À la sortie de l’école, je ne fais pas partie de ces petits attroupements qui se forment et dont s’élèvent des voix. Je ne sais pas de quels sujets ces mamans et ces papas peuvent discuter. Ce n’est pas que je fuis les gens — je pense que j’aime assez les gens en général… enfin je crois — mais plutôt que je ne sais pas quoi leur dire. Je ne sais pas quel sujet lancer. Il m’est déjà arrivé d’essayer, mais lors de ces rares fois, j’ai eu l’impression de faire un bide. Tu vois le petit corbeau qui passe au milieu de l’image dans les mangas quand il y a un silence gêné ? Ben, ça ressemble à ça.
Ce n’est pas nouveau chez moi.
En primaire, j’avais des copines et je jouais volontiers aux billes et à la corde à sauter — coucou aux filles des années 80 — mais j’aimais aussi passer du temps seule à écrire ou à rêver. En m’approchant de l’adolescence, j’ai essayé d’observer les autres, celles et ceux qui paraissaient « populaires », de détecter en quoi leurs façons d’être et de faire pouvaient expliquer l’intérêt qu’on leur portait. En vain… Ça avait l’air si naturel pour ces personnes d’attirer l’attention que j’ai fini par voir cela comme une fatalité et malheureusement…
… à me considérer comme manquant cruellement d’intérêt.
Aujourd’hui, à quarante ans passés, j’ai appris à respecter qui j’étais et à m’aimer comme je suis — ô victoire ! Mais toujours sans avoir trouvé la recette… Tu l’as sans doute diagnostiqué : je suis un beau spécimen d’introvertie. Je le sais et ça me va très bien. La plupart du temps, du moins. Je peux très bien m’en ficher de ne pas avoir de copines qui m’attendent au portail de l’école, mais ça m’est arrivé plein de fois de rêver que je me joignais naturellement à un groupe et, tout aussi naturellement, que je partageais des sujets de discussion qui intéressaient tout le monde.
Sauf que ça n’est pas naturel chez moi.
Alors que faire ?
La meilleure option pour moi, en tous cas la plus naturelle justement, reste de ne pas forcer le trait, ne pas faire semblant de trouver des conversations passionnantes, et simplement dire au revoir à mon fils à l’entrée de l’école. Et partir.
Partir et aimer mes moments de solitude dans la voiture sur la route du travail ou dans ma maison qui a retrouvé le calme.
Partir et ne garder que l’empreinte sur ma joue du câlin de mon petit gars.
Partir et rejoindre les personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt que moi.
Passer des moments de qualité avec ceux qui m’apprécient pour qui je suis.
Rester sur mon nuage, ou peut-être sur la Lune, selon les jours.
D’ailleurs, je te croiserai peut-être sur un nuage voisin, ou en direction de la Lune, toi qui te reconnais dans ce que je décris.
Et après tout, qu’est-ce que ça peut faire ?
Je ne suis pas cette maman parfaite, hyper populaire, toujours impeccable, souriante et empathique… et alors ?
Est-ce que ça rend mes enfants malheureux ? Je ne crois pas.
Est-ce que ça me rend malheureuse ? Peut-être, certains jours.
Mais ce sont les fois où je me compare et où je m’enferme dans mes petits nuages noirs et de caliméro-ttitude, les fois où je suis capable de dresser la liste de mes 156.237 défauts tout en scrollant, en pleurs, sur Instagram et en voyant ces autres femmes qui ne sont pas moi et qui ont l’air si irréprochables.