente pour ceux que j’aime.
La culpabilité est un cocktail d’émotions désagréables — honte, tristesse, mépris, colère — qui a néanmoins sa justification initiale :
elle émerge quand on se juge responsable d’avoir transgressé ses propres principes. Son rôle est de nous signaler que nous avons franchi une borne, enfreint une règle, incitant ainsi à agir pour remédier à la situation. Le problème réside dans l’excès, qui nourrit un sentiment de culpabilité persistant au lieu de favoriser une résolution constructive. Sans une réévaluation des causes et des contextes de ce sentiment, on s’enlise dans une auto-culpabilisation continue.
C’est cela qui est nocif pour ma santé physique, morale, psychologique, et que je veux anéantir de ma vie, pour qu’elle ne me gâche plus aucun instant précieux. Si je fais des erreurs et que je doive les réparer, d’accord. Si j’ai à demander pardon, d’accord. Si je peux m’ajuster, m’améliorer, m’étirer, d’accord. Mais vivre le doigt pointé sur moi, porter sur mes épaules un fardeau qui n’est pas le mien, « prendre sur moi » systématiquement, non.
Chère Fabuleuse, j’ai écrit ces mots pour moi, mais aussi pour toi.
Si, en parcourant ces lignes, tu te reconnais ne serait-ce qu’un peu, je t’encourage à choisir judicieusement tes combats. Adopte l’art du tri sélectif dans ta vie : conserve ce qui t’apporte de la valeur et éloigne ce qui t’alourdit. Et par-dessus tout, choisis-toi.