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Dans ma tête

Je déteste la ville où j’habite

Marie Lucas Leborgne 20 novembre 2024
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Lorsque j’ai déménagé de Compiègne pour l’étranger, je suis partie dans l’idée de ne plus JAMAIS mettre les pieds dans cette ville. Je n’y avais pas été heureuse. Il pleuvait tout le temps, il faisait froid. Je trouvais que la nature n’y était pas belle : s’il y avait une grande forêt, elle était plate et spongieuse. À notre retour en France, pour raisons professionnelles, il nous a fallu retourner vivre… à Compiègne ! Ce n’était pas du tout notre premier choix, mais il fallait bien manger quelque chose, alors nous avons fait nos valises et nous y sommes retournés, plus ou moins la mort dans l’âme. 

Eh bien, contre toute attente, Compiègne est devenue pour nous la ville idéale.

Comment expliquer cela ? Rien n’y a vraiment changé — il y fait toujours aussi froid et il pleut autant qu’avant. Mais le ciel me semble moins bas et les pigeons moins sales.

Ce qui pour moi n’était que grisaille et froid polaire est maintenant devenu air pur qui me vivifie le matin.

La fermeture des bars à 18h 30 ne me pèse pas le moins du monde, à présent que j’ai trois enfants en bas âge. Et la forêt, collée au centre-ville, offre toute la verdure dont ils ont besoin pour pédaler et observer les oiseaux. Et si la ville est petite, c’est largement suffisant pour les besoins de ma vie sociale. Bien évidemment, ce n’est pas Compiègne qui a changé. C’est moi. Compiègne était l’objet de toute mon aversion, parce que cette ville me renvoyait à une période de loose de ma vie. 

Au fond, il m’est arrivé la même chose que dans l’histoire des pèlerins de Jérusalem. Vous la connaissez ? 

Il était une fois deux pèlerins arrivant à Jérusalem. À l’entrée de la ville se tenait un vieil homme qui mendiait. Les pèlerins s’arrêtent et lui demandent : « les habitants de cette ville, sont-ils chaleureux ? ». Le pauvre homme leur répondit : « Je ne sais pas. C’est comment, chez vous ? ». Les pèlerins, sans hésiter, lui répondirent : « les gens sont fermés d’esprit, avares et égoïstes ! ». Et le vieil homme de répondre : « c’est tout pareil ici ». 

Quelques instants plus tard, un autre groupe de pèlerins arrive à la porte de Jérusalem, et pose la même question au vieil homme. Et lui répondit de même : « Je ne sais pas. C’est comment, chez vous ? ». « les gens sont toujours bienveillants, ouverts, prêts à vous accueillir comme leur frère ! », répondirent-ils en chœur. Et le vieil homme répondit : « c’est tout pareil, ici ».

Ce qui fait que l’endroit où tu vas est accueillant, chaleureux et agréable, ce n’est pas seulement le nombre d’arbres au m², le nombre de bars ouverts, ou encore le nombre d’invitations que tu reçois par an.

C’est parce que toi, tu vas bien que la ville où tu vis est idéale.

Et quand tout va mal, ta ville devient moche, sale. Tu deviens aussi aigrie et maussade que le ciel est gris et pluvieux.

Ce qui se joue ici, c’est ce qu’on appelle en littérature le Sturm und drang, qu’on peut traduire par « tempête et passion ». C’est un courant littéraire où ce qui se vit dans les profondeurs de l’âme est transposé à l’extérieur. Le tourment intérieur se traduit par une tempête, un déchaînement de la nature. L’indécision se transforme en tourbillon qui semble aspirer le lecteur. Le même phénomène se joue dans notre espace de vie : on y voit ce qu’on y met.

Je ne voyais de Compiègne que la saleté et la pluie, parce que ma vie m’y semblait pourrie.

Aujourd’hui, je vois les mésanges et les rouges-gorges, les écureuils et la verdure, parce que je vais mieux. Cela ne doit pas nous empêcher de rêver à d’autres horizons, d’autres villes ou d’autres maisons, plus grandes et plus aérées. Mais si l’on déteste le lieu où l’on est, c’est probablement avant tout un signal, un symptôme, qui nous avertit qu’au-dedans de nous, nous n’allons pas bien. 

Et toi, chère Fabuleuse, que manque-t-il vraiment à la ville où tu habites, pour qu’elle soit la ville idéale ? Et à ta maison, pour qu’elle soit celle de tes rêves ? Que peux-tu changer, dans la manière de voir le lieu où tu vis, pour aller mieux ? Car ta ville est fabuleuse — et c’est ça qui change tout.

Et si tu veux prendre un moment pour toi, peu importe où tu sois, je t’invite à découvrir la Minute de Silence. Un petit plus dans ta journée qui changera beaucoup de choses en toi.



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Cet article a été écrit par :
Marie Lucas Leborgne

Professeure agrégée de philosophie et mère de trois enfants, elle vit actuellement à Compiègne. Mère et prof à temps plein, quand il lui reste du temps libre elle continue ses recherches sur le corps féminin en philosophie. Et à ses heures perdues, elle écrit de la fiction jeune adulte. 

Elle a à coeur de porter sur les questions chères aux Fabuleuses un regard philosophique et concret, inspiré de ses lectures et de ses propres questionnements.

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