« Je pensais que j’allais mourir d’épuisement » : elle raconte son burn-out maternel - Fabuleuses Au Foyer
Maman épuisée

« Je pensais que j’allais mourir d’épuisement » : elle raconte son burn-out maternel

femme épuisée qui se tient les temps
Margaux Leguern 6 juin 2023
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Maman de deux enfants de 9 ans et 4 ans, Tolérance est infirmière depuis 18 ans et elle a essentiellement travaillé dans les domaines de la santé mentale, du médico-social et du handicap. Son conjoint est officier de gendarmerie et elle travaille lorsque ses mutations le lui permettent. Actuellement expatriée à Madagascar, elle est dans son foyer à temps plein et elle a lancé il y a quelques mois le compte Instagram @mamanenburnout, puis un blog et une newsletter qui rencontrent une audience très large.

Il y a trois ans, tu as connu le burn-out maternel. 

En 2020, j’ai commencé un poste de cadre au 115, à Paris. Le travail était passionnant, j’étais hyper contente de commencer ce nouveau boulot et j’étais certaine qu’en m’organisant correctement avec les enfants, tout allait bien se passer. Mais cela faisait plusieurs mois que j’accumulais une fatigue terrible dont je ne parvenais pas à me défaire. J’étais très épanouie au travail, mais ça n’allait pas du tout dans ma sphère parentale. Je sombrais. Il y avait la fatigue physique et psychique, j’avais des troubles du sommeil, de plus en plus de mal à sortir du lit le matin… Jusqu’au jour où mon corps m’a lâchée. 

Ça s’est passé quelques jours après ma prise de poste, en allant au travail, je me suis sentie très mal. Je suis sortie du métro en sueur, je ne sentais plus mes jambes. Je me demandais ce qu’il se passait. Paniquée, j’ai appelé ma mère pour lui dire à quel point je n’allais pas bien. Elle m’a répondu qu’elle n’était pas surprise. Que ça faisait bien longtemps que je n’en pouvais plus, mais que je ne voulais pas l’entendre. Que mon corps me lâchait pour me prévenir.

Ce jour-là, les seuls mots qui sortaient de ma bouche étaient « Je suis fatiguée. Je suis épuisée. Je n’y arrive plus ». Mon médecin n’a pas posé le terme de burn-out parental le jour où j’ai sombré, mais elle m’a dit « Vous êtes en épuisement physique et psychique. Je vous arrête tout de suite ». Je n’ai pas cherché à dire non, j’ai juste dit « merci ». Parce que je ne me sentais plus capable d’aller au travail et que j’avais besoin de repos. J’avais pris conscience que c’était grave et j’ai réalisé tous les petits signaux que mon corps m’envoyait au quotidien : mal de tête, mal de dos… Le burn-out parental parle physiquement quand on ne veut pas l’entendre. 

Est-ce que tes proches t’avaient avertie sur ton état de fatigue ?

Ils m’avaient surtout avertie lorsque j’ai accepté le nouveau poste. Ils se demandaient comment j’allais gérer un boulot à plein temps très prenant avec deux jeunes enfants et un conjoint absent. « Tu vas courir de partout. C’est de la folie. » Mais je me sentais organisée. Et je l’étais. Seulement, je l’étais de façon tellement perfectionniste que ça ne pouvait pas tenir sur la durée. Le perfectionnisme s’était glissé partout : dans les repas, l’école, les devoirs, l’habillement, l’organisation de la maison, le ménage… Tout était et devait être parfait.

D’où venait cette image de la mère parfaite que tu étais censée être ?

Peut-être un petit peu de mon éducation. Mais sûrement aussi de tout ce qu’on peut lire dans les bouquins sur la parentalité ou l’éducation positive et voir sur les réseaux sociaux. Ils présentent une image lissée de la vie de famille avec des intérieurs rangés, blancs, des enfants propres, sages et des mères qui gèrent sur tous les plans. Quand on voit ces images, la première pensée des mamans est souvent « Si les autres y arrivent, pourquoi moi, je n’y arriverais pas ? » 

J’étais coincée dans une vie où je travaillais et je m’occupais de mes enfants à la perfection. Il a fallu que je sombre pour réaliser le perfectionnisme dans lequel j’étais engluée et accepter par exemple que ce n’était pas grave de manger à 20h30 ou de passer un gant de toilette au lieu de donner un bain parce qu’on est trop fatiguée… 

Qu’est-ce que ça t’a fait de mettre des mots là-dessus ?

Je souffrais intérieurement, mais je n’osais pas le dire. J’en avais honte. Mettre les mots « burn-out parental » sur ce que je vivais a légitimé ma souffrance. Je me suis dit : « J’ai le droit de souffrir, ça existe ». Et ça a vraiment tout changé. Ce diagnostic m’a beaucoup aidée dans mon quotidien parental et dans ma vie de couple. J’ai pu dire à mon conjoint que je n’allais pas bien et qu’un médecin avait constaté que je devais m’arrêter, car c’était grave.

En parlant de ton conjoint, comment a-t-il réagi ? A-t-il été surpris ?

Pour mon entourage, j’étais une Wonderwoman. Quelqu’un qui gère, qui a beaucoup de caractère, qui ne se laisse pas faire et qui tient bon. J’incarnais l’image de la mère forte et sacrificielle. Alors mon conjoint a été surpris que je sois en arrêt. Il savait que j’étais fatiguée, car notre fils ne dormait pas depuis deux ans et demi, mais il pensait que j’allais bien, que je tenais le coup, et que le peu de fois où je pouvais me reposer le week-end, c’était suffisant. Il faut aussi dire que j’avais le sourire, je ne lui ai rien montré. Et ça va avec le burn-out maternel : tu es dans un tel perfectionnisme que tu dois montrer que tu es forte, que tu es une mère parfaite, que tu n’es pas fatiguée. 

Après cela, avez-vous retrouvé un équilibre de couple pour porter la charge du quotidien ensemble ?

Ça a été très compliqué. Les premiers mois de mon arrêt maladie, la vie continuait pour mon conjoint. Du fait de son travail, il n’est pas à la maison aux heures charnières où j’ai besoin de lui, donc ça n’a rien changé.

Ça me rendait très triste et je me sentais délaissée. J’attendais de lui un peu plus de réconfort et qu’il fasse l’effort de rentrer plus tôt. Mais je n’ai rien eu de tout ça. Mon médecin m’a conseillé de laisser cela de côté. Je n’étais pas en état de m’occuper de ma relation de couple et il fallait d’abord que je retrouve un peu d’énergie. Lors d’une consultation, nous avions pointé que l’absence de coparentalité était un élément stresseur pour moi. Je me sentais seule à la barre du fait du statut militaire de mon conjoint, mais aussi, car il ne faisait rien quand il était présent. 

C’est un peu plus tard que je lui en ai parlé. Je voulais qu’on travaille ensemble pour aller mieux. Cependant, il était sur la défensive et prenait ce que je lui disais comme des reproches. Cet échange ne s’est pas bien passé alors j’ai pris la décision de m’en aller. Je suis partie en vacances avec mes enfants sans savoir si j’allais revenir. 

Nous sommes finalement parvenus à poser les choses. Par exemple, nous avons déterminé qu’il pouvait prendre les enfants le week-end pour que je puisse faire un peu de sport ou voir une copine. Je le préviens en avance quand j’ai prévu quelque chose pour qu’il puisse s’organiser afin de rentrer plus tôt. Nous avons pu mettre des choses comme celles-ci en place et ça nous a fait beaucoup de bien à tous les deux. Ce n’est pas une solution miracle et ça demande des ajustements constants. Même si je suis sortie du burn-out maternel, l’équilibre au sein de notre couple reste un travail de longue haleine. La différence, c’est qu’aujourd’hui, j’arrive à mobiliser des ressources pour ne pas m’oublier.

Qu’est-ce qui t’a aidée à prendre du recul et t’a fait du bien quand tu étais en plein burn-out ?

Ce qui a compté, c’est la présence de mon noyau dur : deux ou trois amis sur qui je peux compter et à qui je peux tout dire. Et j’ai la chance d’avoir une famille très aimante, bienveillante, au courant de tout ce que j’ai pu vivre à cette période-là et sur qui je peux vraiment compter. Par exemple, en plein burn-out, j’ai pu appeler ma mère pour lui dire « il faut que tu viennes parce que je craque ». Elle est venue de Nice à Paris pour m’aider. Elle a été un soutien très important pour moi. 

Il y a aussi le suivi médical. Il n’y a pas de solution miracle pour sortir du burn-out à part s’inscrire dans un vrai parcours de soins avec des professionnels diplômés et formés. C’est ce qui m’a sauvée. Les trois premiers mois, j’ai été suivie toutes les semaines, puis deux fois par mois pendant huit mois. C’était long, mais nécessaire. Sans le suivi médical, je pense que je serais toujours en burn-out. 

Pendant mon arrêt maladie, j’ai eu besoin de parler de ce que je traversais. C’est à ce moment-là que j’ai créé mon compte Instagram @mamanenburnout. Cela m’a permis de découvrir des mamans comme moi qui osaient dire qu’être mère, ce n’est pas toujours facile. Ça m’a fait énormément de bien. Il y a quelques mois, j’ai également créé un blog et une newsletter afin d’avoir plus d’espace pour développer ce que je disais déjà sur les réseaux sociaux.

Les livres d’Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak ont été des incontournables pour moi. Ces femmes ont écrit 3 livres qui m’ont permis de comprendre le mécanisme du burn-out parental : Le burn-out parental, l’éviter et s’en sortir, Comment traiter le burn-out parental ?, Le burn-out parental, comprendre et prendre en charge. Tant qu’on ne comprend pas les mécanismes de son propre burn-out parental, on ne peut pas s’en sortir. C’est fondamental de comprendre ce par quoi on est passé(e), quels ont été les premiers signaux d’alerte, quels sont les stresseurs, quelles sont les ressources disponibles et comment on peut mobiliser d’autres ressources dans sa propre vie. Il y a également La fatigue physique et émotionnelle des mères, de Violaine Guéritault. C’est LE livre qui légitime l’épuisement parental et qui permet de déculpabiliser. 

Aujourd’hui, tu as une certification burn-out parental.

Tout à fait. Je me suis formée pour comprendre le burn-out parental et ne pas passer à côté si je rencontre un parent qui traverse cette épreuve. Par contre, je ne fais aucun accompagnement, car je considère qu’il y a des professionnels qui sont bien placés pour le faire. Je crois vraiment au parcours de soin et à tout ce qui existe déjà.

J’encourage les mamans à contacter des associations comme le Centre du burn-out. Il y a aussi l’application Dr Mood des deux chercheuses dont je parlais avant qui est très bien. Celles-ci proposent également un programme d’accompagnement. Et surtout, j’incite les mamans à consulter un médecin généraliste, un psychologue, un psychiatre… Le but de mon blog est de pouvoir répertorier les professionnels spécialisés dans le burn-out parental. 

Aujourd’hui, as-tu mis en place une certaine hygiène de vie pour ne pas retomber dans l’épuisement ?

Oui, vraiment. Il y a encore des jours où je suis crevée, où je n’ai pas le temps de penser à moi, et je crois que c’est important de dire que c’est normal. Mais même s’il y a des jours où je ne peux pas prendre soin de moi, j’ai toujours du temps qui me sera accordé plus tard, dans une semaine, dans un mois… J’ai la perspective de pouvoir souffler. 

Au moins une fois par an, je m’accorde un week-end solo pour recharger mes batteries. Quand j’en ai besoin, je prends une nounou. C’est certes un budget, mais j’ai identifié que j’avais plus besoin de deux heures de baby-sitter que d’un nouveau t-shirt, par exemple. Aujourd’hui, ma santé mentale est prioritaire. Et honnêtement, j’ai tellement peur de la rechute que je mets beaucoup d’énergie à penser à moi. 

Je parle souvent d’organiser sa fuite. Quand j’étais en burn-out, je fuyais, je n’avais plus envie d’être là, d’être mère. Ma seule envie, c’était partir et tout laisser en plan. Aujourd’hui, j’ai toujours envie de fuir. Mais cette fuite est organisée, bienveillante, constructive, et importante pour toute la famille. Parce que quand je pars, je pars une heure ou deux, ou bien même un week-end, mais je reviens pour du mieux. 

Je crois que c’est important de se le dire, car ça permet de ne pas culpabiliser. Et aussi, je préviens mes enfants et mon conjoint quand je suis fatiguée et que j’ai besoin de temps pour moi. De toute façon, on est toujours dans une ambivalence par rapport au fait de prendre du temps pour soi. Aujourd’hui, j’y trouve un tel bénéfice que je ne me prends plus trop la tête. En tant que maman, on a besoin de temps pour soi pour que la famille tienne bon, pour que tout le monde soit épanoui, pour avoir de l’énergie pour gérer les enfants, pour avoir de l’énergie en vacances, pour avoir le moral, pour être moins irritable.

Qu’as-tu découvert sur toi-même à travers la maternité ?

J’ai découvert ma vulnérabilité. J’avais l’impression d’être forte et j’ai découvert que la maternité pouvait fragiliser. J’ai découvert que j’étais capable de parler de moi sans me cacher derrière quoi que ce soit. J’ai découvert que j’étais capable de mettre des mots sur mes émotions. J’ai découvert aussi que j’étais quand même forte, car j’ai vraiment cru que j’allais mourir d’épuisement. À un moment donné, j’ai pensé que je ne m’en sortirais jamais et j’ai eu peur pour mes enfants, pour mon conjoint, pour ma famille. 

Et j’ai appris la résilience, l’acceptation, l’estime de soi. J’ai appris beaucoup de choses. Et je ne suis plus la même depuis que je suis passée par le burn-out maternel. Je ne suis plus la même soignante non plus parce que je vois les choses différemment.

Aujourd’hui, qu’est-ce qui t’épanouit dans ta vie de maman ?

C’est être avec mes enfants, voir leurs sourires, échanger avec eux. C’est aussi mon compte Instagram. Quand je reçois un message d’une maman qui me dit « Grâce à toi, grâce au temps que tu as pris pour moi, je suis enfin suivie par un médecin » et quelques mois plus tard « Je vais mieux », ça m’épanouit vraiment. Je me dis que j’ai réussi à faire quelque chose de ma souffrance. Tout cela me donne beaucoup de force et d’énergie pour me dire que je ne fais pas cela pour rien, et que si je peux aider rien qu’une seule personne à travers mon histoire, c’est déjà une très très belle victoire.

Quel conseil donnerais-tu à une femme qui va avoir un bébé?

Je lui conseillerai de s’entourer, de s’informer sur la parentalité. Je lui dirais que ça ne sera pas toujours très facile et très joyeux, mais qu’elle va s’en sortir. Je lui dirai aussi de penser au coparent, d’organiser « l’après » avec lui, de se répartir les rôles de façon la plus équitable possible. Je lui dirais aussi de se faire confiance, de faire ses propres choix, de ne pas se comparer et de ne pas chercher à faire comme les autres. Et je lui dirais que de toute façon, elle sera une bonne maman.

As-tu une astuce pour faire face à une journée pourrie ?

C’est peut-être une journée pourrie, mais ce n’est pas grave : toutes les autres ne le seront pas. On fera mieux le lendemain ou le surlendemain. Et même si on passe une journée pourrie, on n’est pas une mauvaise mère. L’amour maternel n’est pas remis en cause. 

Quand une journée est vraiment mal partie, je lâche prise sur toutes les règles du quotidien qu’on s’impose. La journée est déjà pourrie, donc laisse tomber le bain si les enfants crient pour ne pas se laver, laisse tomber s’ils ne veulent pas manger de légumes et donne-leur juste des pâtes. C’est vraiment ce qui m’aide à tenir. 

Si j’ai besoin de souffler dans ma chambre pour reprendre mon calme, je les laisse devant un écran pendant 30 minutes. Ce n’est pas grave s’ils sont devant un écran, je ne suis pas une mauvaise maman, ils sont en train de souffler et moi aussi. Après, j’essaye toujours d’avoir un moment sympa avec les enfants, de faire une activité qu’ils adorent : je mets la musique à fond, on rigole, on danse, on chante. Je fais en sorte que cette journée ne finisse pas sur quelque chose de négatif pour eux comme pour moi.



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Cet article a été écrit par :
Margaux Leguern

Margaux est rédactrice dans l’équipe des Fabuleuses depuis 2020. Littéraire et formée dans la communication, elle prend soin des mamans de la communauté, anime les réseaux sociaux, publie les articles, assiste Anna Latron pour les Fabuleuses Aidantes. En bref, elle participe à créer cet espace bienveillant où chaque femme peut être authentique et vulnérable. Elle croit qu’une maman qui va bien, c’est tout une famille qui va bien ! 

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